"J’ai deux amours : mon pays et Paris", chantait Joséphine Baker. Cette jolie ritournelle pourrait aussi s’appliquer à l’humoriste Hassan de Monaco.
Son pays, lui, c’est bien sûr la Principauté où, après y avoir grandi, il officie comme infirmier anesthésiste à mi-temps. Quand il ne soigne pas les patients du CHPG, il fait rire les gens de la Capitale depuis les planches du Point Virgule, où il est résident jusqu’en 2023.
Cet Enfant du Pays à la bonhomie contagieuse vit sa vie à 100 à l’heure, agrémentée de festivals à Avignon ou encore Liège.
Guère rassasié, Hassan de Monaco planche en parallèle sur l’ouverture, début 2023, d’un Comedy Club en Principauté. Un rendez-vous mensuel - dans un lieu à définir - qu’il veut intimiste et qualitatif.
Comment est né ce projet?
L’idée d’un Comedy club est née de la rencontre avec Salim Zeghdar, producteur des Sérénissimes de l’humour. Depuis mes débuts dans l’humour, je me suis toujours dit qu’il fallait un lieu dédié. Lui aussi. Cet endroit permettra au public monégasque et limitrophe de se faire sa propre culture en la matière. Les propositions seront nombreuses.
L’humour y sera éclectique et qualitatif?
J’ai le privilège de côtoyer bon nombre d’humoristes de la nouvelle génération qui se produisent au Point Virgule, au Paname Comedy Club ou qui appartiennent à la troupe de Jamel Debbouze. Il y aura de l’humour noir, de l’absurde, du comique d’observation, des gens qui incarnent des personnages.
Ce ne seront pas des humoristes très connus comme Gad Elmaleh ou Florence Foresti mais plutôt des gens qui ont des spectacles qui tournent, qui font le Montreux Comedy et qui vont exploser dans les prochains mois. Le but premier est de proposer de la qualité.
Certains ont déjà donné leur accord?
Quand j’ai commencé à travailler dessus, j’ai eu l’accord de Paul Mirabel qui, maintenant, cartonne et est plus compliqué à avoir avec toutes ses dates. Il y aura des gens comme Julien Santini, Félix Dhjan du Jamel Comedy Club. Il pourra y avoir, de temps à autre, une célébrité qui passe.
Il n’y aura pas de débutants?
On n’est pas à l’abri de faire des sessions de découverte avec des humoristes de la Côte d’Azur ou d’autres régions françaises.
Pourquoi avoir opté pour un rendez-vous mensuel?
Avec une date hebdomadaire, on risquerait d’épuiser rapidement un vivier d’humoristes de talent. On veut créer un engouement autour de leur venue. Il faut pouvoir, aussi, cohabiter avec les autres événements proposés à Monaco.
Quelle ambiance imaginez-vous dans ce Comedy club?
Une ambiance intimiste, en mode after work, avec pas plus de 100 personnes. Il faut que les spectateurs se sentent privilégiés d’être là. Chaque soir, deux ou trois artistes monteront sur scène, avec la chance de faire un spectacle pendant 20 à 30 minutes. 5 minutes, c’est trop court.
Ce concept peut marcher à Monaco, selon vous?
Carrément! La demande est forte et c’est une proposition différente. C’est le lieu idéal pour se retrouver et se rencontrer. On sait combien le rire peut être fédérateur. Les gens disent souvent qu’on ne peut pas rire de tout. Ce comedy club sera la vitrine de tout ce qui se fait en humour. Chez les artistes, il y a un réel engouement à jouer à Monte-Carlo. Ils ont hâte de se frotter au public monégasque qui est très particulier.
C’est-à-dire?
Il est connaisseur et exigeant. Il aime le côté "classe" donc il ne faut pas être trop dans le pathos. C’est plus dur de faire rire dans le Sud de la France qu’à Paris car il y a une vraie exigence culturelle. C’est un très bon centre de formation. Entre humoristes, on le sait: il faut arriver à Monaco en étant armé et préparé.
Avec de plus en plus de dates au calendrier, comment jonglez-vous entre l’hôpital et la scène?
Je suis à mi-temps et travaille deux jours par semaine. Je suis très chanceux d’avoir le soutien du CHPG et du gouvernement princier qui aménagent mon temps de travail. Maintenant que j’ai fait de l’humour mon métier, je connais mes dates jusqu’à mi 2024. On fait en fonction.
Comment avez-vous vécu la crise sanitaire?
Avec l’absence de dates, j’ai mis sur pause ma carrière d’humoriste et me suis investi à 100 % pour l’hôpital. En tant que spécialistes en anesthésie et réanimation, on a beaucoup été sollicités. On est passés en 12 heures et on a travaillé de jour comme de nuit.
Il y avait une vraie cohésion. On savait qu’on était nécessaires alors on a travaillé avec envie et élan.
C’est une chance, finalement, d’avoir cette double casquette?
Oui. Je n’étais pas enfermé chez moi et je voyais des gens tous les jours. Je me sentais utile et n’ai pas mal vécu cette période. Sur la fin, la scène me manquait. Quand les dates ont repris, c’était comme l’excitation avant Noël. Quand je monte sur scène, je n’ai pas la pression de devoir remplir pour payer mes factures car, derrière, je sais que j’ai un métier sur lequel je peux me reposer. C’est un poids en moins. Alors, je monte sur scène que pour le plaisir.
Votre parti pris, c’est celui de l’autobiographie. Pourquoi?
Les premiers spectacles sont souvent autobiographiques car on se présente au public. Je joue sur les clichés que les gens ont sur Monaco, notamment la richesse, et leur explique que je suis le seul arabe dans le pays (rires). Je parle de la chance que j’ai eue d’avoir des parents qui ont tout fait pour qu’on s’en sorte, notamment à travers l’école. Les humoristes parlent souvent de sujets clivants et dénoncent. Moi, je préfère mettre en lumière ce qui nous rassemble. J’ai aussi toute une partie sur mon métier à l’hôpital. À travers des anecdotes parlantes, je montre que c’est un lieu de vie.
Dézinguer à tout-va n’est donc pas votre fonds de commerce?
Non. Ce n’est que mon avis mais je trouve que c’est trop facile de se moquer des gens pour faire rire. Je préfère l’autodérision, le comique d’observation et l’extrapolation. Je parle de ce que je connais, de ce que je vis. Je n’y connais rien en politique alors je n’en parle pas.
Quelles limites vous fixez-vous sur scène?
Ne pas blesser les gens. L’humour est fait pour être rassembleur. On peut taquiner mais si c’est pour que quelqu’un en prenne plein la gueule pendant tout le spectacle, alors il y a un perdant dans la salle. Je ne tombe pas, non plus, dans la vulgarité. C’est plus dur mais c’est bien de rire classe. Cela montre qu’on a travaillé.
En ne ratissant pas large, ce ne sera pas dur de se renouveler?
Je parlerai plus de l’hôpital car c’est un sujet qui marche très bien. Je vais poursuivre sur l’autobiographique car j’ai aussi évolué. Je vais délaisser l’hommage familial et culturel pour parler du théâtre, du regard des gens qui changent, des histoires de couple, de la vie de tous les jours.
Quelles sont vos influences?
Élie Kakou et les deux premiers spectacles de Gad Elmaleh sont en tête de liste. Ma bible, ce sont les Inconnus car ils sont intemporels. Je suis aussi de la génération Eric et Ramzy. En ce moment, je suis beaucoup Alban Ivanov. J’aime la technicité de Blanche Gardin, la façon dont elle pose les mots et les silences, mais aussi l’énergie d’Ahmed Sylla, la noirceur de Jérémy Ferrari, l’absurdité d’Arnaud Tsamère, la folie d’Édouard Baer, l’intelligence de Jérôme Commandeur.
Pour être humoriste, il faut forcément avoir un style?
On m’a souvent dit que, pour sortir du lot, il fallait être différent. Je ne crois pas. Il faut être bon dans ce que l’on fait, prendre plaisir et le transmettre sur scène. L’originalité dans les thèmes ne suffit pas car tout a déjà été abordé, mais il en faut dans la manière d’en parler. De par nos différences et nos spécificités, on est tous différents dans la proposition. Cela ne sert à rien de se travestir pour plaire ou rentrer dans des cases. Il faut être soi.
Les réseaux sociaux sont-ils l’ennemi numéro 1 de l’humoriste?
Non, c’est un outil de communication non négligeable. Si tu l’utilises bien, c’est une aide. Dans le cas contraire, ça peut se retourner contre toi. Vu que je n’aborde pas les sujets clivants, je suis plutôt protégé des mauvais côtés des réseaux sociaux.
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