Plus de 100.000 infractions commises en France par des chauffards immatriculés à Monaco: quelles solutions pour y mettre fin?
100.000 infractions commises par des véhicules immatriculés en Principauté ont été recensées entre mai 2018 et avril 2019 en France, uniquement sur les radars automatiques. Quelles sanctions pour les fautifs alors que Monaco se félicite de la baisse du nombre d'infractions
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Thomas MICHELPublié le 29/08/2019 à 10:30, mis à jour le 29/08/2019 à 13:51
Les infractions relevées ne concernent que les radars automatiques. Photo F. V.
La sécurité routière a un nouveau shérif en France. Derrière l’étoile, Philippe Astruc, procureur de la République à Rennes. Nommé en début d’année, l’homme de loi s’inscrit dans la continuité de son prédécesseur, Nicolas Jacquet.
En charge du Centre national de traitement automatisé des infractions routières, ce dernier avait transmis à la Direction des Services judiciaires et au Parquet monégasques une liste de 106 véhicules immatriculés en Principauté ayant commis des infractions sur le sol français en 2016, puis un autre listing de 231 contrevenants en 2017.
Des infractions relevées uniquement grâce à des radars automatiques de vitesse ou de feux, mais qui ne concernent pas les contrôles physiques, puisque les forces de l’ordre françaises ont, dans ce cas, la possibilité de réclamer directement l’acquittement de la contravention à la personne au volant.
Le 26 août dernier, le procureur Philippe Astruc a, à son tour, usé de cette procédure automatisée instaurée en 2016. Parmi les 100 000 infractions commises par des véhicules immatriculés à Monaco entre mai 2018 et avril 2019, le procureur a fait le tri et envoyé une liste des comportements les plus inquiétants au Parquet général de Monaco. Dans le viseur essentiellement, les "réitérants", autrement dit les récidivistes.
20 d'entre eux ont commis au moins 50 infractions
"Parmi 137 véhicules identifiés comme étant particulièrement réitérants entre mai 2018 et avril 2019, 20 d’entre eux commis au moins 50 infractions (contre 57 en 2018 et 117 en 2017). 120 ont commis au moins 10 infractions, dont au moins une de 5e classe (contre 158 en 2018 et 214 en 2017)", peut-on lire dans le courrier adressé à la procureur de Monaco, Sylvie Petit-Leclair.
Pour rappel, en 2016, un contrevenant avait cumulé 384 infractions à lui seul en un an.
Les infractions ont été relevées sur des radars automatiques de vitesse et de feux.Photo archives Philippe Arnassan.
Conformément à la convention d’entraide actée en 2005 entre les deux pays, complétée par un dispositif non contraignant d’échange spontané d’informations en 2016, le procureur de Monaco peut désormais procéder à un écrémage, à sa convenance, avant d’éventuellement renvoyer les noms des fautifs à son homologue français.
À ce titre, "nous cherchons uniquement ceux qui ont immatriculé les véhicules", a précisé ce mercredi le conseiller de gouvernement-ministre de l’Intérieur, Patrice Cellario.
Recevoir une leçon comme un petit garçon
"J’ai distingué entre plusieurs types d’infraction et j’ai demandé des identifications et auditions des personnes que j’estime les plus dangereuses, a d’ores et déjà prévenu Sylvie Petit-Leclair. Ceux qui seront auditionnés auront un rappel à la loi par la police, ensuite je préparerai un courrier que le Parquet adressera à chacune des personnes même non auditionnées [...] J’insisterai sur la mise en péril de la vie d’autrui."
À défaut de pouvoir infliger des sanctions, l’infraction relevant de la compétence française puisque constituée sur son sol, Patrice Cellario plaide la sensibilisation par le dialogue dans une Principauté où, comme dans un village, tout se sait.
Et où une convocation à la Sûreté, "pour recevoir une leçon comme un petit garçon", peut parfois plus nuire qu’une amende. Même si certains propriétaires de véhicules ne manquent certainement pas de se défausser lors des auditions, reportant la faute sur un conjoint ou autres.
En attendant, Patrice Cellario se félicite des progrès accomplis. "On constate que cette collaboration avec la France porte ses fruits, puisque le nombre d’infractions commises par des automobilistes immatriculés à Monaco diminue depuis 2016. Même si le nombre d’infractions demeure encore trop important à nos yeux, c’est un signal très encourageant. Nous sommes sur le bon chemin."
Le gouvernement monégasque a dû improviser un point presse ce mercredi, en présence du conseiller de gouvernement-ministre de l'Intérieur, Patrice Cellario, et du procureur général de Monaco, Sylvie Petit-Leclair. Photo Jean-François Ottonello.
Une tempête dans un verre d’eau
Les autorités monégasques se seraient bien passées de ce cadeau de rentrée empoisonné.
Ce mercredi, le ministère de l’Intérieur français a informé, par voie de communiqué, que son "objectif de mettre fin à l’impunité des conducteurs de véhicule immatriculé à l’étranger est partagé par les autorités monégasques." La suite a semé le doute dans les médias français.
"En 2018, ce sont plus de 100.000 infractions qui ont été commises par des conducteurs de véhicule monégasque en France, le pays lui-même comptant à peine 40.000 habitants. Or, les Monégasques ne sont pas couverts par la directive européenne 2015/413/UE, du 11 mars 2015, qui facilite l’échange transfrontalier d’informations relatives aux infractions routières constatées par radar et permet des poursuites à l’encontre des conducteurs de véhicules immatriculés dans un autre État membre, ayant commis une infraction routière en France."
Il n’en fallait pas plus pour que les articles sur "l’impunité des chauffards monégasques" refleurissent et que la communication d’Emmanuel Barbe, délégué interministériel à la Sécurité routière, soit perçue comme un durcissement des règles existantes. C’était faire fi de la suite du communiqué.
"Intensifier ces échanges et les rendre plus réguliers"
"En revanche, la convention d’entraide judiciaire en matière pénale (entre la France et Monaco), signée à Paris le 8 novembre 2005, prévoit une possibilité de transmission spontanée d’informations.
Dans ce cadre, des échanges d’informations ont déjà eu lieu depuis l’année 2016 entre les deux pays, étant précisé que les autorités monégasques et françaises ont décidé d’intensifier ces échanges et de les rendre plus réguliers.
C’est ainsi que le 19 août 2019, les autorités françaises ont procédé au signalement de contrevenants monégasques qui commettent les excès de vitesse les plus graves et fréquemment (plusieurs fois dans l’année) afin que des sanctions soient prises par les autorités monégasques."
Bref, rien de neuf si ce n’est l’affirmation que le dispositif d’entraide se poursuit et s’intensifie. Si Monaco n’est pas pays membre de l’Union européenne et ne peut donc ratifier ses Traités ou adopter ses directives, Patrice Cellario a précisé: "Dans l’attente, un jour nous espérons que ce soit possible, nous avons mis en place cette procédure pour agir avec les autorités françaises et elle porte ses fruits".
Une fois en France, certains conducteurs de véhicules monégasques ont un sentiment d'impunité.Photo JFO.
Vers un permis
à points à Monaco ?
Parmi les près de 30.000 véhicules immatriculés en Principauté, que leur propriétaire soit Monégasque ou résident étranger, particulier ou professionnel, certains, à défaut de convention bilatérale entre la France et Monaco et donc d’échanges de fichiers de cartes grises, auraient encore un sentiment d’impunité.
Pour autant, le gouvernement s’est défendu de tout laxisme, hier, par la voix du conseiller Patrice Cellario.
"Sur le territoire monégasque, la lutte contre les incivilités routières est un axe politique fort et nous amène à avoir des actions directes avec des succès non négligeables puisque, sur la décennie passée, nous avons vu les accidents corporels diminués."
Conseiller qui, rappelant "que quand on roule dans une voiture immatriculée à Monaco on se doit d’être attentif à l’image que l’on porte de la Principauté", admet toutefois certains comportements récalcitrants hors des frontières.
"Il peut exister un sentiment d'impunité chez certains"
"Il peut exister un sentiment d’impunité. Des gens croient qu’ils sont au-dessus de tout mais c’est indépendant de la question de l’infraction routière.Il faut leur faire comprendre par le dialogue."
Le dialogue à défaut d’autres possibilités pour l’heure. Si une convention spécifique aux taxis permet de leur appliquer des sanctions administratives en cas d’infractions commises en France, la transposition aux particuliers n’est pas d’actualité.
Elle pourrait toutefois faire l’objet d’une réflexion, tout comme l’instauration d’un permis à points.
La Commission du permis de conduire, consultative à Monaco, pourrait notamment être force de propositions pour développer un nouvel arsenal de lutte contre ces incivilités routières.
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