C’est un dossier peu commun évoqué à l’audience. Il concerne un manquement à l’obligation de loyauté d’un salarié envers son employeur. En l’occurrence, un technicien de laboratoire du CHPG a soustrait frauduleusement un courriel adressé en interne afin de récupérer la signature de la directrice pour établir une attestation de prise en charge au sujet de ses parents âgés et atteints d’Alzheimer.
Même s’il n’y avait aucune volonté de nuire directement avec la falsification du document, il n’était pas question d’une simple erreur de rédaction. L’auteur avait agi sciemment, en toute connaissance de cause, afin d’usurper une identité pour acquérir un droit. Cette altération de la vérité, pénalement répréhensible, avait pour but de rompre un contrat de vidéosurveillance à domicile superflu auprès de l’organisme "France Assistance".
"J’étais face à un mur"
L’annulation de l’abonnement, en effet, était une condition indispensable pour placer définitivement le couple parental dans un Ehpad (Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes). Les circonstances? Le président Florestan Bellinzona les a clairement énoncées au cours de l’instruction de l’affaire. "Le Centre hospitalier Princesse-Grace reçoit un appel téléphonique afin de vérifier si les parents âgés seront bien pris en charge. Car l’opérateur de téléassistance achoppe sur le nom d’un hypothétique cabinet et son service a remarqué une différence évidente au niveau des signatures. L’enquête va rapidement mettre en lumière une récupération du visa dans un courrier électronique maison et aboutir sur un faux en écriture commis par l’employé."
Le magistrat n’en revient pas quand il s’adresse au prévenu: "Arriver à commettre un délit pour éviter de solder un abonnement annuel…
- J’étais face à un mur et dans un état de stress, admet le quinquagénaire, avec des prélèvements permanents pour mon père et ma mère placés sous curatelle. Oui! J’ai perdu la tête au point de me sentir obligé de me substituer à mes géniteurs pour rembourser. Toutefois, à aucun moment j’ai pensé porter le moindre préjudice aux établissements concernés. C’est un geste instinctif pour mettre un terme à un contrat souscrit contre leur gré. Certes, bien tardivement, j’ai rédigé un chèque de 359 euros pour en finir…"
L’avocat des parties civiles fait part de la stupeur de ses clients quand ils ont appris l’existence du faux document de la part d’un fonctionnaire. "Quel choc, déclare sur le ton de la colère Me Alexis Marquet. Ce personnage a-t-il véritablement conscience de la gravité des faits commis? Je note les absences de considération, comme des sentiments d’abus d’emprunt de la signature. Tout cela pour éviter le versement de 30 euros par mois à France Assistance! N’y avait-il pas d’autres solutions pour résilier? Certes, on peut tous avoir de la compassion pour les personnes âgées. Mais réparer une injustice en en commettant une autre… Heureusement, la supercherie a vite été découverte. Sanctionnez ces faits par deux versements de 5.000 euros et 1.000 euros, respectivement pour le CHPG et sa directrice. Plus 5.000 euros pour les frais de justice."
Un tribunal clément
Face à ce degré de gravité, le parquet se pose la question du mobile. "Le prévenu va jouer sur le délai de rétractation d’un abonnement de télésurveillance souscrit par ses parents. Il y a des règles, pour le premier substitut Julien Pronier. Des droits! S’il considérait que ses proches avaient été floués, il devait s’adresser aux autorités compétentes. La somme à régler n’avait rien d’insurmontable par rapport à ses revenus. Son choix est loin d’être opportun. Une peine de quinze jours assortie du sursis s’impose."
À l’audience, aucune partie ne comprend les raisons choisies par cet habitant de Cap-d’Ail. Même la défense s’interroge dans sa plaidoirie. Alors, Me Florence Massa, du Barreau de Nice, emboîte le pas d’un acte dû à l’incompréhension de la situation de la part d’un employé modèle après 20 ans de carrière.
"C’est un client dépassé. Il a honte de son comportement auprès de son employeur. Il déplore son choix. Cependant, quand on lui transmet le contrat, il n’y trouve aucune instruction pour le résilier afin que ses parents soient hébergés dans un établissement spécialisé. Seule une attestation offre cette possibilité. Par la suite, le prévenu paiera la totalité de l’abonnement. Mais l’infraction est commise. Aujourd’hui, après l’obtention d’une promotion, il craint de perdre son emploi, même si ce n’est pas encore le cas. Aucune discussion sur les préjudices des victimes que vous devriez ramener à de plus justes proportions. Si vous pouviez prononcer une dispense de peine…"
Le tribunal a suivi les réquisitions du ministère public. Il a octroyé aux parties civiles la somme de 1 euro à chacune et 1.000 euros pour les frais de justice. Il a fait part de la non-inscription de la condamnation sur le casier judiciaire vierge au demeurant.
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