Il se faisait passer pour un policier pour violer des prostituées à Cannes: les assises ont rendu leur verdict
Un faux policier violait des prostituées à Cannes. Mourad Jeridi, 36 ans, a été condamné ce jeudi soir par la Cour d’assises des Alpes-Maritimes, à Nice, à 18 ans de réclusion.
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Christophe PerrinPublié le 19/09/2023 à 06:45, mis à jour le 19/09/2023 à 12:19
Me Sophie Jonquet, avocate de l’une des victimes, et Me Seguin, qui avait la lourde tâche de défendre Mourad Jeridi.
Photos C. P.
"Je n’ai jamais été un violeur. Je déteste ça", répète depuis trois jours Mourad Jeridi, 36 ans, accusé de s’être présenté comme un policier pour mieux abuser de cinq escort-girls à Cannes et Mougins. La plupart étaient des étudiantes qui se livraient, de manière occasionnelle, à la prostitution. Face à ses dénégations, la présidente Catherine Bonnici a détaillé au fil des débats cinq récits aussi accablants que convergents.
Ashley, Alexia, Louise et Lucie (1) ne se connaissaient pas. Entre 2015 et 2019, elles ont eu pour client un homme qui avait placé dans sa boîte à gants un gyrophare, des menottes et un pistolet. Il se présentait comme un policier et les menaçait de poursuites s’il n’obtenait pas de faveurs sexuelles.
À quatre de ces plaignantes, il faut ajouter le cas, à part, de Marine. Mourad Jeridi présente cette dernière comme sa "maîtresse" qui agirait par vengeance et jalousie, au point de dénoncer des faits de proxénétisme pour lesquels il n’a pas été poursuivi.
Un faux policier violait des prostituées à Cannes. Mourad Jeridi, 36 ans, a été condamné ce jeudi soir par la Cour d’assises des Alpes-Maritimes, à Nice, à 18 ans de réclusion.Photo AFP.
"Ce sont des menteuses, ces cinq victimes?", questionne l’avocat général Anthony Carello. "Oui", répond l’accusé, imperturbable, micro en main. Au moment du réquisitoire, hier après-midi, le magistrat souligne "la vulnérabilité" de ces femmes, âgées de 19 à 23 ans, "proies fragiles", terrorisées à l’idée de se retrouver en garde à vue ou que leur activité secrète et tarifée soit révélée au grand jour par leur agresseur. Deux d’entre elles ont eu le courage de pousser la porte du commissariat. "Elles ont fait le premier pas. L’institution, malheureusement, n’a pas suivi", reconnaît, en forme de mea culpa, le magistrat du parquet de Grasse. Deux plaintes ont été trop rapidement classées. Or, depuis 2016, le législateur estime que le viol d’une prostituée est une circonstance aggravante.
"C’est un beau parleur", "un menteur", "un égoïste qui a pris du plaisir en détruisant cinq personnes", tance l’avocat général Carello, qui requiert la peine maximale prévue par le Code pénal: vingt ans de réclusion dont deux tiers incompressibles.
"En écoutant M. l’avocat général, j’ai cru avoir Guy Georges ou Fourniret derrière moi!", s’exclame Me Marie Seguin. "L’une des plaignantes appelle la police non pour dénoncer un viol mais pour dénoncer un policier véreux à Cannes. Ce n’est pas rien pour une femme de faire ce distinguo. Une autre parle de chantage, pas de viol quand elle se rend au commissariat."
Me Seguin se plaint également d’un appel à témoins lancé dans la presse par les enquêteurs. Cela constitue, selon la défense, "une violation du secret de l’instruction., une atteinte à la sérénité de la procédure". Même si elle admet que son client peut apparaître comme "un sale type", la pénaliste niçoise s’efforce de le remettre à sa place dans la hiérarchie des criminels. "Ce soi-disant violeur utilise son téléphone, sa voiture avec son immatriculation quand il se rend aux rendez-vous avec des escort-girls."
Me Yassine Maharsi prend le relais en défense avec la même énergie. Il bombarde la cour et les jurés de questions à la fois pour dénoncer les carences de l’enquête et souligner les doutes qui l’assaillent en tant que professionnel du droit. "Si M. Jeridi avait payé ces prostituées, serions-nous-là? Je vous laisse réfléchir", lance-t-il à des jurés bousculés.
"Le nombre fait la force, pas la vérité"
L’accusation n’a pas manqué d’insister sur les cinq plaignantes aux récits quasi-similaires. "C’est la parole de l’un contre la parole de cinq. Si vous voulez accuser sans preuve, accuser à plusieurs, plaide, provocateur, le défenseur. Le nombre fait la force, pas la vérité." L’avocat parisien estime que "vingt ans, ce n’est pas une peine mais une punition". Il conclut avec un conseil: "Si vous avez un doute, acquittez-le."
Le verdict tombe aux alentours de 23h30: 18 ans de réclusion, sans peine de sûreté.
"La femme n’est pas un objet"
Trois avocats ont pris la parole hier au nom des victimes. Deux se sont constituées parties civiles.
Me Sophie Jonquet: "Y a-t-il une culture du viol dans ce pays ? Les chiffres sont stupéfiants. 17% des hommes pensent qu’une femme qui dit non, dit oui en réalité ! 42% des sondés estiment qu’une attitude provocante atténue la responsabilité de l’agresseur. C’est de la responsabilité de cette cour d’assises de dire que la femme n’est pas un objet. Si Marine avait été crue en 2015, il n’y aurait peut-être pas eu d’autres victimes."
Me Alexandre Thirion: "M. Jeridi nous dit, "Je suis un escroc, comment se fait-il que je me retrouve devant vous pour quelques centaines d’euros?" Sa position et ses propos sont insupportables. Marine est la première victime dans ce dossier. Quatre autres suivront avec le même profil, les mêmes fragilités, le même passé douloureux et une part de naïveté."
Me Guillaume Natali: "Je porte la parole d’une femme de 19 ans victime du viol le plus abject, qui a dû se justifier, expliquer en détail, voire se mettre à la place de l’accusé. C’est un calvaire, encore plus quand on est une prostituée. Ma cliente dépose plainte en 2017 et on classe sans suite. Je porte la parole aussi de toutes les autres, celles qui se taisent encore."
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