Elles sont comme chien et chat. Deux prévenues aux abois, réciproquement victimes, sont venues à la barre du tribunal correctionnel de Monaco pour régler un différend en lien avec leurs compagnons à quatre pattes.
Les deux femmes en sont venues aux mains le 15 août 2021. Ce jour-là, vers 14 h 30, sur l’avenue Crovetto-Frères, à hauteur de l’église Saint-Martin, elles n’ont toléré aucune réflexion envers leurs animaux de compagnie respectifs.
Il y a bien eu des précédents. Mais les insultes orales proférées étaient toujours privilégiées auparavant dans ces rencontres incommodes en compagnie de deux imposants dobermans et d’une paire de minuscules chihuahuas.
La fois de trop
Cette fois, le face-à-face est fâcheux. La quadragénaire, de nationalité française et sans profession, n’aurait pas retenu son chien. Insultes et coup de poing sont encaissés par l’autre femme, une retraitée monégasque. Au point de l’obliger à recevoir des soins au CHPG et une prescription de dix jours d’ITT, après avoir riposté.
"Depuis cette histoire, a relevé la résidente, ma chienne doberman est devenue incontinente."
Une autre fois, les deux femmes se sont recroisées vers 14 h 40 dans la rue Plati. Aussitôt, la retraitée a craint pour ses chiens quand un des molosses s’est avancé en direction de son petit toutou. Elle pointe du doigt le doberman menaçant pour le repousser. Le geste significatif est apparu irrespectueux à l’autre propriétaire qui a giflé la sexagénaire.
Œil pour œil dent pour dent. L’agressée s’est encore défendue. Mais c’était la fois de trop, avec dépôt de plainte.
"Ce ne sont pas les chiens les prévenus"
Au cours de l’instruction de l’affaire, à trop humaniser les animaux, on a frôlé le ridicule. D’où la précision sèche du président Jérôme Fougeras Lavergnolle (*) : "Ce ne sont pas les chiens qui comparaissent comme prévenus ! » Même le parquet a reconnu la déviance : "On s’est un peu égaré, pour le premier substitut Julien Pronier. Les faits sont simples. Avec des coups portés au visage et à l’épaule, comment la quadragénaire peut-elle se présenter en tant que victime avec deux dobermans qui ont une logique défensive ? Quant à l’autre personne plus âgée, elle a deux petits chiens. Les antécédents judiciaires ne plaident pas pour la première : 1 000 euros d’amende. Pour la seconde : 100 euros."
Au tribunal correctionnel de trancher. Les deux prévenues sont déclarées coupables. La propriétaire des dobermans a été condamnée à 1 000 euros d’amende et au versement de 800 euros à l’autre plaignante. Quant à la retraitée, la sanction est moindre avec une amende de 200 euros et le versement d’1 euro à l’autre partie civile.
Les avocats plaident la légitime défense
C’est aux avocats de plaider à la fois pour la défense et la partie civile. Me Grégoire Gamerdinger est le premier à dégainer des mots durs et à brandir la légitime défense pour la retraitée. "La vidéosurveillance apporte la preuve. Ma cliente fait tout pour éviter l’autre prévenue, bien connue dans le quartier pour porter le trouble. Elle est effrayée par la taille des chiens excités et le comportement de leur maîtresse. En clair, cette dernière avait envie d’entrer en conflit. La gifle est violente et la Monégasque pousse l’épaule de l’agresseuse. Condamnez-la à lui verser une somme de 2 000 € ! C’est inacceptable pour ma cliente de se terrer chez elle afin de ne pas la croiser."
À Me Christophe Ballerio de croiser le fer en dénonçant "les déclarations mensongères de la partie adverse. Il a été mentionné une gifle aux policiers. Or, aucune trace constatée sur le visage ou le bras. Idem pour le médecin ! Pas plus d’élément dans le dossier médical. L’ecchymose ? C’est en repoussant les chiens ! Ma cliente sèmerait la terreur ? Pourtant, la victime a déclaré qu’elle ne lui faisait pas peur. D’ailleurs, quand on craint les chiens, on opère un demi-tour. Ma cliente n’a fait qu’éloigner l’antagoniste pour se protéger. C’est de la légitime défense et l’euro symbolique."
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