"À la fin, il y a un vote... Nous sommes au terme d’un cheminement démocratique et politique de cette réforme. Si vous voulez renverser le gouvernement qui la porte, vous en avez désormais la possibilité." Il est 18h15, au perchoir de l’Assemblée nationale, quand Élisabeth Borne termine son discours. Le dernier? Dénonçant "les chants, hurlements et invectives" de ses opposants, elle est revenue défendre la réforme des retraites, face à deux motions de censure, l’une "transpartisane" déposée par le groupe Liot, l’autre par le RN. Suspense.
Trente-trois minutes interminables plus tard, le résultat tombe: 278 députés ont voté pour la première option. Pas suffisant pour faire "tomber le gouvernement", comme espéré par les extrêmes qui nécessitaient au moins 287 des 574 voix (et non 577, en prenant en compte les annulations d’élections). Manque donc 9 suffrages. Que 9 suffrages.
Dans les couloirs de l’Assemblée, Mathilde Panot (LFI) flingue "un gouvernement déjà mort aux yeux des Français" et Marine Le Pen tape sur Élisabeth Borne qui doit démissionner, alors que sa propre motion de censure ne dépassera pas la barre de 100 votes (94, exactement). D’autres attendent de connaître le choix des députés LR. Combien sont-ils: 10, 15, 20 frondeurs, alors qu’Olivier Marleix, président du groupe LR a appelé dans l’hémicycle à voter contre toute mention de censure, suivant la directive d’Éric Ciotti? 19 ont dit oui à la motion de censure de Liot (3 à celle du RN).
Les LR au centre de toutes les attentions
C’est là qu’il y avait un coup à jouer. Depuis jeudi après-midi et le déclenchement de l’article 49 alinéa 3 par le gouvernement, les calculettes avaient d’ailleurs sacrément chauffé. Jusqu’au dernier moment, les "pro motion de censure" ont tenté de faire basculer le vote des Républicains qui avaient fait savoir leur désaccord sur la réforme des retraites. Dans la balance, une quinzaine de voix. Minimum.
À la manœuvre, certaines figures du Rassemblement national. Y compris Laure Lavalette, députée varoise. Son arme? La promesse de ne pas présenter de candidats face aux frondeurs LR en cas de dissolution de l’Assemblée nationale. "C’est un sacrifice pour nous, en se privant d’éventuels députés en plus, mais c’est courageux de leur part", a justifié Lavalette. Un scénario qui s’éloigne, alors que cette dernière a lancé un "Chiche Monsieur Macron, allons à la dissolution".
Et maintenant?
L’échec des motions entraîne, de facto, l’adoption définitive du projet de loi avant sa promulgation par le chef de l’État. Mais là encore, tout n’est pas encore joué pour le gouvernement. La Nupes n’a pas dit son dernier mot. Sa nouvelle carte? Un référendum d’initiative partagée (RIP) qui prévoit la possibilité d’organiser une consultation populaire sur une proposition de loi "à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement", soit au moins 185 des 925 parlementaires (577 députés, 348sénateurs). Elle doit aussi être "soutenue par un dixième des électeurs", autrement dit 4,87 millions de personnes dans un délai de neuf mois.
Autre atout? La cheffe des députés LFI Mathilde Panot, pour qui les manifestations de jeudi seront synonymes d’une "motion de censure populaire", a confirmé que la gauche saisira le Conseil constitutionnel. Un même recours est annoncé par Charles de Courson, à l’origine de la motion de censure transpartisane. Quoi qu’il en soit, une question revient: comment Emmanuel Macron va-t-il pouvoir terminer son mandat?
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