Les ambitions de la Chine avec nos territoires d’outre-mer ​​

Emmanuel Macron a annoncé des investissements pour ces territoires pour 2024-2030. En Indopacifique, l’ombre de la Chine et sa stratégie régionale menacent les intérêts de la France.

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Nicolas Cuoco Publié le 29/01/2023 à 11:10, mis à jour le 29/01/2023 à 09:27
Le bâtiment de soutien et d'assistance outre-mer Bougainville, basé à Papeete. Photo MN

"N’oublions jamais que notre Nation est un archipel. Nos Outre-mer ne doivent jamais quitter notre regard et notre présence. La marche du monde met nombre de ces territoires, en particulier dans le Pacifique et l’océan Indien, aux premières loges des possibles confrontations de demain."

Ces propos sont ceux exprimés par le chef de l’État, le 20 janvier, au moment de présenter les grandes lignes de la future Loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030.

À travers les paroles d’Emmanuel Macron, la menace chinoise est à peine voilée tant la politique en mer menée par la République populaire dans la région est agressive.

Par exemple, en 2012, au mépris du droit international, l’atoll des Scarborough, situé dans la zone économique exclusive (ZEE) des Philippines, s’est vu annexé par la Chine. L’objectif de cette manœuvre étant de revendiquer la ZEE puis, à l’avenir, de potentiellement militariser cet espace.

Mais alors, les territoires d’outre-mer, comme l’île de la Réunion ou encore la Polynésie, risquent-ils de voir les bateaux de Xi Jinping débarquer alors qu’ils ont une importance considérable pour la France en termes de richesse halieutique, de ressources naturelles ou encore de positionnement?

"Non, les Chinois ne cherchent pas à s’installer militairement. En revanche, ils veulent se placer économiquement en termes d’influence", explique Pierre Razoux, directeur académique et géopolitique de la Fondation méditerranéenne d’études stratégiques (FMES).

La menace de l’indépendance

Une analyse que partage Marianne Peron-Doise, chercheuse à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), où elle dirige l’Observatoire de l’Indo-pacifique.

"Je pense effectivement qu’il y a un intérêt pour la Chine à approcher les élites locales. Cette stratégie, elle l’adopte déjà, de manière efficace, autour des territoires proches des possessions françaises comme les îles Salomon, la Papouasie-Nouvelle-Guinée ou les Vanuatu en proposant des accords de constructions d’infrastructures comme des routes ou la modernisation des ports", explique-t-elle.

Avant de poursuivre: "Au moment de rembourser les prêts, cela lui donne des leviers d’influence pour obtenir des concessions d’exploitations d’origine minière ou des licences de pêche."

Jusqu’où cette politique peut-elle mener? Pierre Razoux précise la stratégie de l’Empire du milieu: "Si demain vous avez l’activité économique d’un territoire qui est contrôlée à plus de la moitié par des compagnies chinoises, celles-ci vont faire en sorte que ce territoire-là passe sous influence de la Chine. Contrôler l’économie, cela vous permet d’influencer les décisions des autorités locales."

En d’autres termes, compte tenu des intérêts économiques de classes politiques locales dans certaines îles, ces territoires pourraient être tentés de demander l’indépendance ou alors se voir suggérer cela habilement par la Chine.

Renforcer les partenariats dans la région

Pour contrecarrer cette stratégie, la France occupe ponctuellement la zone avec ses partenaires. Ces derniers jours, le porte-avions Charles de Gaulle effectuait des manœuvres d’entraînement avec la Marine indienne.

Ces prochaines semaines, le porte-hélicoptères amphibie Dixmude et la mission Jeanne devraient suivre pour une longue mission de présence en Asie afin de renforcer les partenariats signés avec l’Australie, l’Inde ou encore le Japon.

"Les projets d’investissements à dominante maritime évoqués par Emmanuel Macron vont permettre à la France de renforcer les coopérations et de continuer à s’entraîner. L’objectif est d’être un partenaire de coopération plus crédible pour un certain nombre de pays riverains", explique l’experte de la zone.

Elle détaille: "Décider de déployer une composante maritime avec son groupe aéronaval, si loin de son port base toulonnais, c’est un investissement. Il faut continuer à pouvoir le faire."

Enfin, ces États sont soumis à des phénomènes naturels assez dévastateurs qui nécessitent la mise en place d’aides d’urgence assez rapides. Disposer de moyens performants facilite la mise en œuvre d’une réponse rapide pour les populations.

En termes de crédibilité "c’est important pour la France", affirme la chercheuse. En termes de capacité, en février 2022, les députées Monica Michel-Brassart et Laurence Trastour-Isnart, dans un rapport sur les "enjeux de la défense en Indo-Pacifique", préconisaient d’accélérer et de renforcer le renouvellement des frégates de surveillance par le "lancement d’un programme de corvettes, navires de classe moyenne mais dotés d’une valeur militaire plus solide afin d’afficher une présence militaire prépositionnée de plus forte crédibilité opérationnelle".

La ventilation des crédits de la LPM 2024-2030 est attendue au printemps prochain.

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