Émotion et applaudissements au procès de l'attentat du 14-Juillet: ce qu’il faut retenir des plaidoiries des parties civiles

Les plaidoiries des avocats de victimes se sont achevées ce jeudi 1er décembre, au procès de l’attaque au camion perpétrée le 14 juillet 2016 à Nice. Un moment fort. Place à l’accusation, puis à la défense.

Christophe Cirone Publié le 01/12/2022 à 17:40, mis à jour le 01/12/2022 à 17:33
Émotion, soulagement et applaudissements chez les victimes à l'Acropolis. Photo C. C.

Sept jours d’audience, 150 avocats, 88 plaidoiries dont 55 coordonnées dans un exercice collectif: une séquence marathon vient de s’achever au procès de l’attentat du 14-Juillet à Paris.

Les conseils des parties civiles ont porté la parole des victimes, leur souffrance, leur traumatisme, leurs attentes. Des interventions parfois très fortes, à l’image de celles de ce jeudi.

À 13h40, le président de la Cour spécialement constituée, Laurent Raviot, a suspendu l’audience à Paris. Elle reprendra mardi avec les réquisitions du parquet national antiterroriste.

Les avocats de la défense plaideront à leur tour du 7 au 9 décembre. Les accusés prendront la parole une dernière fois le 12, avant le verdict attendu le 13. Voici ce qu’il faut retenir de cette dernière journée consacrée aux parties civiles.

Une émotion à fleur de mots

"J’ai vu des gens en l’air. J’ai vu un feu d’artifice de gens." "Moi, je voulais juste des bonbons. J’ai vu des trucs qu’on ne doit pas voir à mon âge."

La dernière plaidoirie saisit le public à la gorge. Une plaidoirie à trois voix lue par Mes Olivia Chalus-Penochet, Sophie Hebert-Marchal et Stéphanie Abier-Rougeron.

Dans ce texte intitulé "Des mots sur vos maux", ces avocates niçoises lisent un florilège de citations des 270 victimes venues témoigner au procès.

Tout y est: le camion blanc qui sème la mort sur la Prom’, les enfants arrachés à leurs parents, les blessures irréversibles, les séquelles invisibles, les couples qui se séparent, le traumatisme, la colère, la résilience, les déceptions, les espoirs.

Un kaléïdoscope de souffrance qui dit l’ampleur de cet attentat au bilan effroyable: 86 tués, 458 blessés physiques, 2500 victimes psychologiques.

Un procès globalement salué

Le président de la cour Laurent Raviot, la première présidente Emmanuelle Bessone, les huissiers, les greffiers... Plusieurs avocats ont salué la tenue de ce procès historique, filmé pour les archives nationales.

"Vous avez fait exactement ce qu’il fallait faire", lance à la Cour Me Claire Josserand-Schmidt, habituée des grands procès terroristes. La Cour a su écouter les victimes, durant cinq semaines en apnée, "avec un soupçon d’humanité supplémentaire".

Le président Raviot a lui-même remercié les robes noires pour la "plaidoirie chorale" organisée par le collectif azuréen 14/7 avocats, afin de structurer le propos et d’éviter les doublons.

Voilà bientôt trois mois que la Cour siège dans la salle "grands procès" de l’ancien palais de justice de Paris, avec une retransmission en visio au palais Acropolis de Nice, et en différé sur une webradio dédiée aux parties civiles.

Malgré quelques moments de tension, les débats se sont tenus dans une relative sérénité, au regard de l’horreur des faits jugés. Certains avocats ont néanmoins regretté le choix de juger les faits à Paris, au risque d’en éloigner les premières victimes, et ont fustigé "une enquête relativement légère" en amont.

Des avis divergents sur les accusés

La tendance aperçue la veille s’est confirmée ce jeudi: chez les victimes comme chez leurs avocats, les accusés inspirent des sentiments partagés.

"Certains sont convaincus par leur culpabilité, d’autres peut-être pas, d’autres pas du tout", constate Me Josserand-Schmidt. Elle-même s’est "autorisée à faire état de [s]es doutes".

Me Aurélie Cerceau rappelle que les avocats "ne doivent pas se laisser guider par [leur] émotion. à nous de dire la réalité d’un dossier, dans ses forces mais aussi ses fragilités. Aucun homme ne peut être condamné pour absorber la douleur, même bien réelle."

Ces déclarations auront sans doute trouvé un écho favorable dans les rangs de la défense. Mais pour nombre de parties civiles, les accusés sont bel et bien coupables.

"Nous voulons les voir condamner", assène Me Fabien Rajon, l’un des avocats de Promenade des Anges. "Ce n’est pas une histoire de loup solitaire", estime Me Sylvie Topaloff.

Avis partagé par Me Antoine Casubolo Ferro, venu clore les plaidoiries individuelles avec pugnacité et conviction: "Ce qui est certain, c’est que Lahouaiej-Bouhlel n’a pas agi seul. Un attentat, c’est une séquence bien plus longue que le seul passage à l’acte, avec un avant et un après. C’est à vous dire la place que chacun a pris dans cette séquence."

Quelques applaudissements saluent sa plaidoirie, comme c’est souvent le cas à Nice. Le président Raviot y coupe court.

Plaidoyer pour un autre procès

L’intervention de Christian Estrosi comme témoin, le 20 octobre dernier, n’aura pas suscité le même enthousiasme, c’est un euphémisme.

Plusieurs avocats fustigent l’attitude du maire de Nice, adjoint à la sécurité au moment de l’attentat, qui a réfuté toute faute durant six heures d’interrogatoire.

"Il nous a fait perdre six heures", tranche Grégory Knecht, père endeuillé de Romain, 10 ans, dans un texte lu par Me Valentine Juttner.

Me Virginie Le Roy, l’autre avocate de Promenade des Anges, ne mâche pas ses mots, sans citer nommément Christian Estrosi. Elle dénonce des propos "choquants", "irrespectueux", "pas à la hauteur de ce procès". Et d’asséner: "On ne peut pas à la fois se dire proche des victimes et refuser de leur répondre pour ne parler que de soi..."

A contrario, elle salue les déclarations de Philippe Pradal. L’ex-maire de Nice a reconnu "qu’une autre organisation aurait pu, aurait dû être envisagée" le 14 juillet 2016. Me Rajon salue sa "sincérité", voire son "humilité". "Peut-être est-il temps d’en tirer des conclusions à Nice..."

Car c’est là "l’autre combat" des victimes du 14-Juillet: obtenir un procès des responsables de la sécurité sur la Prom’. Une perspective bien incertaine.

À ce jour, personne n’a été mis en examen, ni côté Ville ni côté Etat. D’où cette "impression sourde, cette crainte, cette hantise que le dossier soit gentiment, inéluctablement placardisé."

Dès lors, Me Rajon plaide pour un autre procès: "Nous devons aller plus loin. Cela se joue à Nice, dans un cabinet d’instruction."

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