Le calvaire d'une concubine et de deux gamines à Monaco

Le « bourreau » a plaidé des réminiscences d'une enfance difficile et risque 12 mois avec sursis

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JEAN-MARIE FIORUCCI Publié le 16/09/2016 à 05:11, mis à jour le 16/09/2016 à 05:11
Photo Illustration Franck Fernandes

C'est une histoire d'amours tumultueuses et pathologiques qui a été évoquée devant le tribunal correctionnel. Car elle finit très mal… Un pizzaïolo de trente-deux ans a comparu pour violences et voies de fait sur conjoint et enfants vivant sous le même toit, en l'occurrence sa fille et sa belle-fille, victimes de blessures indélébiles !

La gestion des disputes, des crises et de la colère à outrance s'est vite transformée en véhémence verbale et punitions corporelles. Au point de terroriser compagne et fillettes, humiliées par une succession de mauvais traitements corporels. Que de similitudes avec Les Misérables où les coercitions sociales et morales peuvent entraîner l'homme à sa déchéance.

Des difficultés surgissent au sein du couple dès 2012. Mais l'inconcevable apparaît véritablement en février 2014, quand une des gamines signale les faits dans l'établissement scolaire fréquenté. Aussitôt, l'école relate la négligence des parents à la DAAS. Convoquée, la concubine avoue les crises de violences du père. L'assesseur Édouard Levrault, rapporteur du dossier, inquiété par cette famille déchirée par une succession d'épisodes conflictuels, interroge le prévenu.

À la barre, ce Français résidant en Principauté joue sur les maux infligés. « J'ai franchi la ligne… Pour ma compagne, c'était surtout des violences verbales. On s'engueulait car on était en désaccord sur l'éducation des enfants. Il m'est arrivé de la bousculer. Sans plus ! » Le magistrat : « Vous n'avez pas hésité à porter des coups et tentatives d'étranglement sur votre compagne pendant la grossesse… » Le prévenu reconnaît juste des intimidations verbales. « Et les gifles fréquentes, les tapes sur la tête des fillettes ? », poursuit l'assesseur. « Vous les tiriez même par les cheveux quand elles voulaient vous échapper. Drôles de gestes éducatifs… » Ce bourreau d'enfants conteste encore vexations et avanies : « C'était des corrections… »

"Des coups de poing et de cravache"

Le magistrat revient à la charge. « Vous aviez des mots humiliants comme "mongolienne", "connasse". Vos filles allaient souvent à l'école avec des ecchymoses. Des hématomes aux coudes et dans le dos. Quand on les interrogeait, elles disaient : "C'est papa qui nous a battues. Il tape sans raison". Qu'attendiez-vous de votre pédagogie ? » Silence. Balbutiements. Subterfuge : « Je les ai attrapées par les bras sans penser que cela pouvait laisser des marques. Je reconnais que ce n'était pas le message à appliquer. J'ai mal agi. Ce n'était pas la bonne méthode… C'est après la naissance de notre enfant qu'est apparu mon comportement furieux. Ce n'était pas volontaire, j'étais vraiment inconscient. J'aurais dû… » Le juge finit la phrase : « Entamer une thérapie ? » Exact. « Je suis allé voir un psychologue répond le père. Je ne retrouvais plus les liens du début. J'avais réussi à effacer mon passé. Mais il y a eu ce déclencheur. »

Question pertinente du magistrat : « Quel passé ? » Étonnante assertion : « J'avais l'impression de retrouver mon enfance. Entre quatre et cinq ans avec un beau-père irascible, je recevais des coups de poing et de cravache. Il se comportait aussi très mal envers ma mère… Ma grand-mère sanctionnait le moindre écart par des coups de ceinture… »

Quand l'ex-compagne vient à la barre, le président Michel Soriano s'étonne de sa réaction tardive. « Sans les aveux de ma fille, reconnaît-elle, je ne me serais jamais présentée au commissariat. Chaque fois que je menaçais mon concubin de partir, il redevenait gentil. Alors, je restais afin de ne pas briser la cellule famille. Aujourd'hui, il a demandé pardon aux enfants. Mais je ne crois plus à son changement. Le jour où j'ai décidé de le quitter, Il m'a tapé pour me faire mal… »

"Elles se pissent dessus quand on en parle"

Me Sarah Filippi, pour la partie civile, souligne alors l'acharnement d'un père et s'excuse de marcher sur les plates-bandes du ministère public. « Des gestes violents, des insultes : c'est de la destruction d'enfants. La victime va croire à une vie de famille : elle va vivre l'enfer. Les dénégations du prévenu sont insupportables. C'est grave, car il fait croire qu'il a compris. En fait non ! Les fillettes ont une telle peur de revoir leur père qu'elles se pissent dessus quand on en parle. Nous réclamons 2.000 € par enfants et la même somme pour aider la mère… »

Le procureur général adjoint Hervé Poinot, réaliste, souligne des « faits contestés parce qu'insupportables. Vous n'aurez jamais des aveux complets et circonstanciés. Cette notion de culpabilité, le prévenu a du mal à l'assurer. Cela apparaît dans le panneau affiché dans le salon familial où sont inscrites les règles à respecter… » Douze mois d'emprisonnement avec sursis seront requis.

Enfin, la défense, par la voix de Me Christophe Sosso, n'a pas, on s'en doute, la même lecture des faits. Et de raconter sa version : « Il faut intégrer le contexte catastrophique et traumatique de la jeunesse de mon client. C'est pourtant un gros travailleur. Ses gamines sont insupportables, super difficiles, elles écrivent sur les murs. Le bourreau ? Vous vous trompez. C'est un homme soumis ! Quand une femme battue dit publiquement : "C'est moi qui porte la culotte à la maison", c'est étonnant. N'y a-t-il pas un problème de casting ? Faites preuve d'humanité. Cet homme revient de loin… »

L'affaire a été mise en délibéré jusqu'au vendredi 11 octobre.

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