Ce n'était pas arrivé depuis près de 20 ans à Monaco: un projet de loi retiré avant son examen au Conseil national
Pas d’accord trouvé entre Pierre Dartout et Stéphane Valeri, mercredi soir, sur la liste des fonctionnaires à écarter de tout mandat d’élus au Conseil national ou à la mairie.
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Joelle DevirasPublié le 17/06/2022 à 13:04, mis à jour le 17/06/2022 à 12:23
Pierre Dartout et Stéphane Valeri, mercredi soir, au Conseil national.Photo Conseil national
À l’aune des élections nationales de février 2023, c’est le constat d’une situation de blocage: un projet de loi a été retiré par le gouvernement princier seulement une heure avant l’étude programmée du texte. De mémoire, il faut remonter au retrait du projet de loi sur l’interruption médicale de grossesse pour connaître pareille décision. Soit presque vingt ans…
Le ministre d’État a effectivement annoncé au président Stéphane Valeri, par courrier, qu’il ne souhaitait pas que le projet n°986 modifiant le régime des incompatibilités et des inéligibilités sur les élections nationales et communales soit étudié et voté.
Raison de cette soudaine décision du gouvernement? Un addendum rédigé par le Conseil national et reçu le jour-même de la séance publique. Peut-on être à la tête d’un service administratif du gouvernement et briguer un poste de conseiller national? Gouvernement et Conseil national ont des points d’achoppement sur cette question; du moins pour certains postes.
Juge et partie?
Le problème porte sur les incompatibilités entre certaines fonctions de direction au sein de l’Administration et l’exercice d’un mandat électif. "Le gouvernement avait accepté de faire évoluer sa position en abandonnant le principe d’une incompatibilité applicable pour la généralité des postes de direction au sein de l’Administration au profit d’une approche énumérative", souligne d’emblée le ministre d’État Pierre Dartout.
Mais, "constatant une importante divergence d’approches, (...) le gouvernement s’est vu, dès lors, contraint de prendre acte de l’absence d’accord des volontés indispensables à l’adoption de la loi selon les termes de l’article 66 de notre Constitution."
Une élite déjà très restreinte
"Frustration" des élus, constate Stéphane Valeri, et certainement à commencer par celle de Guillaume Rose, rapporteur.
Conseil national et gouvernement princier ne sont donc pas d’accord sur les postes jugés incompatibles avec un mandat d’élu.
Stéphane Valeri n’en démord pas: "Ce texte touche à un élément fondamental de la liberté des Monégasques."
Le Conseil national voit une solution. "D’une manière générale, la bonne réponse à la recherche de ce juste principe d’éviter les conflits d’intérêts des élus réside davantage pour nous dans des dispositifs déontologiques, qui conduisent les élus directement concernés par certains dossiers à se déporter et ne participer ni aux débats, ni aux votes."
Et Stéphane Valeri de faire un bref rappel historique de l’Assemblée en énumérant quelques-uns des hauts fonctionnaires qui y ont siégé. "Je pourrais citer le seul qui siège encore dans cette assemblée, l’ancien directeur du Tourisme, qui a été nommé directeur du Tourisme et des congrès par le gouvernement alors que Guillaume Rose était conseiller national. Nous pouvons témoigner qu’il a parfaitement toujours respecté son devoir de réserve."
*Projet de loi n° 986 modifiant le régime des incompatibilités et des inéligibilités prévu par la loi n° 839 du 23 février 1968 sur les élections nationales et communales.
Qui faut-il exclure ? Qui faut-il accepter?
Avec à peine plus de quelques milliers de nationaux potentiellement éligibles, le problème des incompatibilités de fonction est de taille, les élites du pays - très souvent fonctionnaires - étant nécessairement en nombre restreint.
Par exemple, le conseil national souhaitait ne pas exclure comme potentiels candidats les directeurs de l’Expansion économique, directeur des Affaires culturelles, directeur de l’Action sanitaire ou encore le directeur de la Prospective, de l’Urbanisme et de la Mobilité.
Mais le gouvernement considère, quant à lui, que ces postes sont "sensibles" et donc impossibles à concilier avec un mandat d’élu au Conseil national ou à la Mairie.
"Il serait en effet paradoxal qu’un directeur puisse participer à l’examen critique d’un texte ou d’une politique auxquels il aurait été préalablement associé, note le ministre d’État. D’où la volonté réaffirmée du gouvernement d’inscrire l’incompatibilité de ces fonctions au sein de ce projet de loi."
Le président du Conseil national y voit une "atteinte aux fondements de la vie démocratique en affaiblissant l’Assemblée élue dans les rapports institutionnels".
Il explique: "On ne peut pas transposer des principes fort louables de larges incompatibilités valables dans de grandes nations de dizaines de millions d’électeurs, à un pays où seuls quelques milliers de personnes peuvent se porter candidates." Et de souligner l’importance de "la qualité et de la diversité de la représentation nationale".
"Si nous allions au bout d’une logique limitative, avec la sociologie si particulière de notre pays, comme on le dit parfois de façon un peu triviale et imagée, quand on commence à tirer le fil, on peut considérer que c’est toute la pelote qui risque de venir, explique Stéphane Valeri. Cela pourrait devenir une histoire et une liste sans fin. En poussant jusqu’à l’absurde, viendrait le jour où nous n’aurions même plus vingt-quatre candidats pour une liste complète aux élections du Conseil national."
Paradoxe de la situation : alors que le gouvernement aurait pu avoir la possibilité de limiter la liste des candidats potentiels aux élections nationales et communales, il a finalement renoncé à modifier la loi de 1968 qui est très peu contraignante sur la question.
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