Il émettait des chèques sans provision et multipliait les jeux d'écritures à Monaco: un restaurateur lourdement endetté condamné

Le gérant d’un restaurant de sushis multipliait les jeux d’écritures pour dissimuler l’étendue de ses dettes à hauteur de 1.270.000 euros. Il ne pourra plus exercer l’activité de gérant pendant 5 ans.

Article réservé aux abonnés
JEAN-MARIE FIORUCCI Publié le 19/08/2022 à 14:30, mis à jour le 19/08/2022 à 14:31
Le prévenu a émis des chèques sans provison. Photo illustration Monaco-Matin

À force de jongler financièrement avec ses sociétés, le gérant d’un restaurant de sushis de Monaco a accumulé un passif conséquent: 1.270.000€! C’est la raison pour laquelle il a comparu devant le tribunal correctionnel, entre autres pour banqueroute (faillite) et émission de chèques sans provision.

Au commencement, l’année 2013 conduisait progressivement cet homme quasi quinquagénaire dans une descente aux enfers pécuniaire avec un ralentissement d’activité constaté au sein de son groupe.

Il dissimulait d’une manière assez désinvolte ses difficultés de paiements. Aucune difficulté, par exemple, pour amalgamer 210.700€ d’œuvres d’art dans son patrimoine afin de déguiser un découvert de 240.000€ sur son compte courant.

"Vous avez beau trifouiller la comptabilité"

Une carambouille qui fait froncer les sourcils du président Florestan Bellinzona. "Il s’agit là d’un montant artificiellement gonflé si l’on se réfère à l’estimation plus rigoureuse d’une véritable expertise pour une valeur située au plus à 60.000 euros. Votre évaluation, d’après une galerie qui vous appartient, n’était pas sérieuse. D’ailleurs, à force de multiplier les jeux d’écritures, vos dettes vont augmenter chaque année. Autre tour de passe-passe utilisé: vous financez une société à hauteur de 255.000€ que vous avez créée en France. Comment est-ce possible? Avec quel argent? Vous n’arrivez même pas à faire fonctionner réellement votre entreprise à Monaco car elle est en cessation de paiements!"

Le prévenu a bien essayé de contester certaines opérations reprochées… Mais le magistrat n’est pas convaincu: "C’est le franchiseur en difficultés financières qui paye le franchisé. Habituellement, c’est l’inverse…"

À cet instant, l’irrévocable destin rapplique fatalement avec l’addition des dépenses personnelles et omissions rapportées à l’audience. Les frais de déplacements, les retraits en numéraires, les voyages… "C’est du détournement d’actifs, a rappelé le président. Vous ne payez pas plus les cotisations sociales. Vous avez beau trifouiller la comptabilité et émettre des chèques sans provision, vous vous retrouvez avec un compte débiteur, à hauteur de 80.000€ à l’époque. Et vous avez pu survivre en vous servant de ces divers subterfuges jusqu’en 2017…"

"Il s’est glissé dans la peau d’un bon père de famille"

Un millésime synonyme de coup d’arrêt à cette gabegie. Le syndic, dans sa constitution de partie civile, a énuméré les principaux égarements.

On sombre carrément dans l’aberration comptable avec des chiffres recensés dans la balance des paiements: "Brièvement, a détaillé le plaignant, pour 123.000€ d’avoirs, figurent 440.000€ euros en dépenses pures, 80.000€ de détournements, 654.000€ ponctionnés par ce Monsieur. La vente du fonds de commerce a rapporté 400.000€. L’écart du passif représente 551.000€ que nous réclamons au titre des dommages et intérêts. Une société de pêcherie a également revendiqué la somme de 3.000€, à la suite d’une plainte pour chèque sans provision émis de mauvaise foi."

Pour le parquet, le comportement du prévenu est inadmissible. "Depuis deux ans, a noté le substitut Emmanuelle Carniello, ce bonhomme aurait dû être déclaré en cessation de paiements. Pour s’y soustraire, il s’est glissé dans la peau d’un bon père de famille qui ne s’y connaît pas trop dans la gestion. On ne peut pas évoquer uniquement la banqueroute simple. Avec la dégradation de l’entreprise, en renflouant artificiellement l’actif et sa mauvaise foi, on aboutit à une banqueroute frauduleuse. Changer la méthode de gestion? Qu’importe, ce sont surtout les choix affichés d’ignorer volontairement le trou, le gouffre financier. La peine? Un an de prison avec sursis et l’interdiction de gérer une société pour éviter qu’une telle situation ne se reproduise."

Le tribunal a suivi les réquisitions du ministère public, avec une interdiction d’exercer l’activité de gérant pendant cinq ans, les sommes de 551.000€ et de 3.000€ à verser respectivement au syndic et à la société de pêcherie.

"L’expert-comptable a sa part de responsabilité"

Très à l’aise dans sa plaidoirie, Me Thomas Brezzo a reconnu que son client "n’a rien compris, ni envisagé ce qu’il pouvait lui arriver dans sa société". Une sorte de confession sagace afin de désigner d’autres suspects plus évidents, ou du moins avec une part de responsabilité.

"Si le prévenu a pu bénéficier d’un emplacement, son activité a été grignotée à la suite par la concurrence. Ne minimisez pas le départ de son associé, un divorce, la volonté de se développer à l’étranger, des accords avec les supermarchés… Il a essayé de résister, mais il n’était pas de taille à lutter. Et dans tout cela, aucun mot sur l’expert-comptable. Mieux encore : cette situation n’a posé aucune difficulté à ce professionnel. Pourtant, il a sa part de responsabilité. N’a-t-il pas conseillé mon client? Bien mal conseillé… Interrogez-vous sur les intentions de l’expert-comptable d’encourager le gérant sur le développement de son activité en développant les franchises en France! Comment, mon client, pouvait-il avoir connaissance de son erreur?"

“Rhôooooooooo!”

Vous utilisez un AdBlock?! :)

Vous pouvez le désactiver juste pour ce site parce que la pub permet à la presse de vivre.

Et nous, on s'engage à réduire les formats publicitaires ressentis comme intrusifs.

Monaco-Matin

Un cookie pour nous soutenir

Nous avons besoin de vos cookies pour vous offrir une expérience de lecture optimale et vous proposer des publicités personnalisées.

Accepter les cookies, c’est permettre grâce aux revenus complémentaires de soutenir le travail de nos 180 journalistes qui veillent au quotidien à vous offrir une information de qualité et diversifiée. Ainsi, vous pourrez accéder librement au site.

Vous pouvez choisir de refuser les cookies en vous connectant ou en vous abonnant.