Quelle attitude adopter quand un bus refuse de s’arrêter pour prendre une personne en fauteuil roulant ? Un passager handicapé a réagi après l’arrivée d’un premier chauffeur qui n’a pas daigné déployer la rampe d’accès au motif de l’impossibilité de la faire fonctionner. Puis d’un second, désolé de ne pas l’embarquer pour les mêmes raisons, tout en conseillant à cet usager de patienter jusqu’à la prochaine navette annoncée dans les minutes suivantes.
À l’approche du troisième autobus jaune à la station de la place d’Armes, il décide de monter coûte que coûte pour se rendre à Nice. Il s’avance sur le marchepied… mais le chauffeur redémarre avec la portière ouverte. Le quinquagénaire invalide est blessé.
Il porte plainte et cette affaire de blessures involontaires finit devant le tribunal correctionnel. À l’audience le président Jérôme Fougeras-Lavergnolle (*) affiche son incompréhension face à un tel comportement. « C’est une obligation d’aider une personne handicapée à accéder aux transports en commun. Au lieu d’actionner le degré métallique, vous fermez la porte ! Pourquoi ? »
« Mauvaise décision »
À la barre, le prévenu, un Mentonnais de 55 ans, allègue ses raisons pour se justifier. « La rampe ne fonctionnait pas. J’ai informé ce Monsieur. J’avais l’esprit perturbé par un deuil… » Le magistrat demeure inquiet de noter, au regard de l’enquête, le redémarrage du car au moment où la victime essayait de grimper sur la plateforme. « J’ai pris la mauvaise décision, reconnaît l’intéressé. Mais je n’imaginais pas que cette personne tenait la porte. Je me suis arrêté spontanément dès qu’il a protesté. En revanche, je n’avais pas remarqué la plaie. Cette erreur me mine depuis le début… »
Le président s’étonne encore du mécanisme défaillant de la rampe d’accès laissé en l’état et de l’absence de la société de transport dans le prétoire. « S’il arrivait quelque chose, j’étais responsable, assure le chauffeur. Avec un bus à soufflet, ce dispositif incliné ne résiste pas aux ralentisseurs. À chaque passage sur ces gendarmes couchés, ils subissent un choc… »
Quant au plaignant, il ne se constitue pas partie civile afin d’éviter une tourmente financière supplémentaire au prévenu dont le casier judiciaire comporte une mention pour violences.
Dispensé de peine
D’où la réaction du premier substitut Olivier Zamphiroff. « C’est un demandeur généreux et courageux. Il est présent en fauteuil roulant. Mal située, la trappe ne fonctionnait pas : à prendre en considération ! Toutefois, la sanction ne doit pas mettre le prévenu au ban de cette société de transport. Il est seul et l’employeur, en tant que responsable, n’est pas représenté. Une amende assortie du sursis ou la dispense de la peine. »
Le tribunal acquiescera : déclaré coupable, le chauffeur est dispensé de peine, comme l’autorisent les nouveaux textes.
* Assesseurs : Florestan Bellinzona et Morgan Raymond.
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