Jeudi dernier, quelque 150 agents de la Sûreté publique en civil se rassemblaient spontanément - et silencieusement - devant le Palais de justice de Monaco, en soutien au chef de la police judiciaire, Christophe Haget, et son adjoint, Patrick Fusari, tout juste inculpés « de trafic d'influence passif, corruption passive, violation du secret de l'instruction et/ou du secret professionnel » dans l'affaire Bouvier-Rybolovlev.
Un témoignage d'amitié et de loyauté à l'égard de deux figures de la police, mais aussi l'expression d'un mal-être, d'un ras-le-bol dans les rangs de la Sûreté, selon le Secrétaire général de l'Association syndicale autonome du personnel de la police d'État de Monaco - à l'initiative du rassemblement -, Orlando Bernardi. « Il y a deux volets indissociables. Tout d'abord, on est humain. On connaît ces collègues depuis très longtemps et on s'inscrit dans un soutien moral dans une épreuve difficile pour des flics.
Ensuite, la police de Monaco jouit d'une excellente réputation internationale mais depuis un an et demi, cette réputation est salie et ternie. On se doit, en tant qu'association syndicale, de défendre l'image de la Sûreté publique. »
« Il importe que la justice conduise sereinement son action »
L'image, inédite en Principauté, de forces de l'ordre faisant le pied de grue devant un tribunal, n'a pourtant pas convaincu. Dans un pays où la justice est rendue au nom du Prince (article 88 de la Constitution), détenteur du pouvoir judiciaire, elle a même dérangé. D'autant qu'à ce stade de la procédure, les neuf inculpés [lire nos éditions du vendredi 9 novembre] bénéficient d'un droit inaltérable : la présomption d'innocence.
Sollicité, le conseiller de gouvernement-ministre de l'Intérieur, Patrice Cellario, a souhaité « apporter son soutien à (notre) police et son personnel », dont le « travail quotidien », par ailleurs, est jugé « remarquable ».
« L'émotion des fonctionnaires de police, de tous ces hommes et ces femmes dévoués au quotidien à la Principauté, qui consacrent leur énergie à la sécurité des Monégasques et des résidents, est évidemment compréhensible. Elle témoigne à la fois de leur attachement sincère à leur hiérarchie et de leur préoccupation face aux derniers événements. Je comprends leur attachement à des hommes avec lesquels ils travaillent depuis des années pour certains, ainsi que leur émoi. »
« L'innocence des inculpés serait une bonne nouvelle »
Solidaire, le « Premier flic de Monaco » refuse en revanche d'évoquer un « traumatisme » en interne. « Il existe une préoccupation que je comprends et qu'il convient de prendre en compte. Au-delà de l'émotion, il importe que la Justice conduise sereinement son action et mène les procédures jusqu'à leur terme. Si des fautes individuelles ont été commises, elles seront sanctionnées. Si l'innocence des inculpés est établie, cela sera une bonne nouvelle. »
« Mais il faut raison garder : quoi qu'il advienne, nos institutions sont fortes. SAS le Prince souverain a réaffirmé à de nombreuses reprises les principes éthiques qui assurent leur bon fonctionnement », poursuit le conseiller de gouvernement, qui détaille la réorganisation de la Sûreté publique à la suite de ces inculpations (lire ci-contre) et justifie l'absence préalable de sanctions administratives. « Il convient de rappeler que jusqu'à ce qu'un individu soit déclaré coupable, il est présumé innocent, a fortiori lorsqu'aucune charge n'est retenue contre lui. Il n'y a donc aucune raison qu'il ne continue pas à bénéficier de la confiance qui l'accompagnait jusqu'alors. »
Quant à l'aura des forces de sécurité, Patrice Cellario ne croit pas « que cette affaire puisse altérer d'une quelconque façon l'image très positive que les Monégasques et les résidents ont de leur police (...) Tous connaissent le respect de notre police pour l'Institution judiciaire et son engagement sans faille dans son bon fonctionnement (...) Je ne crois pas que les inculpations actuelles, qui visent deux fonctionnaires toujours présumés innocents, puissent briser ce lien très fort ».
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