Jean-Michel Jarre: entretien exclusif pour son retour à Cannes
En août, le musicien aux 85 millions de disques vendus dans le monde célébrera ses 75 ans. Un cap qu’il atteindra avec une curiosité et un enthousiasme intacts. Fondu de nouvelles technologies, il regarde sans cesse vers l’avant.
JIMMY BOURSICOTPublié le 10/07/2023 à 00:01, mis à jour le 13/07/2023 à 09:53
Jean-Michel Jarre est devenu le parrain du Midem+, la version "ressuscitée" du Marché international du disque et de l’édition musicale.Franz Chavaroche
Mine de rien, la sortie d’Oxygène, son album culte écoulé à 18 millions d’exemplaires, remonte à 1976. Quarante-sept ans plus tard, Jean-Michel Jarre est toujours là, pas du tout décidé à déconnecter. Quand on le contacte, c’est pour parler réalité virtuelle, métavers et nouveaux systèmes sonores. En janvier, il est devenu le parrain du Midem+, la version "ressuscitée" du Marché international du disque et de l’édition musicale.
En renouant avec ce rendez-vous cannois, autrefois glorieux avant de devenir moribond, au tournant des années 2000-2010, il a forcément eu quelques flash-back. "C’est ici, sur l’ancien toit du Palais des festivals, que j’ai donné mon premier concert en plein air, avant celui de la place de la Concorde, en 1979", nous glisse-t-il. Sur la Croisette, il y avait aussi ces nuits sans fin, avec Gainsbourg. "Quand on rentrait au petit matin au Majestic, on croisait les businessmen hollandais qui partaient avec leurs attachés-cases pour vendre leur catalogue d’artistes", s’amuse le Lyonnais.
Hommage et “moment de disruption”
L’air de la Croisette ravive quelques beaux souvenirs. Mais pour Jean-Michel Jarre, ce qui compte, c’est ce qui pourrait arriver. "Il y a des gens qui n’osent pas ou qui ne veulent pas sortir de leur zone de confort. Si c’est pour refaire ce que j’ai fait il y a vingt ans ou plus, autant passer à autre chose, martèle-t-il. En proposant un projet comme Oxymore, totalement différent de ce que j’ai pu faire, certains considéreront que c’est un risque. Mais à mes yeux, c’est une opportunité."
Oxymore, c’est le titre de son album sorti en octobre dernier. Onze titres conçus pour une écoute immersive, à 360 degrés, rendant hommage à Pierre Henry et Pierre Schaeffer, pères de la musique concrète et figures inspirantes pour lui. C’est surtout "un moment de disruption", selon le compositeur. "Pour faire simple, jusqu’à maintenant, on a eu une relation frontale avec la musique. Quand on visualise ou qu’on compose pour un orchestre, on l’imagine en face de soi. Pareil quand on l’écoute. Quand on est en studio, on a deux haut-parleurs face à nous. Et au concert, la sono est aussi en face. Là, quand je produisais, je devais penser à l’endroit où placer telle ou telle partie de l’orchestration, la faire voyager à gauche, devant. D’un seul coup, c’était comme de passer de la peinture à la sculpture."
Jean-Michel Jarre avec sa femme Gong Li au Festival de Cannes 2023.Frantz Bouton.
“Ce n’est pas du tout un trip technologique, c’est au contraire quelque chose de sensuel, lié aux émotions”
Expérience technologique et sensuelle
À Cannes, Jean-Michel Jarre a donné trois concerts autour de ce disque, en s’appuyant sur un système sonore "révolutionnaire". "Ce n’est pas du tout un trip technologique, c’est au contraire quelque chose de sensuel, lié aux émotions", nous assurait-il quelques jours avant ses shows. Silhouette toujours aussi affûtée, lunettes teintées sur le nez, concentré puis exalté, le musicien demandait au public de se rassembler au centre d’un cercle composé de seize "totems", des enceintes retranscrivant toutes les nuances de ses pistes électroniques. Des morceaux que l’on aurait bien imaginés dans la bande originale d’un film de science-fiction énervé ou encore en fond d’une partie de Mortal Kombat. Pour les oreilles, à l’affût des sons surgissant de toutes parts, mais aussi pour l’esprit, un temps détourné du smartphone greffé à nos mains, l’expérience était déroutante...
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