Ce que révèle l’enquête sur l’attentat de la basilique Notre-Dame à Nice

Près de trois ans après l’attaque au couteau qui fit trois morts, le 29 octobre 2020 à Nice, le parquet national antiterroriste a rendu un réquisitoire minutieux. Le procès pourrait se tenir dans un an.

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Christophe CIRONE Publié le 18/09/2023 à 07:00, mis à jour le 18/09/2023 à 08:09
La basilique Notre-Dame-de-l’Assomption scrute la perspective d’un procès qui se précise. Photo d’archives Dylan Meiffret

Les attentats qui ont meurtri Nice en plein cœur vont revenir au-devant la scène judiciaire en 2024. On savait déjà que le procès en appel du 14-Juillet se tiendrait au printemps (du 22 avril au 14 juin). Il y a désormais fort à parier que l’attentat de la basilique Notre-Dame soit jugé à l’automne 2024, quatre ans après les faits.

Le 29 octobre 2020 au petit matin, une attaque au couteau fait trois morts dans l’église de l’avenue Jean-Médecin. Nadine Devillers, une fidèle âgée de 60 ans, Simone Barreto Silva, mère de famille, 44 ans, et Vincent Loquès, le sacristain, 54 ans, succombent à leurs terribles blessures. Les policiers municipaux neutralisent l’homme qui s’est élancé vers eux, couteau brandi, au cri de "Allah Akbar".

Brahim A., 21 ans, est grièvement blessé. Tout au long de l’instruction, ce clandestin tunisien niera être le terroriste, assurant ne se souvenir de rien. Cette amnésie supposée sera au cœur des futurs débats. Son parcours, ses relations, ses intentions, sa détention aussi. Sur tous ces points, le parquet national antiterroriste (PNAT) livre un éclairage très argumenté, dans son réquisitoire définitif que Nice-Matin a pu consulter. Une étape importante, peut-être la dernière avant le renvoi aux assises.

Amnésie à géométrie variable?

"Je n’ai rien à dire", "Ce n’est pas moi"... Face au juge d’instruction, Brahim A. mêle amnésie et dénégations. Sur les faits, trou noir. Plausible, conviennent les experts. Lourdement blessé, puis positif au Covid-19, le suspect a subi de lourdes opérations. Mais l’amnésie plus ancienne qu’il revendique laisse les experts incrédules. À tel point qu’elle est qualifiée de "système de défense".

En détention, Brahim A. est placé sur écoute. Et il se montre plus disert avec sa famille. Il s’intéresse aux moyens d’être libéré, voire innocenté. Mais il ne nie pas clairement être le terroriste. Après visionnage des images de vidéosurveillance, il lâche même: "Je suis sur les caméras, tout y est! Tu comprends?" En détention, il se targuerait même de "ce qu’il avait fait".

"Dessein mortifère"

Le procès 13-Novembre, la republication des caricatures de Mahomet par Charlie Hebdo, l’attaque au hachoir devant leurs anciens locaux, l’assassinat de Samuel Paty... L’attentat du 29 octobre 2020 survient dans un contexte hautement inflammable, rappelle le PNAT. Les organisations djihadistes ciblent la France et multiplient les incitations à venger le prophète.

Le 19 septembre, Brahim A. quitte la Tunisie, où il vendait de l’essence au noir, pour la Sicile. Puis il quitte l’Italie le 26 octobre, direction Nice. En chemin, il partage quelques confidences troublantes. Il se rend dans le pays "des mécréants et des chiens", lâche-t-il à un contact. La veille de l’attentat, il confie à un autre: "J’ai un autre programme dans ma tête, que Dieu le facilite." Le PNAT souligne la "détermination" d’un "dessein mortifère".

Pas de complice identifié

En l’espace de deux ans, Brahim A. est passé d’une "vie dissolue" à "un rachat par le rigorisme et l’ascétisme". Cet ancien buveur d’alcool et fumeur de shit baigne dans un environnement salafiste, fréquente des relations connues des services antiterroristes. Pour autant, "il n’a pas été établi d’incitation, de la part d’un tiers, à passer à l’action terroriste, ni d’assistance opérationnelle consciente à son passage à l’acte", conclut le parquet.

Brahim A. avait été mis en examen pour "assassinats et tentatives d’assassinats en relation avec une entreprise terroriste". Mais aussi "association de malfaiteurs terroristes". Une qualification pour laquelle le parquet requiert le non-lieu, au terme d’investigations très poussées, menées jusqu’en Italie et en Tunisie.

Un parcours carcéral chaotique

Si la justice a enquêté sur l’avant-attentat, l’après l’intéresse aussi. En France, Brahim A. connaît un parcours carcéral chaotique, rythmé par les transferts entre centres pénitentiaires. Il multiplie les incidents, refuse d’obtempérer, dissimule des objets contondants, et se retrouve impliqué dans un projet d’agression de surveillants avec deux codétenus radicalisés.

Le CV de certaines relations carcérales intrigue, voire inquiète. Certains ont été mis en cause dans les attentats du 13-Novembre, un projet déjoué, ou l’assassinat de Samuel Paty. C’est le cas d’Abdelhakim S., qui vient d’être renvoyé aux assises. Selon lui, Brahim A. se serait targué d’avoir accompli une "œuvre". Il le décrit comme un "taré", dont les propos relèvent du "néant absolu".

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