Quel personnage volubile, assez spectaculaire, avance à la barre à l’appel de son patronyme par l’huissier du tribunal correctionnel. C’est un quinquagénaire italien, dont le curriculum apparaît engageant dans le domaine scientifique de l’art.
La justice le soupçonne toutefois d’un abus de confiance dans le courant de l’année 2019. Concrètement, il est reproché à cet ancien antiquaire, mué en expert puis en apporteur d’affaires, d’avoir détourné, au préjudice d’une SARL du boulevard des Moulins spécialisée dans la vente aux enchères, une somme globale de 120.247 euros et d’avoir conservé ce même montant à titre personnel.
Car le 16 juillet 2019, un client, mis en relation par le quadragénaire, est rémunéré en partie seulement des objets mis en vente. Il dépose plainte. A la suite, le gérant de la SARL est convoqué par les policiers pour s’expliquer sur le paiement partiel de 44.000 euros. Il manque tout de même plus de 76.000 euros.
Le dirigeant s’étonne et confirme l’intégralité des paiements effectués. C’est-à-dire deux versements de 6.000 euros en espèces, qu’il a remis à l’entremetteur romain, plus un virement au bénéfice d’une société qui appartient à ce même intermédiaire, comme il était convenu.
"Il s’est approprié de l’argent"
Afin d’éviter tout malentendu, le gestionnaire de la société de vente aux enchères a payé la somme due une seconde fois. Mais directement au client mécontent.
Cependant, enclin aux soupçons, le gérant va mettre le nez dans de précédentes opérations. Mauvaise surprise: un lot de tableaux était également réglé deux fois aux mêmes personnes.
L’apporteur d’affaires se retrouve à la barre. Dans une gesticulation à l’italienne, il reconnaît devant le président Jérôme Fougeras Lavergnolle sa relation d’affaires avec la société et sa mission d’intermédiaire avec le plaignant qu’il connaît bien. "Les 6.000 euros ont été conservés, raconte le prévenu, parce que le demandeur était redevable d’une somme comparable à cette SARL pour une vente qui n’avait pas abouti. Quant au virement, en compensation j’avais remis deux montres de luxe." Et les tableaux? Il considérait que c’était une simple erreur… Sans restituer pour autant l’argent.
Outre le client malheureux, de telles fautes font planer un doute sur le fonctionnement de la comptabilité de la société. Mais pour la partie civile, cet homme est seul coupable. "Il s’est approprié de l’argent, lance Me Arnaud Cheynut, et personne ne lui a demandé de remettre des montres à la place. Aujourd’hui, des clients sont effarés de confier des œuvres à la vente auprès de cette société, car ils ne recouvriront jamais les fonds. Nous réclamons 135.000 euros pour le préjudice subi."
Le premier substitut Valérie Sagné va démontrer d’autres incohérences dans ce dossier "où ce personnage n’apparaît pas choqué de se retrouver destinataire des paiements pour régler le client final. Les montres? Il ne peut justifier l’entrée dans son patrimoine ni leur sortie."
Et de qualifier ces manœuvres "d’extraordinaires!" "Il a abusé de la confiance en détournant l’argent pour lui-même. Quant à la société qui croit avoir payé, elle se retrouve en difficulté pour régler la somme une seconde fois. Un an d’emprisonnement assorti de la liberté d’épreuve pendant deux ans et 10.000 euros d’amende." Le tribunal ira au-delà des réquisitions du ministère public, avec deux ans assortis du sursis, placement sous le régime de la liberté d’épreuve pendant trois ans, l’obligation de rembourser et une amende de 10.000 euros.
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