La découverte complexe de la sexualité à l’adolescence, une étape fondamentale

Lorsque l’enfant grandit, il découvre et apprend à vivre dans le monde des adultes. Cela passe par les premières fois. En matière de sexe, cette étape est fondamentale.

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Axelle Truquet Publié le 06/02/2022 à 11:45, mis à jour le 06/02/2022 à 11:53
Illustration. Photo AFP

L’adolescence, âge de tous les changements et d’innombrables découvertes. Et parmi toutes les premières fois, il y a la première histoire d’amour, la première expérience sexuelle. La manière dont elle se déroule peut conditionner dans une certaine mesure la vie sexuelle future. Si les choses se passent mal, s’il y a de la violence, cela peut chambouler totalement l’individu et son rapport aux autres, pas uniquement sur le plan sentimental mais bien plus largement.

"La découverte de la sexualité a toujours un effet de surprise chez l’adolescent, rappelle le psychanalyste Franck Rollier, président du Centre psychanalytique de consultations et de traitement (CPCT) d’Antibes. Le corps se transforme, il est le siège de sensations imprévues, parfois qui surprennent, d’autres fois qui dérangent. De plus, l’entourage s’attend à ce que l’ado se manifeste désormais en tant qu’être sexué (ce sont les fameux questionnements du type « alors tu as un (e) petit (e) ami (e)?"). Tout cela peut générer une inquiétude, d’autant qu’il se sent observé dans sa vie sexuelle. De plus, les mots lui manquent pour traduire ce qui lui arrive. C’est pour cela que l’on dit que la sexualité fait un trou dans le savoir infantile: parce qu’elle ne répond pas au savoir qu’il détenait étant enfant. »

Rémy Baup, également psychanalyste et directeur du CPCT Antibes, poursuit: "L’ado se confronte au fait qu’il n’a pas de mode d’emploi, pas de formule mathématique, logique, qui puisse définir le rapport entre deux personnes sexuées. Il est donc renvoyé à une solitude radicale dans sa rencontre avec le partenaire sexuel. D’où le fait que l’on puisse qualifier la découverte de la sexualité de traumatisme."

En somme, il ne dispose pas des clés de compréhension, des codes, il est totalement perdu. Dans ces conditions, difficile aussi de savoir pour lui ce qui est acceptable ou non, mais aussi comment exprimer son désaccord. Or, quand la sexualité se conjugue à la violence, le jeune se retrouve totalement désarmé.

En principe, il existe depuis 2018 un référent égalité dans les collèges et lycées, censé prévenir les violences sexistes ou sexuelles. Problème, dans beaucoup d’établissements, il n’a pas encore été nommé. Parfois, sans aller jusqu’à la violence "directe", les répercussions d’une simple rupture amoureuse, par exemple après un premier rapport sexuel, peuvent engendrer des conséquences sur l’ado, qui peut être atteint dans son estime de soi, perdre en confiance. Les remarques sur le physique peuvent elles aussi profondément bouleverser, créer des complexes.

Franck Rollier raconte ainsi l’histoire d’un jeune homme fragile qui s’était mis à faire des crises de colère et dans le même temps semblait obsédé par le sport, qu’il pratiquait à haute dose. Or, en creusant, il avait été blessé, s’était senti trahi par le fait que sa première petite amie l’avait laissé tombé après lui avoir dit qu’il était trop maigre. "C’est là que se situe le traumatisme."

Identifier les signes d’appel

Mais parfois, la découverte de la sexualité se déroule en plus dans un contexte négatif, sur fond de violence. L’association "En avant toute (s)" et "Les Petites Glo", une newsletter féministe et culturelle destinée aux adolescentes, ont mené un vaste travail de sondage auprès de plus de 3.000 jeunes à la fin de l’année dernière. Et leur constat fait froid dans le dos: près d’une fille hétérosexuelle sur deux affirme avoir déjà subi des violences verbales au cours d’une relation. Et 59% disent s’être senties obligées d’accepter certaines pratiques sexuelles. La notion de consentement apparaît en effet parfois floue (attention: chez les hommes comme chez les femmes et quelle que soit l’orientation sexuelle!)

Les spécialistes, psys, médecins, éducateurs peuvent ainsi être confrontés à un ado qui manifeste un changement de comportement brutal, ce qui doit être perçu comme un signal d’alarme: il s’est passé quelque chose. Si le dialogue doit toujours être ouvert, encore faut-il être capable d’entendre, de comprendre et de prendre en charge celui ou celle qui a subi des violences sexuelles, cas de figure pas si exceptionnel que cela.

Attention, ces dommages ne sont pas provoqués que "dans la vraie vie" mais peuvent aussi se jouer en ligne. Les professionnels mettent ainsi en garde contre les risques de dérives sur les réseaux sociaux: injure mais aussi harcèlement jusqu’au risque de voir des photos ou vidéos intimes publiées sur le web, le "revenge porn". "Là encore, il faut encourager la parole et accompagner les jeunes, leur expliquer que de tels actes sont répréhensibles et qu’ils peuvent déposer plainte", insiste Franck Rollier.

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