Le soulagement n'aura finalement duré que quelques jours. Le parquet a décidé de faire partiellement appel du jugement rendu dans l'affaire « mains propres ». Le 25 janvier dernier, après deux semaines d'audience, le tribunal correctionnel de Marseille avait décidé de relaxer plusieurs prévenus poursuivis dans le cadre de ce vaste dossier politico-financier. A commencer par le maire de Beausoleil, Gérard Spinelli, et les promoteurs monégasques de la tour Odéon, Claudio et Paolo Marzocco, suspectés, depuis 2009, d'être liés par un pacte de corruption.
En dépit des sept longues années qu'aura duré l'instruction, l'affaire était arrivée bien mal ficelée à la barre de la sixième chambre correctionnelle. Face à de nombreuses « lacunes » du dossier, systématiquement pointées par une défense composée de quelques-uns des meilleurs avocats pénalistes de la Côte et de France, la présidente Christine Mée, avait donc décidé de ne pas entrer en voie de condamnation.
« Acharnement judiciaire »
Il faut dire que même l'accusation, en dépit des deux magistrats qui exceptionnellement la représentaient, s'était montrée bien peu offensive durant les débats. Le parquet a néanmoins décidé de se donner une seconde chance. Après avoir mûri sa décision durant près d'un mois.
Le parquet n'avait que jusqu'à ce lundi pour faire appel. Il a donc pris « un long temps de réflexion » note Me Eric Dupond-Moretti, l'un des avocats des frères Marzocco, qui rappelle que, dans cette affaire, ses clients avaient « dans un premier temps bénéficié du statut de témoin assisté, que leur mise en examen avait été annulée, puis reprise dans des conditions » que l'avocat parisien « conteste toujours », avant d'être finalement relaxés . « En matière judiciaire, comme en matière thérapeutique, estime dès lors Me Dupond-Moretti, l'acharnement n'est pas bon. »
Un sentiment partagé par Me François-Xavier Vincensini, l'avocat du maire de Beausoleil, qui « aurait apprécié que le parquet se montre plus raisonnable et que cette affaire qui a déjà fait beaucoup de dégâts, tant sur le plan personnel que professionnel, s'arrête là ». Car pour lui, « le dossier est vide ».
De longues investigations et des aveux
Ce n'est sans doute pas l'avis des enquêteurs de la police judiciaire qui en ont bâti les fondations. Avant de procéder aux premières interpellations en novembre 2009 ils ont accumulé quantité d'éléments à charge durant plus de deux ans, multipliant les filatures, les écoutes, confrontant les agendas des différents suspects, retrouvant comptes offshore et même enveloppes garnies de billets. L'argent de la corruption ?
Elle serait même écrite noir sur blanc dans un pacte exhumé par les enquêteurs d'un coffre découvert dans la somptueuse villa de Roquebrune où vivait Ange-Roméo Alberti. Cet entrepreneur italo-monégasque, surnommé « Lino », avait avoué en garde à vue ce que tous les autres prévenus contestent. Des aveux, certes embrouillés, mais réitérés à la barre du tribunal. Ce qui ne l'a pas empêché de bénéficier, lui aussi, d'une relaxe, dans le volet Odéon du moins(1), dont le parquet a également fait appel. Lino Alberti sera rejugé. Pour toutes les charges qui n'ont pas encore été retenues à son encontre. Y compris celle d'association de malfaiteurs.
Pas avant un an
Quitte, pour cela, à faire également appel de la relaxe de Silvio Perlino, ce financier monégasque qui n'est pourtant pas poursuivi dans le volet Odéon de l'affaire. Voilà qui ne facilitera pas la clarification des débats que l'on serait en droit d'espérer d'un procès en appel.
Ce nouveau round judiciaire ne devrait pas intervenir avant un an au moins. « Le combat judiciaire aura été long, note Me Franck De Vita, l'avocat de Lino Alberti, mais nous irons jusqu'au bout avec la même vigueur et la même ténacité », annonce-t-il.
Gérard Spinelli, le maire de Beausoleil, fait preuve de la même détermination à l'annonce de cette décision qui, « après 7 ans, 2 mois et 10 jours », ne lui permet « donc toujours pas tourner la page de cette affaire » : « Porté par la force de ma relaxe, par les innombrables marques de soutien des Beausoleillois et des habitants de notre territoire, je reste combatif et conserve ma sérénité et ma confiance» assure l'élu qui se dit « convaincu que rien ne doit être au final plus fort que la vérité ».
Reste à savoir si elle sera la même en appel qu'en première instance.
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