Cette affaire sur le travail domestique salarié, examinée par le tribunal correctionnel, met en cause une ressortissante philippine aux pratiques ménagères improbables. Le 27 janvier 2019, elle outrepasse sa tâche en époussetant à fond l’intérieur du coffre-fort de ses patrons.
À trop le dépoussiérer, 20 000 euros en billets disparaissent. Plutôt volés! La veille, en effet, son patron avait déposé la somme en numéraire dans l’armoire métallique blindée. Confiant, il poussait juste la porte sans la sécuriser par des combinaisons secrètes. Le lendemain, tout l’argent avait disparu. Sauf 4.600 euros retrouvés dissimulés dans la lingerie.
"C’est pour soigner ma fille qui a un cancer…"
Où est passé le montant restant? Ce même jour, la quinquagénaire remet quelque 15.000 euros à des ressortissants de l’archipel basés à Vintimille. L’argent doit être ensuite acheminé au pays où réside sa fille atteinte d’un cancer, afin de financer les soins nécessaires.
La fibre maternelle suffirait-elle à motiver son comportement délictuel? Pas sûr. Le quotidien de cette intervenante à domicile ne semblait pas vicié par une quelconque indélicatesse de la part de son employeur. D’ailleurs, à l’écouter, elle faisait presque partie de la maisonnée. Cette confiance privée de réciprocité a fait réagir la présidente Françoise Barbier-Chassaing à l’audience.
"Vous avez reconnu les faits et vous avez promis de restituer l’argent, dit-elle assez sèchement. Cependant, d’après les caméras de surveillance de l’appartement, vous aviez déjà pris des petites sommes dans les sacs des filles. On sait que vous avez remis l’argent en Italie à des compatriotes. Cet argent volé sert à quelque chose?"
La gouvernante en larmes, humiliée par la comparution, regrette son infraction. Ses propos, déformés par son accent et ses sanglots, sont difficiles à cerner. "Oui, c’est pour soigner ma fille qui à un cancer… Aujourd’hui, les sommes ont été intégralement restituées. Mais j’ai été licenciée. Je suis sans travail…" Ce sont les seules bribes de phrases compréhensibles que l’on retiendra dans le prétoire. Sans oublier une dernière remarque de la magistrate: "Vous êtes déclarée en Italie. En revanche, à Monaco, vous êtes employée au noir…"
"Ma cliente a craqué en sachant sa fille malade"
À ce stade de la contrition, le débat s’engage et la question divise. D’une part, pour la procureure Alexia Brianti, "le vol interroge avec une prévenue au salaire correct. Malgré cela, elle pensait que son employeur, à la tête d’une très grosse fortune, ne s’apercevrait de rien. Elle s’est dénoncée plus tard, après avoir caché l’intégralité de l’argent dans l’atelier de couture. Certes, elle a tout perdu. Mais une peine assortie du sursis de quinze jours à un mois me paraît proportionnée".
D’autre part, la défense révèle la fragilité de l’être humain. Sur le ton de la compassion, Me Hervé Campana décrit "une dame qui travaille dur. Elle est confrontée tous les jours à des tentations. Son casier est vierge. Ma cliente a craqué en sachant sa fille malade. C’est une erreur de nécessité et l’argent a été rendu. Elle a tenu à être présente à l’audience pour répondre de ses actes. Elle vit habituellement en Italie et ne retrouvera certainement pas du travail à Monaco. Une peine ajournée suffira".
Le tribunal s’en tiendra à huit jours de prison avec sursis.
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