Qui croire? Qui affabule? Le 19 février 2018, vers 17 heures, un ressortissant comorien aurait posé sa main sur la cuisse d’une lycéenne au cours d’un trajet en bus sur la ligne 2 de la CAM.
A-t-il effectué un mouvement trop osé? A-t-il été maladroit et aurait donc dû prendre la précaution de s’excuser?
Le geste produisait en tout cas une sensation désagréable à la jeune fille. Le lendemain, la victime déposait plainte à la Sûreté publique. Une enquête suivait… Et l’affaire d’attouchement vient d’aboutir sur la table du tribunal correctionnel.
À la barre, le prévenu, plongeur dans un restaurant et résidant à Cap-d’Ail, a contesté les faits. Ce serait un mensonge délibéré de la part d’une présumée victime sur une infraction qui n’a jamais eu lieu.
L’allégation serait purement imaginaire. Peut-être, faite sciemment dans le but de tromper. Ou encore involontairement parce que la plaignante a eu la certitude de la recherche d’un attrait physique. Avant de faire une analyse plus poussée de la situation, le président Jérôme Fougeras Lavergnolle a rappelé la déposition de la demanderesse.
"C’est peut-être une autre personne"
"Montée à la sortie du lycée sur le Rocher dans le car desservant le Jardin Exotique, un homme s’est levé à l’arrêt de la place d’Armes pour venir vers moi. J’ai senti un mouvement de caresse entre les stations du Port et de la Crémaillère où il est descendu…"
"Vous avez bien pris le bus ce jour-là, poursuit le magistrat. Le chauffeur en est témoin et le lecteur de carte a détecté vos mouvements. Pourquoi réfutez-vous les faits?"
Pour le Comorien cela est impossible. "Ce jour-là, je ne travaillais pas et je n’ai pas utilisé les transports en commun. J’avais également perdu ma carte auparavant et on a dû m’en faire un duplicata. C’est peut-être une autre personne qui a trouvé mon titre de transport et s’en est servie…"
"Vous envoyez des bises envers des jeunes filles"
Le président trouve l’explication "facile après coup pour se disculper. La carte a bien borné le jour des faits. D’autre part, le 20 mars, dans un local proche du Musée océanographique, une vidéo vous montre au moment où vous envoyez des bises envers des jeunes filles…"
L’intéressé reconnaît ces gestes: "C’est uniquement par sympathie. Je ne pensais pas qu’un tel comportement pouvait prêter à confusion. Il n’y avait rien d’offensant… À ce jour, j’ai été seulement condamné pour conduites en état d’ivresse et sans permis…"
Le premier substitut, Olivier Zamphiroff, ne semble pas avoir le sentiment qu’on essaie d’éluder le problème. "L’expertise psychiatrique a démontré que le prévenu a toute sa raison. Or, il nie les faits d’attouchements. Ce qui me gêne, c’est l’absence de la partie civile. Vous êtes en mesure de demander un supplément d’information. Subsidiairement, ce serait une relaxe. Quant à l’envoi de bisous, c’est une conduite inadaptée, mais en rien un outrage à la pudeur."
"Il ne peut plus exercer d’activité à Monaco"
Dans sa plaidoirie, Me Clyde Billaud va beaucoup plus loin pour blanchir son client. "Quand la jeune fille a reconnu d’après photo son agresseur, il ne correspond pas à la personne qui est devant vous. Et même si elle déclare des similitudes de traits avec celui qui l’a importunée, ce sont ses copines qui lui ont décrit l’odieux personnage. Aucun élément ne confirme la présence du prévenu dans le bus. Retenez que cet homme ne descend jamais à la Crémaillère. Il s’arrête à la place d’Armes pour prendre la navette du littoral afin de rejoindre son domicile. Enfin, envoyer des bises n’est pas un acte impudique. Arrêtez le calvaire de mon client. À cause de cette affaire, la direction de l’Emploi a refusé de lui délivrer un permis de travail. Il ne peut plus exercer d’activité rétribuée à Monaco…"
Le tribunal a prononcé la relaxe pour les baisers comme pour les attouchements, où le doute a bénéficié au prévenu.
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