Walid Bekkada et Sofiane Gallah, deux des quatre braqueurs de la bijouterie Cartier arrêtés en Principauté le 25 mars 2017, ont été condamnés respectivement à 10 et 7 ans de prison ferme. Ils devront verser conjointement les sommes de 20.000€ pour les dommages occasionnés à la société RLG (enseigne Cartier à Monaco) et 66.000€ en totalité aux six parties civiles pour le préjudice.
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Le tribunal criminel a retenu des circonstances atténuantes pour les accusés. Car le ministère public avait requis 13 et 10 ans d’emprisonnement ferme à leur encontre. Ils ont la possibilité d’introduire un pourvoi en révision dans un délai de cinq jours.
Si l’on additionne le temps de la détention préventive et les traditionnelles remises de peines, soit trois mois par année d’incarcération, Walid Bekkada et Sofiane Gallah resteront à la maison d’arrêt de Monaco, souhait qu’ils ont formulé à l’audience, 66 mois pour le premier et 36 mois pour le second.
"Ma haine a disparu"
Les faits. L’après-midi du 25 mars 2017, une bande de malfaiteurs originaires des Hauts de Vallauris pénétraient chez le joaillier de la place du Casino. Sept minutes plus tard, 127 bijoux pour un montant de 6 millions d’euros étaient dérobés.
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Alertés, les services opérationnels de la Sûreté publique déployaient aussitôt le plan de bouclage de la Principauté et de nombreux policiers convergeaient vers la place du Casino. De fuite en poursuite sur le territoire monégasque, les fonctionnaires maîtrisaient deux individus connus pour leurs lourds antécédents judiciaires en France. Leurs interpellations s’effectuaient sans effusion de sang malgré les revolvers détenus par deux des trois bandits. Il n’y a eu ni tir, ni blessé, ni prise d’otage. Seulement sept personnes très choquées : les employés de chez Cartier.
Six ont refusé de témoigner en personne à l’audience par peur de se retrouver une nouvelle fois en face de leurs bourreaux. Seul l’agent de sécurité s’est présenté à la barre pour formuler ses demandes.
"Ce jour-là, affirme-t-il, ma vie a basculé. Je n’ai subi aucune violence physique. Mais ce ne sera jamais plus comme avant. Je peux pardonner. Ma haine a disparu avec ce procès. Je demande le remboursement d’une partie des frais déboursés: 10.000€."
Mes Cédric Porteron (Nice) et Clyde Billaud (Monaco) interviennent ensuite pour soutenir la réparation des préjudices subis par leurs clients. Ce ne sont pas des accusateurs. Ils représentent une douleur, celle des cinq plaignants. Ils ne sont pas là non plus pour demander vengeance, mais justice.
"Vous êtes dangereux"
"Vous avec volé un joaillier, estime le premier avocat en s’adressant aux accusés, et vous avez braqué des êtres humains. Ce jour-là, ils sont partis en embrassant leurs femmes et enfants avant d’aller travailler. Ils ont alors vécu sept minutes en enfer. Traumatisés, ils ne supportaient pas de vous revoir. Vous avez demandé pardon. Peut-on tout effacer? Êtes-vous sincères? Bekkada, vous avez fait cela pour gommer 50.000€ de dettes. Vous êtes dangereux."
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Les deux avocats dénonceront à tour de rôle les comportements des braqueurs. Pour conclure: "Vous avez sollicité de terminer votre détention dans la maison d’arrêt de Monaco. En quelque sorte, vous demandez l’asile politique… pour vous protéger. Si vous étiez rentrés bredouilles à la Zaïne, vous ne seriez plus là!"
En chiffres cela se traduit par 40.000€ pour atteinte à l’image de Cartier ; autant pour les frais de justice; une somme identique pour mes clients plus 30.000€ pour le préjudice. Les mêmes sommes seront demandées devant la Cour d’assises des Alpes-Maritimes, assure l’avocat niçois.
Braqueurs organisés
C’est au tour du premier substitut Cyrielle Colle. En préambule, elle exhorte le tribunal « à ne pas se préoccuper de ce qu’allait faire la France » pour les deux autres accusés interpellés à l’époque des faits sur le territoire des Alpes-Maritimes.
"Vous devez juger les personnes devant vous dans le box par rapport à Monaco en prenant en compte repérage, pistolet, agissements envers les employés… Car ce vol à main armée dénote une véritable organisation. Tout avait bien été pensé. Écartez le cafouillage parce que ces hommes ne seraient pas des professionnels. La vérité est tout autre : les ordres de la direction étaient formels ; ne pas appeler la police. C’est un miracle de ne déplorer aucun drame. Avec une arme, le risque de mort peu suivre."
S’ensuit une description pointilleuse de tous les moments forts de l’affaire : la fuite, l’incendie du véhicule dans le tunnel Louis-II, les tirs dans les pneus… Et l’article 392. Il permet de réduire la peine maximale : la réclusion criminelle à perpétuité. La magistrate réclame 13 ans pour Walid Bekkada et 10 ans pour Sofiane Gallah.
* Antonio Bova et Selim Baroudi sont incarcérés en France. Le premier a été interpellé à Roquebrune-Cap-Martin par les policiers monégasques et il a été remis aux autorités françaises. Le second, grâce aux investigations des enquêteurs de la Principauté, a été arrêté sur le territoire des Alpes-Maritimes. Ils ne seront pas extradés.
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