"Ça fait deux ans que je travaille dans l’établissement. Je n’ai jamais eu un avertissement. Or, j’ai été licencié parce que ce gérant m’accuse d’avoir volé dans la caisse. Pour la simple raison que je n’ai pas édité le ticket assez vite. Il pensait perdre l’argent des consommations. Le ton est monté. Cette personne m’a attrapé par le cou et m’a serré au niveau de la gorge avant de m’ordonner de sortir. Le tenancier m’a suivi et tapé. Il n’arrêtait pas de me traiter de voleur. Ma réputation est brisée. Je conteste l’avoir touché…"
Devant le tribunal correctionnel, le serveur raconte le différend avec son employeur, survenu le 13 octobre 2019, en fin de soirée.
L’altercation se serait déroulée d’abord à l’intérieur du bar de nuit, puis à l’extérieur. Le président Florestan Bellinzona aurait voulu poursuivre l’instruction du dossier par la confrontation avec le prévenu dont la version est différente. Mais celui-ci est absent, mais représenté par son conseil.
"Les insultes ne justifient pas les coups"
"Dans le PV, note le magistrat, le gérant reconnaît une gifle éducative. C’est-à-dire juste une tape, car vous l’aviez insulté. Il aurait perdu le contrôle. Puis des clients ont appelé la police."
De tels propos sont insupportables pour la partie civile. "Dans la tête de cet individu, soupire Me Arnaud Cheynut, son petit salarié méritait d’être corrigé, humilié devant ses collègues. C’est un homme à poigne. Il dirige à l’ancienne. Il est dans l’erreur. D’autant que ce gérant n’apporte pas la preuve d’avoir été volé et il licencie son employé pour faute grave.
"N’est-il pas allé trop loin en tant que gestionnaire censé protéger son personnel? Absent, le prévenu fuit sa responsabilité. Cette affaire devrait être considérée comme un accident du travail. Notre préjudice est évalué à 5.000€ si vous ne retenez pas cette qualification."
À son tour, le premier substitut Olivier Zamphiroff regrette le comportement du chef d’entreprise: "Même dans le monde de la nuit, il faut respecter des règles connues de tous. Son établissement ne doit pas être un tribunal. On convoque d’abord le salarié, on ne le fustige pas de manière intempestive pendant les heures de travail. Les insultes ne justifient pas les coups portés à l’employé. Frappez plus haut avec une sanction exemplaire proportionnée à la gravité des faits: 15.000€ d’amende."
"Plus près de la bousculade que de l’empoignade"
La somme fait bondir la défense. "Pareil montant fait très mal, réagit Me René Schileo, du barreau de Nice. Mon client, défavorablement connu pour des faits de violence sur conjoint, n’est pas un gentil garçon. Mais s’il a une propension à la brutalité, coups de poing et tentatives d’étranglement sont cependant contestés. Le certificat médical, avec cinq jours d’ITT, mentionne céphalée et cervicalgie."
"La victime force le trait ou le médecin est extrêmement généreux. Car c’est une interruption pour une personne qui a reçu vingt-cinq coups de matraque au cours d’une manifestation de gilets jaunes. Or, on est plus près de la bousculade que de l’empoignade. Proportionnez votre sanction. C’est un coup de sang pour un verre d’une dizaine d’euros…"
Après avoir délibéré sur-le-champ, le tribunal a condamné le prévenu à 10.000€ d’amende et reconnu l’accident de travail pour la partie civile.
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