Une affaire de harcèlement moral au travail a montré l’indéniable souffrance d’une jeune intérimaire cariste à l’audience du tribunal correctionnel. Les faits ont eu lieu dans une société monégasque dont les locaux sont situés à Fontvieille. À la barre, ses mimiques discordantes et ses yeux embués de larmes font écho aux propos de la prévenue qui se défend de toute atteinte désobligeante envers la salariée. Pourtant, les mots, regards, réflexions agressives de cette responsable de l’approvisionnement feraient l’objet d’une obsession continue. Au point de créer une situation devenue invivable au travail. Déstabilisée, la plaignante ira dénoncer ses malheurs répétés entre le mois avril et la mi-mai 2018.
« Humiliation »
Au départ, les deux femmes étaient copines. Mais leur amitié s’est dégradée subitement avec la grève dans les transports en commun. Le covoiturage a rapproché l’intérimaire d’un homme qui avait eu des relations amoureuses avec la prévenue. « J’ignorais leurs rapports sentimentaux, raconte la victime. Dès que la responsable a su que l’on faisait route commune, elle a eu un comportement désagréable. »
Le président Jérôme Fougeras-Lavergnolle (*) l’interrompt aussitôt. « On n’est pas là pour régler des querelles. Donnez-nous des exemples du mal-être subi. » La plaignante dénonce une situation impossible : l’affectation à des tâches de ménage, des insultes quotidiennes, la menace de perdre son emploi… « J’étais la femme à tout faire ! Je soupçonne cette personne d’avoir crevé les pneus de ma voiture. Je ne pouvais plus supporter cette pression psychologique, l’humiliation au cours des pauses déjeuner. À la suite de crises d’angoisse, j’ai eu neuf jours d’arrêt et un traitement médicamenteux à suivre. Aujourd’hui, je cherche une place. »
Pour la rivale, « tout est pure invention. J’ai parlé deux fois à cette fille afin de savoir si elle avait eu une relation avec mon ex-conjoint. À l’époque, il avait quitté le domicile. N’écoutez pas ses mensonges, car j’ai tout fait pour la protéger. Je peux être autoritaire, mais j’ai un fond gentil. »
La thèse du complot
Le magistrat évite d’arbitrer une querelle de femmes pour un homme. « Votre directeur reconnaît votre comportement cassant. Vous avez d’ailleurs suivi une formation pour vous adapter dans le domaine des ressources humaines. Vous vous présentez comme une personne empathique. Or tous les témoins disent l’inverse. Pourquoi ? Comploteraient-ils dans votre dos ? »
La prévenue admet la thèse complotiste. « Une dizaine de salariés ont rencontré le délégué syndical pour dénoncer ce comportement autoritaire. Ma place dérange… »
L’avocate de la partie civile se lance d’emblée dans une longue définition du harcèlement et démontre les véritables intentions de la prévenue. « Son problème ? Elle pense que ma cliente a couché avec son mari à l’époque. On est sur une infraction qui a une incidence importante sur la vie de la victime. Le préjudice est de 50 000 e. »
« Crêpage de chignon »
Malgré ce déballage conflictuel, les éléments relatifs au comportement de harcèlement doivent être démontrés pour le premier substitut Cyrielle Colle. « Il faut les preuves nécessaires pour parvenir à une condamnation. Or, c’est la parole de l’une contre celle de l’autre. On mélange l’intime au professionnel dans cette société. C’est déplorable. Mais je suis désolée de ne rien requérir. Le doute doit profiter à la prévenue. »
D’ailleurs, pour la défense, ce dossier est vide de vide. « On peut dire tout et n’importe quoi devant les services de police, car on n’est pas là pour juger d’un crêpage de chignon… Relaxez ma cliente ! » Le tribunal prononcera la relaxe un mois plus tard.
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