"A quel moment est-ce qu’on doit vous croire?": aux assises, sous le sarcophage en béton, la chape de silence
Assises Hier à Nice, les jurés ont suivi le sillage sanglant du corps dissimulé durant cinq mois dans la cave du bar L’Atrium. Une audience marquée par les déclarations fluctuantes d’accusés souvent mal à l’aise.
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Christophe CironePublié le 07/05/2025 à 06:30, mis à jour le 07/05/2025 à 06:30
Le 29 juin 2022, la police avait fait appel aux sapeurs-pompiers spécialistes en sauvetage-déblaiement pour exhumer le corps momifié. Photos Christophe Cirone
Dans la salle d’audience, jurés et public retiennent leur souffle. Les écrans diffusent les photos du bar-PMU L’Atrium, au 66 rue de France à Nice, où un homme de 32 ans est mort dans la nuit du 6 au 7 février 2022. Les toilettes, la rigole, la courette, les marches de la cave... Des empreintes bleues matérialisent les abondantes traces de sang. Elles mènent à un corps momifié, exhumé de son "sarcophage en béton". Celui de M’hand Goumiri.
Ce mardi à Nice, la cour d’assises des Alpes-Maritimes a retracé le parcours macabre de ce cadavre resté dissimulé durant cinq mois dans une cave, jusqu’aux perquisitions de la brigade criminelle. Un cadavre "blanc-gris", "très abîmé", "largement décomposé", dixit le médecin légiste. Des parties du corps étaient "sèches et dures", "comme une momie". Un cas extrêmement rare, convient le Pr Véronique Alunni.
La cour ne s’attarde pas sur ce corps sans visage. Des proches de la victime fondent en larmes. Une épreuve de plus, nécessaire pour comprendre le drame qui s’est noué à l’Atrium. Son gérant, Abdelkrim Kacimi, alias "Akim", est accusé de meurtre. H.B., le boxeur qui était à ses côtés, s’est gardé d’appeler les secours et l’aurait aidé à descendre le corps à la cave. Après cinq mois de conservation dans de telles conditions, le Pr Alunni en convient: "La cause de la mort n’était pas évidente à voir..."
"Dialogue de sourds"
Enquête meurtre bar L'Atrium Nice (MaxPPP TagID: maxmatinarch792385.jpg) [Photo via MaxPPP]Christophe CIRONE / NICE MATIN.
M’hand Goumiri a-t-il succombé à un traumatisme crânien? Un traumatisme au niveau du cou? Un trauma thoracique? Ou une asphyxie? La médecine ne peut le dire, même si la première hypothèse tient la corde. Les taches noires sur la tête de la victime pourraient correspondre à des coups de pied, et de pistolet d’alarme, portés par Akim. "Tu le mérites, sale chien! Je te tue!" aurait-il lancé.
Trois ans plus tard, l’accusé livre une version bien plus édulcorée. Quitte à contredire ses propres déclarations passées. Il admet avoir poussé M’hand Goumiri en arrière, lui avoir flanqué des coups de pied à terre. Mais il conteste s’être acharné, l’avoir frappé avec son arme, ou avec pressé son cou avec son pied. La présidente Anne-Valérie Lablanche l’interrompt: "A quel moment est-ce qu’on doit vous croire?"
La question vaut pour la plupart des témoins qui se succèdent à la barre ce mardi. L’insincérité, la gêne, les non-dits colorent les récits des clients de l’Atrium, que fréquentait la communauté kabyle. "On a l’impression d’un dialogue de sourds!", s’exclame la présidente, quand l’un d’eux revient sur l’intégralité de ses déclarations aux policiers. Ayant déposé sous serment, il s’expose à des poursuites pénales.
"Moi, je suis à moitié mort!"
La directrice d’enquête raconte le mur de silence auquel elle-même s’est heurtée, sur l’air de: "Je n’ai rien vu, rien entendu". Elle retrace les écoutes téléphoniques qui ont permis de confondre Akim, ce patron de bar "sanguin" et nerveux, et H.B., le boxeur poids lourd, "un sportif qui en impose". Entre les deux, la relation est ambiguë. La justice soupçonne un lien de parenté caché. Le boxeur assure avoir agi sous la contrainte. Mais l’enquêtrice n’a "pas vu de lien dominant / dominé".
Au lendemain du drame, H.B. serait revenu aider Akim à hisser le corps de la victime sur une plateforme. Le gérant, fort de ses années passées dans le bâtiment, a recouvert le cadavre avec une truelle et du ciment. "On a pris une mauvaise décision. La peur de rentrer en prison..., tente-t-il de justifier. C’est affreux. Je m’en veux. Il est mort, mais moi, je suis à moitié mort!"
En provoquant sa mort et en le réduisant à l’état de momie, Akim a ôté à M’hand Goumiri "sa qualité d’être humain". Peut-être les conséquences d’une bagarre passée, d’un affront jamais lavé. La cour pourrait trancher dès ce soir. "On sentait qu’il avait de la haine, déclare l’enquêtrice. Et cette haine a pris le dessus ce jour-là."
"Au mauvais endroit au mauvais moment"
"Au mauvais endroit au mauvais moment." Ces mots ont été griffonnés sur une table, dans la salle des témoins appelés à déposer à la barre. Deux inscriptions y ont été décelées ce mardi, provoquant une suspension d’audience. Ces propos correspondent à la ligne de défense de H.B., le co-accusé, fouillé chaque matin dans cette salle. Est-il l’auteur de ces écrits? A-t-il voulu influencer les témoins? La police a procédé aux constatations, tandis que Me Alexandre De Vita échangeait avec son client. L’audience a finalement repris. Mais l’avocat général Sébastien Eskandar a bien pris note de l’incident.
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