A 77 ans, il téléchargeait des fichiers pédopornographiques

Un retraité de l'Éducation nationale, ancien directeur d'école pourtant au-dessus de tout soupçon, a comparu mardi après-midi devant le tribunal correctionnel de Monaco.

JEAN-MARIE FIORUCCI Publié le 09/02/2017 à 08:26, mis à jour le 09/02/2017 à 05:09
Le tribunal de Monaco. Photo Cyril Dodergny

La justice lui reproche d'avoir téléchargé depuis son domicile du Jardin Exotique, entre le 20 et le 22 mars 2015, onze fichiers à caractère pédopornographique, mettant de jeunes enfants en scène et stockés sur son ordinateur portable.

Les juges ont condamné cet ex-enseignant français à une peine de dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis et son matériel informatique a été confisqué.

Interpellé le 22 septembre

Ce n'est pas un secret. Les policiers monégasques traquent la cybercriminalité à l'aide d'un logiciel qui surveille les adresses IP (internet protocol) connectées aux sites spécialisés dans les agressions sexuelles sur mineurs. Le 12 avril 2015, l'application alerte sur les dérives d'un internaute. Ils font vite la relation avec le prévenu.

Comme ce septuagénaire était parti entre-temps dans sa résidence secondaire de la région parisienne, les agents l'interpellent le 22 septembre. Dans un premier temps, ils relèvent son ADN pour la comparer aux empreintes répertoriées dans les fichiers Interpol. Aucune concordance !

Des images insoutenables

L'expertise de l'ordinateur et du disque dur révélera, en revanche, la reconfiguration, en juin 2015, des outils informatiques et la présence d'images pédophiles insoutenables avec des fillettes de sept à douze ans.

En garde à vue, le retraité, sans aucun antécédent judiciaire, a reconnu avoir téléchargé ces fichiers pour son compte personnel, une fois à Monaco et deux fois en France.

«Comment êtes-vous arrivé à commettre de tels actes?», demande le président Jérôme Fougeras Lavergnolle, en ne perdant pas de vue que l'homme, à la barre, cheveux poivre et sel, avait un métier en rapport avec l'enfance.

«Quatre ans auparavant j'ai voulu télécharger des films, comme Les Culottes rouges, avec Laurent Terzieff, introuvable dans le commerce. Des amis m'ont conseillé de le rechercher avec Emule [site de téléchargement, ndlr]. Or, des images pédopornographiques se sont ajoutées incidemment. Je les ai regardées… Mais je ne prenais pas de plaisir. Je consultais pour entamer une démarche scientifique. Je me sentais investi d'une mission: préparer une thèse sur la sécurité des enfants et leur évolution…»

Marié et père d'une fille

Sceptique, le magistrat veut une réponse plus franche. «Pourtant, vous êtes marié et père d'une grande fille. Vous avez été responsable d'un établissement scolaire. Vous faisiez tout en cachette. Dans quel but avez-vous continué? Pour déboucher sur quelles intentions?»

Le retraité, pas très à l'aise, est bel et bien forcé de s'expliquer. «J'ai cédé à la curiosité. Je voulais savoir comment et pourquoi les enfants étaient exploités de cette manière. Comprendre le ressenti de ces gamins manipulés, dressés, et le comportement monstrueux des adultes. J'effaçais après chaque visualisation pour éviter de saturer le disque dur…»

Onze fichiers téléchargés en deux jours

Le président repart à la charge: «Et à Monaco, onze fichiers en deux jours, pour quelle raison? D'autant que vous rendiez ces images accessibles en les téléchargeant sur des plateformes de «peer-to-peer» qui permettent des échanges de fichiers sur Internet.»

Là aussi, les images sont apparues automatiquement, «dès que j'ai affiché la recherche, soutient le prévenu dont le physique banal ne trahit en aucune manière ses penchants très particuliers. Devant ces horreurs, j'ai tout désinstallé et plus jamais j'ai procédé à d'autres téléchargements…»

Quant aux séries de photos de fillettes en maillot de bain, «c'est aussi un pur hasard. Je cherchais des clichés illustrant la nature… J'ai eu tort! Je le regrette! Je me suis raisonné devant l'atrocité de ma démarche.»

Ces déclarations mettent en courroux le procureur Alexia Brianti. «Soit Monsieur se moque de nous, soit il y a une remise en question de ses intentions. C'est inquiétant, étonnant d'entendre de telles explications: tout a été fait par hasard alors qu'il voulait se documenter sur les dérives de la société. Pas la peine de visionner vingt et un fichiers pour en saisir l'horreur de l'exploitation sexuelle des enfants. C'est grave également de déclarer qu'ils étaient consentants de subir de telles atrocités! Il faut une peine adaptée: deux ans de prison avec sursis.»

Me Christophe Ballerio s'insurgera contre les déclarations de la représentante du parquet général. «Mon client n'a jamais varié et n'a pas tenté de passer à travers les mailles du filet. Comment peut-il se moquer du tribunal? A-t-il tort de dire la vérité? Sa curiosité est malsaine, mais il faisait des recherches précises. Il a tout arrêté depuis deux ans. Alors la peine est disproportionnée… »

Le tribunal aura entendu le message et ramènera à dix-huit mois les réquisitions du ministère public.

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