Rejet en bloc et grande déception chez les syndicats à propos de la décision du Tribunal Suprême rendue le vendredi 10 mars par le président Didier Linotte. Déposé le 20 septembre par l’Union des syndicats de Monaco (USM) et le Syndicat des agents de l’État (SAEC), ce recours contre la loi du 7 juillet 2022, modifiant la loi du 12 juillet 1975 portant sur le statut des fonctionnaires, a été débouté dans sa totalité.
Pour le Tribunal Suprême, il "n’est en aucun point fondé à demander d’annuler la loi". Lors de la lecture du délibéré, la justice monégasque, qui s’était saisie du dossier avec urgence le 24 février, a repris un par un les arguments argués par le conseil des syndicats, démontrant le non-fondement de chaque point et ce, en s’appuyant sur des articles de la première loi, mais aussi sur la constitution.
La question démographique
Rappelons que la loi du 7 juillet 2022 prévoit désormais que seuls les Monégasques occupant des emplois permanents de l’État pourront avoir la qualité de fonctionnaire. Les ressortissants étrangers seront donc recrutés en qualité d’agents contractuels de l’État. Pour le Tribunal Suprême, cette loi entérine une pratique déjà ancienne.
Parmi les argumentaires des deux parties, les syndicats estimaient que cette loi allait au-delà de la priorité constitutionnelle reconnue aux Monégasques pour l’accession aux emplois publics et privés et qu’elle ne respectait pas, en partie et de ce fait, la constitution.
La justice n’a pas vu la chose de la même manière: la loi n’a ni pour objet, ni pour effet, d’interdire aux étrangers l’accès aux emplois publics et aucune disposition de la constitution n’interdit le législateur de réserver aux nationaux la qualité de fonctionnaires.
Des inégalités pour un même poste
Le conseil des deux syndicats avait en outre soulevé la question démographique. "On ne peut pas faire tourner la fonction publique de Monaco qu’avec les Monégasques. Il y a plus de fonctionnaires d’État que de Monégasques. Par ricochet, cela crée des inégalités au sein d’un même service et cette inégalité est provoquée par la loi elle-même", avaient rappelé les syndicats à la sortie du tribunal.
Le Tribunal Suprême a vite écarté cette critique rappelant que la loi autorise que des distinctions soient faites entre fonctionnaires "en vue de répondre à des exigences professionnelles essentielles et déterminantes", notamment afin de tenir compte de la nature des fonctions ou des conditions de leur exercice.
Ce qui n’a convaincu ni l’Union des syndicats de Monaco (USM), ni le Syndicat des agents de l’État (SAEC) qui n’ont pas dit leur dernier mot. À l’issue de l’audience, ils réfléchissaient, en effet, à entamer de nouvelles démarches en justice. Reste à savoir lesquelles et quand.
Les syndicats réagissent
Aucun des points avancés par le conseil des demandeurs n’a été entendu. Un coup dur pour les syndicats des fonctionnaires (SAEC) qui ont réagi à la suite du délibéré. "C’est très grave pour nous car, avec cette loi, on instaure la nationalité dans la loi comme critère d’embauche, et on consacre ainsi l’exclusivité de la nationalité dans le recrutement. On peut donc dire qu’il y a désormais de la discrimination dans le système d’embauche à Monaco. Pour nous c’est indéniable. Jusqu’alors la priorité était donnée aux Monégasques, mais c’était une priorité pas une exclusivité. Aujourd’hui, avec cette loi, nous parlons d’exclusivité de l’emploi aux Monégasques. Selon nous, elle entraîne, avec elle, de la discrimination à l’embauche."
Ce qui inquiète également les syndicats c’est la précarisation de la profession. "Dans un même bureau et pour les mêmes missions, vous aurez d’un côté les Monégasques, fonctionnaires agents titulaires et, à côté de lui, un étranger, agent de l’État non-titulaire. Il n’aura ni la même couverture sociale, ni les mêmes cotisations sociales, ni les mêmes avantages. Il y aura du personnel à deux vitesses."
Les syndicats dénoncent également une précarisation de l’emploi des contractuels qui va détruire la fonction publique. "Avec cette loi, on ne protège pas les agents. Rappelons que la fonction publique est un pilier de l’État et nous venons de fragiliser ce pilier." Les syndicats tablent que d’ici peu, sur quatre salariés de la fonction publique, un fonctionnaire sera titulaire pour trois agents contractuels. "C’est mathématique, c’est la démographie de Monaco qui veut cela."
Christophe Orsini, DRH, décrypte
Christophe Orsini, directeur des ressources humaines et de la formation de la fonction publique, décrypte cette nouvelle loi sur le site officiel du gouvernement princier.
"Le nouveau statut des fonctionnaires de l’État est entré en vigueur près de 48 ans après sa promulgation initiale et onze années de travail. Ce texte consacre des pratiques, renforce et encadre juridiquement des dispositifs existants et comporte des dispositions novatrices permettant, notamment, d’apporter de véritables avancées sociales."
La nouvelle loi et l’ordonnance souveraine en matière de traitement permettent de majorer de 5% les indemnités de vacances et de fin d’année.
En second lieu, les chefs de service ont dorénavant la possibilité d’octroyer jusqu’à deux classes indiciaires supplémentaires dans le cadre de la campagne annuelle d’avancements. Ces textes ont aussi introduit un cadre général pour les astreintes et les fonctionnaires et agents de l’État peuvent obtenir des repos compensateurs.
Le congé maternité passe de 16 à 18 semaines, tandis que le congé paternité passe de 12 à 21 jours pour une naissance simple.
"Les agents de l’État font partie intégrante de la fonction publique monégasque. Hormis certaines dispositions réservées uniquement aux fonctionnaires, le gouvernement princier a décidé de faire bénéficier les agents de l’État de ces évolutions. De surcroît, ils auront la possibilité, à l’occasion de leur dernier renouvellement, de conclure un contrat à durée indéterminée."
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