Monaco Le magistrat français, en charge du volet trafic d’influence de l’affaire Bouvier-Rybolovlev, a dû quitter ses fonctions le 1er septembre. Il dénonce l’arrêt de son détachement devant le Tribunal Suprême
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Publié le 02/09/2019 à 10:22, mis à jour le 02/09/2019 à 10:23
En poste depuis trois ans, Édouard Levrault n’a pas été renouvelé par Laurent Anselmi.J.-F.Ottonello et DR
Ces dernières semaines à Monaco, une rumeur bruissante prêtait au juge Édouard Levrault l’intention de contester devant le Tribunal Suprême (l’équivalent du Conseil constitutionnel en France) le non-renouvellement de son mandat de magistrat français détaché à Monaco, à compter du 1er septembre (lire ci-contre). Une information confirmée à Nice-Matin par le Directeur des Services judiciaires (le ministre de la Justice monégasque), Laurent Anselmi.
« Deux requêtes, l’une en annulation pour excès de pouvoir, l’autre en sursis à exécution, ont effectivement été formées le 21 août dernier devant le Tribunal Suprême de Monaco, haute juridiction constitutionnelle et administrative de la Principauté, par l’intéressé à l’encontre des actes relatifs au non-renouvellement de son détachement (il a pris effet le 1er septembre, Ndlr). Ces requêtes m’ont été notifiées le 26 août. »
« Du genre obstiné »
Si Édouard Levrault n’est pas le premier magistrat ou juriste français à voir son détachement non renouvelé, il est en revanche le premier à se tourner vers le Tribunal Suprême pour remettre en cause une décision de l’État monégasque frappée du sceau princier.
Sorti de l’École de la magistrature en 2002, puis juge d’instruction dans l’Aisne et magistrat à Grasse, Édouard Levrault n’a pas tardé à occuper le devant de la scène médiatique en héritant de l’instruction du volet trafic d’influence de la tentaculaire affaire Bouvier-Rybolovlev.
Décrit par d’anciens collègues comme un « chevalier blanc », il n’avait pas tremblé à l’automne 2018 au moment d’inculper neuf personnalités de la Principauté, dont l’ex-Directeur des Services judiciaires, Philippe Narmino, le propriétaire de l’AS Monaco, Dmitri Rybolovlev, ou encore le patron de la PJ. « Il est du genre obstiné. De toute façon, à partir du moment où il avait fait perquisitionner le bureau de l'équivalent du Garde des Sceaux en principauté, il lui était impossible de rester au milieu du gué », commentait l’un de ses pairs.
Est-ce cette obstination et ce courage de s’attaquer aux notables de la Principauté qui ont dérangé en haut lieu ? Non, se défend le Directeur des Services judiciaires qui, « conscient du caractère sensible du dossier », relie le sort d’Édouard Levrault à un mouvement général de « turn-over » (lire ci-dessous). Édouard Levrault serait la victime collatérale d’une refonte globale initiée de la magistrature à la police monégasques.
Reste qu’en avril dernier, dans le bureau de Laurent Anselmi, le juge Levrault aurait reçu un avis favorable à son renouvellement. Ces derniers jours, nos confrères de L’Obs et de Mediapart avançaient ainsi que, « dans sa requête, Édouard Levrault rappelle que la qualité de son travail en Principauté a été reconnue, alors qu’aucun grief ne lui a jamais été officiellement notifié ».
Une décision qui n’a pas à être « motivée »
« Il a effectivement été renoncé, avant le terme du détachement de l’intéressé, à sa reconduction, et cette décision, prise dans le cadre de l’exécution d’un accord international, n’est pas au nombre de celles qui doivent être légalement motivées », nous a réaffirmé Laurent Anselmi.
En coulisses, il se murmure toutefois que son abnégation dans de grosses affaires, comme l’affaire Bouvier-Rybolovlev, l’aurait parfois conduit à moins de célérité dans le suivi d’autres dossiers.
Dans les couloirs du Palais de justice, certains prêtent également une forme d’ironie à la situation. Celle d’un magistrat français qui saisit la justice monégasque et donc « lui fait confiance ».
Enfin, toujours selon nos confrères de L’Obs, la requête en sursis à exécution déposée par le juge Levrault aurait vocation à « pouvoir rester en poste pendant l’examen de sa requête ». Impossible selon Laurent Anselmi : « Le simple fait de déposer un recours devant le Tribunal Suprême, même en sursis à exécution, n’est pas en lui-même suspensif de la décision déférée. Pour ce qui est du fond du litige, la requête est présentement à l’étude par les services compétents et les conseils de l’État. »
Le juge Levrault n’est donc plus en fonction à Monaco depuis hier. Nul doute toutefois qu’il sera rapidement réaffecté à un poste tout aussi prestigieux en France. En attendant la décision du Tribunal Suprême.
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