L'ombre du rapport Moneyval plane sur la rentrée judiciaire à Monaco
Après une rentrée 2022 sans Procureur général ni Premier président de cour d'appel à Monaco, le corps judiciaire a fait sa rentrée au complet. Les exigences européennes de lutte contre le blanchiment en sont la priorité.
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Yannis DAKIKPublié le 03/10/2023 à 09:02, mis à jour le 03/10/2023 à 09:09
Escortés par les Carabiniers du Prince, les magistrats ont participé à la traditionnelle procession entre la cathédrale et le Palais de justice après la messe du Saint-Esprit. Photo Jean-François Ottonello
Les années se suivent et ne se ressemblent pas. L’année judiciaire 2023-2024 s’est ouverte ce lundi au Palais de justice en présence des différents représentants de l’institution ainsi que du prince Albert II, qui n’était pas présent l’an passé.
Autre différence avec l’ouverture de l’exercice 2022-2023, la présence, notamment, de deux nouveaux visages qui sont venus compléter les bancs du Palais de justice. Et pas n’importe lesquels.
Orphelin d’un Procureur général et d’un Premier président de Cour d’appel depuis les départs respectifs de Sylvie Petit-Leclair, nommée Secrétaire d’État à la Justice en avril 2022 et de Brigitte Grinda-Gambarini, partie à la retraite, le monde judiciaire de la Principauté a retrouvé deux de ses cadres. Et de la stabilité. Et ce, en les personnes de Francis Jullemier-Millasseau, Premier président de la Cour d’appel, jusqu’alors président du tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence. Et de Stéphane Thibault, Procureur général, ex-avocat général près la Cour d’appel de Paris. Les deux postes clés ayant été pourvus, l’heure était à la projection sur cette nouvelle année judiciaire qui s’ouvre tout juste.
Le spectre Moneyval
Mais si le brouillard semble donc se dissiper autour de l’institution monégasque, quelques nuages demeurent. Ou plutôt une "zone de turbulences", comme l’a appelé Stéphane Thibault, faisant référence au rapport Moneyval. Ce dossier épineux qui suggère que Monaco peine à suivre l’évolution des standards européens en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, malgré des efforts de la Principauté.
"La sécurité financière et bancaire qui prévaut en Principauté pourrait être fragilisée si Monaco était inscrit sur la liste des états qui présentent des déficiences stratégiques dans le régime de lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et le financement de la prolifération - désigné liste grise", a déclaré le nouveau Procureur général de Monaco, conscient des potentielles conséquences de la présence de la Principauté sur la fameuse liste.
C’est la raison pour laquelle il en a fait l’une des priorités de cette rentrée. "La lutte contre le blanchiment, déjà très prégnante, constituera le premier objectif du parquet général pour l’année judiciaire 2023-2024 qui s’ouvre aujourd’hui."
À cette occasion,l’ex-avocat général près la Cour d’appel de Paris s’est également voulu rassurant quant à la capacité de la Principauté à répondre aux exigences européennes. "Je peux dire que Monaco répond mieux aux demandes d’entraide internationale que d’autres états qui sont beaucoup moins coopératifs et qui ne sont pourtant pas sur une liste d’états sous surveillance ou menacés de l’être."
Toujours dans son discours, il prônait néanmoins la fermeté vis-à-vis des potentielles infractions financières. "Je tiens à dire à ceux qui choisiraient délibérément de violer la loi pour participer au blanchiment de fonds acquis illégalement que je ferai tout mon possible pour les identifier et les poursuivre devant les juridictions compétentes."
Stéphane Thibault a été nommé Procureur général par ordonnance souveraine du 10 août 2023.Photo Jean-François Ottonello.
Stéphane Thibault, un Procureur général au chevet des plus faibles
Fraîchement arrivé de ses précédentes fonctions d’avocat général près la Cour d’appel de Paris, Stéphane Thibault a détaillé sa feuille de route et ses principaux axes de travail, parallèlement au rapport Moneyval. "Je souhaite aussi continuer l’action menée en faveur de la protection des personnes, en particulier des femmes et des enfants via la lutte contre les violences familiales, a-t-il souligné lors de son discours de rentrée. J’ai pu remarquer que les atteintes aux biens étaient parfois réprimées plus sévèrement que certaines atteintes aux personnes. J’en comprends les causes mais ces atteintes à la propriété privée ne peuvent cacher celles aux personnes physiques, qui me semblent plus graves même si elles sont moins nombreuses."
Parallèlement, le Procureur général souhaite également mettre l’accent sur les abus de faiblesse "mêlant atteinte à la personne et aux biens et qui semblent nombreux, en raison du nombre élevé de personnes âgées, seules et fortunées. Ces infractions doivent aussi être particulièrement réprimées."
Enfin, le successeur du Monégasque Morgan Raymond, nommé procureur général adjoint le 24 octobre 2022, qui avait assuré les fonctions de procureur général par intérim, entend aussi dévouer une attention particulière à ceux qui portent atteinte au patrimoine collectif "que constitue notre environnement, terrestre mais aussi et surtout maritime, a déclaré Stéphane Thibault. C’est une tâche qui me semble primordiale et dont les générations futures nous demanderons de rendre compte."
L’année 2022-2023 en chiffres
L’ouverture de la nouvelle saison judiciaire est aussi l’opportunité de boucler la précédente. À cette occasion, plusieurs chiffres résumant l’année 2022-2023 ont été communiqués.
Parmi les plus marquants, on note une baisse du nombre d’affaires pénales enregistrées (1.379 contre 1.520 en 2021-2022), une baisse significative des vols (177 contre 227 en 2021-2022), une hausse des violences (74 contre 67 en 2021-2022). Les affaires liées aux stupéfiants ont presque doublé en un an, passant de 69 en 2021-2022 à 108.
Voici les principaux chiffres qui ont marqué l’année 2022-2023.
1.379 affaires pénales enregistrées dont:
- 118 pour conduite sous l’empire d’un état alcoolique/stupéfiant
- 74 pour violence
- 177 pour vol
- 108 pour stupéfiant
- 223 pour infraction financière
- 17 pour abus de faiblesse
- 68 personnes incarcérées dont 3 mineurs
- 69 informations ouvertes
- 37 décisions rendues par le Tribunal suprême
- 31 arrêts civils
- 19 arrêts pénaux rendus par la Cour de révision
- 117 arrêts rendus en matière civile
- 38 arrêts correctionnels à la Cour d’appel
- 1.082 jugements rendus par le tribunal de première instance.
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