Si l’armée russe a posé le pied en Ukraine à partir du 24 février 2022, la guerre menée par Vladimir Poutine a commencé dès 2015 avec des cyberattaques contre des réseaux électriques ukrainiens. L’une d’elles avait notamment privé de courant plus de 225.000 personnes pendant plusieurs heures. En 2018, l’arme cyber russe va de nouveau frapper avec cette fois la coupure d’un réseau de distribution d’eau.
En parallèle, et avec un bon niveau de synchronisation, des opérations d’influence et des attaques informationnelles étaient menées pour désorganiser la société. "Il y a eu des tentatives pour attiser le mécontentement des populations afin de leur dire que leurs dirigeants n’étaient pas préoccupés par les besoins essentiels de leur vie, qu’ils ne les protégeaient pas et ne faisaient pas l’essentiel que doit faire un pouvoir régalien ", explique le général de division Aymeric Bonnemaison, chef du Commandement de la cyberdéfense (Comcyber). Ce service de l’état-major des armées possède près de 3.600 cybercombattants, il est capable de mener des actions défensives, offensives et de lutte informatique d’influence sur l’ensemble du globe.
Une cyberdéfense ukrainienne de grande qualité
En février 2022, alors que les capacités cyber russes étaient matures et que Vladimir Poutine annonçait officiellement son "opération militaire spéciale", les actions menées par son armée numérique se sont intensifiées. " Après quelques petites attaques, il y a eu une action majeure qui a consisté à attaquer le gouvernement ukrainien de façon à l’isoler. En agissant ainsi, les Russes ont voulu empêcher la communication des dirigeants vers le monde extérieur de manière à ce qu’ils ne puissent pas demander de l’aide, ni se coordonner entre ministères", détaille le général trois étoiles. Il poursuit: " Les Russes ont aussi ciblé la coordination des militaires ukrainiens. Pour ce faire, il y a eu l’attaque des routeurs de communication par satellite qui a forcément eu un impact sur la coordination des armées au début du conflit."
En face, la défense numérique de Volodymyr Zelensky a été "très bonne". En effet, la montée en puissance cyber, démarrée dès 2014 avec une vraie stratégie de cyberdéfense et avec l’augmentation des budgets dédiés, a permis à l’Ukraine de montrer une résilience inédite face aux cyberattaques russes. Ces dernières ont " été bien moins percutantes et efficaces que prévu", admet le général Bonnemaison, notamment en raison de l’appui massif des États-Unis et des Gafam.
Un scoop en pleine guerre
Pour l’officier général, ce conflit marque un enseignement majeur dans le domaine. "La défense peut prendre l’ascendant sur l’offensive", affirme le Comcyber. "C’est un véritable scoop! Cet avantage par le défensif constitue un véritable changement de paradigme. La démonstration ukrainienne, c’est: “J’arrive à contenir, j’arrive à me réorganiser, j’arrive à utiliser d’autres systèmes pour rebondir, le tout avec une créativité et une innovation importantes" ». Lors de son passage à Toulon en novembre dernier, Emmanuel Macron avait déclaré vouloir "une cyberdéfense de tout premier rang mondial" à l’horizon 2030. En attendant, le COMCYBER compte recruter 1.800 cybercombattants d’ici 2025.
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