Mes amis, mes amours, mes emmerdes. La chanson d’Aznavour, interprétée en live par deux candidats du groupe Nouvelles idées pour Monaco (NIM), en ouverture de meeting avait de l’à-propos jeudi soir.
Les amis, pour l’esprit d’équipe de cette liste qui veut préparer l’avenir du pays. Les amours, pour une Principauté qu’ils entendent faire progresser. Les emmerdes, pour la liste L’Union, convaincue pendant longtemps de faire cavalier seul dans cette campagne et qui a trouvé sur sa route ceux qui se qualifient de "petit poucet" ou de "grain de sable", pour soumettre une seconde liste aux Monégasques dimanche.
Ils étaient près de 150, jeudi soir, à avoir fait le déplacement au Grimaldi Forum pour écouter les NIM emmenés par Daniel Boeri, qui, par entêtement, a réussi son pari de fédérer quatorze colistiers pour se présenter aux urnes. Non sans mal. Dans son discours, la tête de liste à saluer "ces femmes et ces hommes qui ne se sont pas ménagés pour offrir le choix de l’alternative".
"Nos idées sont faites pour être vécues"
Une alternative démocratique. Mais aussi une alternative idéologique pour conduire à la destinée de la Principauté. "Nos idées ne sont pas faites pour être écoutées mais pour être vécues", promet Daniel Boeri, qui, s’il est élu, entend dessiner: "Un Monaco en pole position pour le climat et l’environnement, où l’éducation prépare les jeunes générations aux défis du monde qui change, où l’on anticipe aujourd’hui le travail de demain et les métiers d’avenir, où un débat sur l’autonomie du travail et les conditions pour arriver à la semaine à quatre jours est possible, où la culture est vue comme un investissement, pas une dépense".
De culture, il en a été souvent question à la tribune où se sont succédé les colistiers dans une mise en scène sobre, chacun dans leur style.
"Continuer à vivre et à consommer dans notre pays"
Le compositeur Marc Giacone, dissertant sur l’identité culturelle nationale, a proposé de rendre visible la création artistique de ses compatriotes "car on a trop souvent tendance à dérouler le tapis rouge aux artistes étrangers", estime-t-il, jusqu’à imaginer diffuser en priorité de la musique de compositeurs monégasques dans les supermarchés!
Daniel Boeri, lui, remet sur la table ses velléités d’avoir un Théâtre national en Principauté et de faire du Fort Masséna, sur la Tête de Chien, une Villa Médicis pour les artistes.
Dans un autre registre, Valérie Laugier, convaincante, a plaidé la cause "des petites gens", qui se demandent "si on va pouvoir continuer à vivre et à consommer dans notre pays".
Et Eric Battaglia s’est emporté contre la loi qu’il veut "remettre à plat", qui place à 20 ans le délai pour transmettre la nationalité par mariage. "Les Monégasques ne sont pas un troupeau de bisons que l’on doit réduire par manque de nourriture".
Ce sont eux qui diront dimanche si les propositions ont convaincu.
Trois idées fortes
• Agir pour une urbanisation raisonnée et réfléchie
"Notre patrimoine est coulé dans le béton et la mandature qui s’achève a privilégié les enjeux économiques au bien-être, à la santé et à l’environnement", tance Jean-Michel Rapaire, décrivant une qualité de vie "dégradée" en Principauté, où "respirer l’air pur n’est plus qu’un vague souvenir".
Pour lui, une idée s’impose: celle d’une proposition de loi pour une urbanisation "raisonnée et réfléchie", en garantissant notamment dans les nouvelles constructions, un quota de logements pour les nationaux et enfants du pays. "Il y a zéro logement pour les nationaux sur le projet Mareterra et ceux qui habitent en face, et qui avaient avant une vue imprenable sur la mer, ont aujourd’hui vue sur un mur", conclut le candidat, envisageant aussi une législation pour indemniser les propriétaires dont le bien immobilier est déprécié par les constructions nouvelles qui obstruent leur vue.
• Un "budget vert" pour mesurer l’impact du pays sur le climat
En matière environnementale, Jean-Charles Tonelli imagine "prendre des mesures fortes et urgentes": valoriser les déchets végétaux avec des composteurs; instaurer une meilleure gestion de l’eau dans les constructions neuves en recyclant l’eau des salles de bains et des cuisines pour alimenter les chasses; récupérer l’eau traitée de la station d’épuration pour laver les rues; "rendre la ville aux arbres, aux piétons, aux vélos, aux transports en commun pour des comportements plus éco-responsables".
Et Jean-Charles Tonelli plaide aussi l’instauration d’un budget vert dans les finances de l’état. Un outil pour identifier à chaque dépense budgétaire si elle est favorable ou défavorable pour l’environnement. "Les Monégasques pourront enfin mesurer l’impact réel de l’ensemble des actions de la Principauté sur le climat et la biodiversité."
• Des droits plus égalitaires pour les femmes
À Juliette Rapaire, la benjamine de la liste, de porter d’importantes questions sociétales pour "toucher du bout des doigts l’égalité entre les femmes et les hommes". Imaginant: un congé parentalité mutualisé et flexible pour les deux parents, un travail pédagogique dans les entreprises pour combattre les inégalités salariales selon les sexes, une maison de vie pour les personnes en détresse face à des violences morales et physiques.
La candidate a courageusement fait sien sur cette campagne, le combat de légaliser la pratique des interruptions volontaires de grossesse dans le pays. "Nous ne sommes ni un état rétrograde, ni un pays nataliste, nous nous devons de continuer à être progressiste en ce qui concerne les droits humains. La route est longue mais les femmes doivent obtenir le pouvoir de s’émanciper. La pratique de l’avortement n’est ni légalisée, ni remboursée, et condamne les praticiens en Principauté. Comment pouvons nous prétendre prôner une société aux modèles égalitaires? Pouvons-nous encore fermer les yeux sur l’accès de cette pratique importante dans notre pays? Les évolutions sociétales vont de pair avec les avancées ecclésiastiques. Il faut trouver des solutions qui respectent la vie de la mère, de l’enfant et des personnes concernées."
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