Fraudes aux caisses sociales: les autorités monégasques veillent

Une fonctionnaire monégasque vient d’être condamnée à trois mois de prison avec sursis. Chaque année, le gouvernement estime à 1,1 million d’euros le coût de ces « anomalies »

A.-C. H. et JMF Publié le 13/05/2014 à 09:45, mis à jour le 13/05/2014 à 09:48
Caisse sociale Monaco
Il n’y a pas de service dédié au contrôle des fraudeurs en Principauté. Mais les caisses portent une attention particulière à la pertinence et à la qualité des pièces justificatives. Eric Dulière

Une fonctionnaire monégasque vient d’être condamnée à trois mois de prison avec sursis. Chaque année, le gouvernement estime à 1,1 million d’euros le coût de ces « anomalies »

Alors qu’un jugement vient d’être rendu à l’encontre d’une fonctionnaire monégasque qui a escroqué les caisses sociales pour un montant estimé à 60000e, la question des fraudes en Principauté est posée.

Aucun service n’étant dédié à la gestion de l’escroquerie, les chiffres sont difficiles à estimer. On peut toutefois indiquer que, globalement, ces anomalies ont généré, pour les quatre caisses gérées par les Caisses sociales (CCSS, CAR, CAMTI et CARTI) un peu plus de 1,1 million d’euros d’indus à récupérer en 2012-2013, sur un « chiffre d’affaires » de près de 500 millions d’euros.

Pour empêcher ces anomalies, volontaires ou non, la phase de constitution du dossier est une étape primordiale. Une attention particulière est portée à la pertinence et à la qualité des pièces justificatives.

Mille interruptions de travail refusées

À titre d’exemple, les caisses sociales exigent de nombreux documents. Et à ce stade, déjà, de très nombreux dossiers sont arrêtés, comme en témoigne le nombre de refus opposés en 2013.

À titre d’exemple, 1.030 pour les interruptions de travail et 537 concernant les allocations sociales aux retraités.

« En revanche, en cas de fraude manifeste comme la production de faux, la facturation d’actes fictifs ou des abus d’actes, les sanctions peuvent aller de la suspension des prestations pour les assurés ou du déconventionnement pour les prestataires de soins, jusqu’à l’engagement de poursuites correctionnelles, trois affaires étant d’ailleurs actuellement en cours d’instruction par les tribunaux de la Principauté », révèle-t-on du côté des autorités gouvernementales.

Dans quelques semaines, un médecin devrait comparaître pour une escroquerie estimée à 200.000 €. Un cas rarissime, selon les avocats, mais qui aurait tendance à se multiplier.


Condamnée à trois mois avec sursis

La Cour d'appel vient de confirmer le jugement en première instance de Gabrielle, condamnée pour obtention frauduleuse d'aides de l'État monégasque entre 2009 et 2013. Elle écope de trois mois de prison avec sursis, du placement sous le régime de la liberté d'épreuve pendant cinq ans et de l'obligation de rembourser les sommes perçues - la totalité du préjudice subi est en cours d'évaluation par l'État.

Les juges reprochent à cette fonctionnaire monégasque d'avoir établi de fausses déclarations pour le versement de l'allocation de soutien de famille, des prestations médicales, d'aides financières de l'Habitat et de bourses d'études de l'Éducation nationale.

L'affaire n'aurait jamais abouti devant les magistrats si la prévenue n'avait pas déposé plainte contre son ex-mari pour non-paiement de la pension alimentaire. Ce dernier a, du coup, dénoncé les fraudes aux prestations commises par son ex-épouse. En fait, cette femme ne vivait pas seule avec ses trois enfants, comme prétendu, mais bien avec un concubin, depuis plusieurs années, d'après les vérifications des policiers.

Pour Me Christophe Sosso, avocat de la partie civile, « l'État a subi un préjudice, car la composition du foyer a une incidence sur le versement d'allocations… »

Pour sa part, le procureur Michaël Bonnet a mis en exergue les particularités de l'infraction. « Ponctionner l'État de cette façon est un acte de délinquance. L'historique de la vie du couple a parlé, avec véhicule commun, assurance aux deux noms, concubinage récurrent et permanent au domicile, etc. »D'où cette première condamnation prononcée en Principauté. La prévenue a décidé de se pourvoir en révision.

 


Michaël Bonnet, Premier substitut du procureur : « Ces infractions sont difficiles à détecter »

Ces infractions sont-elles fréquentes?
À ma connaissance, c’est la première fois que les juridictions correctionnelles monégasques jugent un tel dossier de fraude aux prestations sociales. Elles sont difficiles à détecter. En effet, il n’y a pas de véritable service chargé de vérifier l’authenticité et la réalité des déclarations des allocataires. Tout est fondé sur une présomption de bonne foi. Le système est donc en équilibre précaire et, en cas de fraude, l’ensemble de la collectivité est victime.

La répétition de ces délits a-t-elle des conséquences?
Le budget de l’État provient de ressources notamment fiscales : TVA, impôt sur les sociétés, diverses cotisations sociales, etc. À terme, avec la multiplication de ce type de délinquance, des baisses du montant des prestations versées sont possibles. Dans le cadre d’un scénario plus noir, l’existence même de certaines aides peut-être menacée. Ce type de comportement est donc très égoïste! Dans tous les cas, c’est le budget de l’État qui est impacté, même si les prestations sociales sont servies par différentes directions : le service des Prestations médicales de l’État (allocation de soutien de famille pour parent isolé), la direction de l’Habitat (allocation nationale au logement) et la direction de l’Éducation nationale (bourses d’études).

A-t-on une estimation du montant escroqué dans cette affaire?
Entre 2009 et 2013, les sommes perçues indûment sont estimées à 60.000 €. Mais l’État évalue en ce moment son préjudice définitif. Le versement de l’allocation de soutien de famille a été jugé en totalité indu. Pour l’aide au logement et les bourses d’études, ces prestations sont aussi conditionnées par les ressources de l’intégralité des personnes vivant au foyer. Il faut donc reprendre les sommes déclarées par la prévenue, réintégrer celles de son concubin qui ont été volontairement omises et recalculer le montant exact des allocations qu’elle aurait dû justement percevoir.

Mais la prévenue n’affirmait-elle pas vivre seule?
Oui, avec trois enfants : deux nés d’un premier mariage et un troisième issu de sa relation avec son ami, fonctionnaire de police. Elle alléguait qu’elle n’avait pas à déclarer les revenus de son concubin en prétendant que ce dernier ne séjournait que quelques jours dans la semaine à son domicile, sans y résider à plein-temps. Or, l’enquête a démontré de manière objective leur situation de concubinage. D’ailleurs, lors de leurs auditions, ils l’avaient reconnue, avant de se rétracter…
 

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