Le 17 février, la conseillère nationale Christine Pasquier-Ciulla était élue présidente de la Commission des droits de la famille et de l’égalité. Déjà parlementaire par le passé, cette avocate défenseure évoque les combats législatifs déjà menés pour améliorer les droits des femmes et ceux à venir, parmi lesquels des thématiques sensibles.
En 2003, votre homologue Catherine Fautrier disait: "Monaco a trente ans de retard sur la France". Ce retard a-t-il été définitivement comblé?
On est en bonne voie pour le combler. Les dernières décennies nous ont permis de réaliser de nombreux pas en avant. En termes de transmission de nationalité, on est arrivé à une égalité parfaite entre les femmes et les hommes. Sur le volet social, on a eu le remboursement des frais d’accouchement pour les femmes travailleuses indépendantes en 2005. En 2019, trois textes importants ont été votés : la possibilité pour les femmes fonctionnaires résidentes à Monaco d’être cheffe de foyer; l’allongement du congé maternité de 16 à 18 semaines ; la possibilité de reporter le congé prénatal de 4 à 6 semaines. Il y a aussi eu le contrat civil de solidarité, tant pour les hommes que pour les femmes, c’est-à-dire la possibilité de ne pas se marier. De grandes avancées ont été faites sur le sujet des violences faites aux femmes, avec le projet de loi sur l’incrimination des agressions sexuelles. En 2022, on a abrogé toutes les dispositions inégalitaires ou obsolètes comme "bon père de famille". Il reste des choses à faire, il en restera toujours.
Concernant le statut de cheffe de foyer, toutes les femmes ne peuvent pas encore y prétendre…
Absolument. C’est sur la table et cela fait partie des sujets pour lequel j’envisage de me battre. Il est aujourd’hui appliqué chez les femmes fonctionnaires et agents de l’État et de la Commune mais pas encore pour les travailleuses indépendantes et celles du secteur privé. Cela nécessite des discussions avec la France pour faire évoluer la convention bilatérale franco-monégasque de sécurité sociale. Tout le monde travaille sur le sujet.
Quels sont les prochains chantiers législatifs pour le droit des femmes?
On a le projet de loi 1074, déposé en décembre, qui prévoit la création d’un fonds d’indemnisation des victimes d’infractions pénales. C’est le premier texte que va étudier ma commission. Cela servira à toutes les victimes (hommes, femmes et enfants) mais cela s’adresse principalement aux femmes et enfants victimes de violences. Cela permettra à l’État de se substituer par subrogation à l’agresseur pour indemniser les victimes des traumatismes subis. Ce sera une grande avancée. Autre sujet important: permettre aux femmes travailleuses indépendantes de bénéficier d’une indemnité pour congé maternité, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Des discussions sont en cours avec la CAMTI. Enfin, l’égalité salariale est un grand sujet sur lequel il faut se pencher.
D’autres sujets sont plus longs à réformer comme l’interruption volontaire de grossesse…
Oui car nous sommes un pays concordataire et il faut respecter les institutions. Concernant l’IVG, qui est un sujet délicat, de grands progrès ont été faits en 2009 puis en 2019 avec le vote d’une loi dépénalisant l’IVG pour les femmes enceintes.
En revanche, la pratique par les professionnels de santé demeure toujours interdite à Monaco. Faut-il aller plus loin?
À titre personnel, et je ne m’exprime pas au nom du Conseil national ou en ma qualité de présidente de commission, j’estime qu’il y a des progrès à faire. On a fait l’essentiel, certes, mais j’espère, qu’un jour, l’IVG puisse être pratiquée à Monaco.
Et la question du divorce "sans faute"?
Cela mérite d’être dépoussiéré. Aujourd’hui, si un couple n’est pas d’accord pour divorcer, il est obligé de passer par la faute. Il y a beaucoup de demandes, y compris dans le milieu judiciaire, pour simplifier la procédure afin d’éviter d’avoir à étaler sa vie personnelle devant les tribunaux. La plupart des pays modernes ont le divorce « sans faute ».
La France vient d’annoncer le remboursement des protections périodiques réutilisables pour les femmes de moins de 25 ans. La Principauté doit-elle suivre le mouvement ?
Cette demande particulière n’est pas remontée de la population et il n’est pas forcément nécessaire de tout transposer. Mais si la population devait le solliciter, nous nous pencherions évidemment sur le sujet.
Le programme des initiatives à venir
Comme chaque année, plusieurs actions seront portées en Principauté à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes.
Zonta Monaco "Femme, vie et liberté"
Aujourd’hui à partir de 10 h place d’armes en soutien aux femmes iraniennes.
La seconde édition de l’évènement #GirlBoss
Ces rencontres proposées aux collégiennes et lycéennes de Monaco se dérouleront aujourd’hui de 14h à 17h dans la salle Jean Cocteau du One Monte-Carlo. Un après-midi speed mentoring afin de donner l’occasion à des jeunes filles de rencontrer des femmes actives à haut poste de direction du secteur privé et public.
Trophées Femmes d’Engagement
Cette cérémonie se tiendra dans l’hémicycle du Conseil National, aujourd’hui à 18h30. Ces trophées rendent hommage à des femmes remarquables pour leur engagement au service de l’intérêt général en Principauté.
Un sit-in place d’Armes
Un collectif de Monégasques a décidé d’organiser une manifestation féministe de 16h à 18h. Le but de cette mobilisation est de "montrer qu’à Monaco aussi, femmes et hommes se rassemblent pour promouvoir l’égalité entre les sexes et pour rappeler que les droits des femmes ne sont pas acquis concernant l’appropriation de leur corps, à travers le monde", a fait savoir le collectif. Pendant deux heures, 15 personnes seront assises en silence pour s’exprimer.
Conférence sur les femmes dans la Tech et la Finance, ce jeudi
Dans les locaux de MonacoTech. 6, avenue Albert II. De 11h30 à 13h30. Le think tank MWF Institute (Monaco Women in Finance) coorganise ce jeudi avec l’initiative gouvernementale Monaco Finance Durable, une conférence sur le thème des femmes dans la Tech et la Finance (où les femmes représentent 16% des effectifs).
Le MWF a officiellement intégré le Comité pour la promotion et la protection des droits des femmes le 19 février dernier.
commentaires