"Il y a eu Zemmour, candidat dans la 4e circonscription. Et on a bien vu le résultat…" Pas le temps de commander un café que Gilles Joannet, propulsé depuis un an animateur d’En marche dans le golfe de Saint-Tropez, décoche une première flèche. Celle-ci est pour Mourad Boudjellal, son concurrent dans la course à la présidence varoise du parti Renaissance. Autrement dit, la notoriété de l’ancien président du RCT ne sera pas forcément synonyme de victoire à l’issue de l’élection interne, organisée ce week-end. "Bien sûr que j’y crois", affirme ce consultant en management de 57 ans, dont six dans le Sud.
Son principal atout? Une équipe "intergénérationnelle renouvelée", qui compte notamment une ancienne juriste au Parlement européen et un sapeur-pompier professionnel. "On ne peut pas dire qu’on a échoué, et recommencer avec les mêmes, glisse Gilles Joannet. Derrière Boudjellal, il y a un groupe qui gère le parti depuis plusieurs années, et qui va être à la manœuvre. Alors qu’il faut changer d’approche. Et sortir des combats d'ego."
Ce challenger regrette notamment la quasi-absence d’analyse ou de réflexion après la déculottée des législatives, qui a abouti à l’élection de sept députés RN sur huit. "On n’a pas analysé la situation ni chaud, ni à froid, relève-t-il. Ce n’est pas comme ça qu’on va s’en sortir." Il poursuit, exemple à l’appui: "En matière de communication, on a énormément pêché. On ne sait pas vendre les lois du gouvernement. Ça vaut pour la loi sur les indépendants ou le Ségur de la santé, qui a débouché sur plus d’argent pour les hôpitaux de Draguignan et de Gassin. Et pour celle des retraites, qu’on repousse depuis 20 ans."
Emmanuel Macron, moteur de sa candidature
Gilles Joannet se différencie de Mourad Boudjellal sur la façon de combattre l’extrême droite. "Quand on critique les dirigeants du Rassemblement national, on éloigne de nous les gens qui ont voté pour eux, avance-t-il. Alors qu’on doit faire revenir les votes perdus. En les faisant participer. En les nourrissant. En étant dans la communication positive. Idem pour récupérer ceux partis chez LFI." Le déclic est venu d’Emmanuel Macron, croisé lors de la cérémonie de la libération de Bormes-les-Mimosas, cet été. " Il m’a dit: Il faut vous battre, il faut y aller, rapporte-t-il. Alors qu’il ne se passait plus rien."
Quitte à trop en faire? Dans le camp adverse, certains dénoncent une augmentation subite du nombre d’adhérents pour atteindre les 466 à l’approche du 31 décembre, date limite d’inscription pour participer au scrutin. "Ça fait partie du jeu, même si ce n’est pas le mien", déplore poliment Mourad Boudjellal, propriétaire du club de football d’Hyères. Des accusations que Gilles Joannet retourne à l’envoyeur. "J’ai vu ça, mais ça ne vient pas de moi ni de mes proches, jure-t-il. J’aime les combats à la loyale. D’ailleurs, ça ne servirait à rien de gonfler les chiffres en inscrivant mon chien comme chez les LR."
Une personnalité contrastée
L’ex-députée Sereine Mauborgne, qui a côtoyé Gilles Joannet pendant la dernière campagne remportée par le RN Philippe Lottiaux, vante "son entêtement": "On ne monte pas une liste de vingt-trois personnes en claquant des doigts." Celle-ci a essayé de le rallier à Boudjellal, qu’elle a décidé de suivre. En vain. "On m’a proposé une place, raconte Gilles Joannet. Mais je ne veux pas d’une place, moi. D’autant plus que je n’adhère pas à leurs méthodes."
Lui se voit en "chef d’orchestre à la recherche de nouveaux musiciens". Ses rivaux décrivent pourtant un homme "tout sauf fédérateur", "trop jeune en politique" et "persuadé d’avoir toujours raison". "Au mieux, il obtiendra 30% des voix", lance un observateur neutre.
"Nous, c’est le collectif, pas une personnalité connue, qui est autant aimée que détestée", rétorque Gilles Vautrin, colistier de Joannet.
Dans leur projet: "des grands enjeux nationaux appliqués au département" avec "des commissions thématiques qui intéressent les Varois". Notamment sur l’Europe. "C’est une des raisons du vote RN, alors qu’on pourrait mieux expliquer ce que les fonds européens nous apportent", assure notre interlocuteur. En parallèle, celui-ci planche sur la protection de l’enfance, la gestion des déchets et souhaite que les communes développent des "hôtels d’activité" pour "favoriser le télétravail", ce qui "réduirait le trafic routier". Et permettrait de garder de la distance avec Mourad Boudjellal? L’élection de dimanche se jouant à la proportionnelle, ces deux-là seront amenés à s’accorder.
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