"Le but est de toucher les malfaiteurs au portefeuille": de plus en plus d’avoirs criminels confisqués sur la Côte d’Azur

La confiscation des avoirs criminels a été multipliée par dix en trois ans au tribunal judiciaire de Nice. A la manœuvre : l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués.

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Propos recueillis par CHRISTOPHE PERRIN Publié le 25/09/2023 à 08:45, mis à jour le 24/09/2023 à 18:29
Le château de la Garoupe à Antibes, confisqué par la justice, est à vendre depuis le mois de juin. Crédit photo (Web uniquement)

Installée dans un immeuble de la direction générale des finances publiques, la jeune et très discrète Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc) de Marseille, créée en 2021, commence à démontrer son savoir-faire quand il s’agit de frapper au portefeuille des malfaiteurs. De la villa d’un oligarque à Saint-Jean-Cap-Ferrat au sac de luxe d’un dealer de quartier, de la voiture de sport d’un narcotrafiquant niçois aux parts de sociétés d’un escroc de haut vol, ce sont des millions d’euros bien mal acquis qui sont ainsi récupérés par l’État chaque année. La magistrate Audrey Jouaneton, coordonnatrice des antennes régionales de la zone Sud (Marseille-Lyon-Bordeaux, soit 82 personnes), dévoile les prometteurs résultats du parquet de Nice en la matière. Tout en étant persuadée que la marge de progression est immense partout en France.

771 millions d’avoirs criminels ont été saisis en 2022 en France. Comment se situe le tribunal judiciaire de Nice?

En 2020, Nice avait saisi 14 millions d’euros, tous confondus (assurance-vie, comptes bancaires, biens immobiliers, parts de sociétés…), soit 426 biens. En 2021, notamment grâce à la coopération avec l’Italie et Monaco pour lesquelles certaines saisies ont été réalisées, Nice est montée à 36 millions. En 2022, en grande partie grâce à neuf biens immobiliers sur les 936 biens saisis, Nice atteint les 22 millions. Et les résultats en 2023 devraient être excellents. Le parquet de Nice s’est emparé du dispositif régional et a compris, sous l’impulsion de Xavier Bonhomme et de Jean-Philippe Navarre qu’il y avait un terreau particulier avec l’implantation de réseaux russophones, la proximité de l’Italie…. Je ne doute pas que Damien Martinelli, le nouveau procureur de la République de Nice, qui a une parfaite connaissance de la criminalité organisée du sud de la France, poursuivra en ce sens.

La saisie est une sorte de gel des avoirs au stade de l’enquête encore faut-il qu’elle se transforme en confiscation.

La saisie c’est bien, la confiscation c’est mieux. Sachant qu’il y a un grand décalage entre la saisie et la confiscation. Décalage lié au temps de l’enquête, de l’examen des voies de recours et enfin du jugement définitif. Sur le compte de dépôt et consignation de l’Agrasc il y a près de 2 milliards d’euros. 175 millions ont été reversés dans les caisses de l’État en 2022. On espère que 2023 sera une année record.

En 2021, nous sommes passés à 2,6 millions, en 2022 à 3.378.000 euros

En 2020, dans les Alpes-Maritimes, nous étions à 362.000 euros de confiscation. En 2021, nous sommes passés à 2,6 millions, en 2022 à 3.378.000 euros. Les résultats ont donc été multipliés par dix en trois et des chiffres spectaculaires dans ce département sont encore à venir surtout si le château de la Garoupe à Antibes est vendu. Il a été saisi il y a vingt ans à Boris Berezowski, un oligarque. La propriété est en vente depuis juin.

Pourquoi la création d’antennes régionales de l’Agrasc?

Marseille et Lyon, en 2021, ont été expérimentales. Ce fut une réussite. Chaque Juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) a désormais une antenne de l’Agrasc. Il y a une sorte de continuum entre la criminalité organisée et la confiscation des biens mal acquis. Nous sommes face à une délinquance acquisitive, qui accumule les richesses. Au-delà de l’emprisonnement, le but est de toucher les malfaiteurs au portefeuille.

Le but est d’apporter au plus près des juridictions un soutien, une formation, une assistance à toute la chaîne pénale: greffiers, juges d’instruction, parquetiers, enquêteurs… On peut aussi proposer nos services avant une phase opérationnelle avec une stratégie d’identification du patrimoine, un tri dans les saisies… On met également de l’huile dans les rouages en facilitant la mise à exécution des décisions de confiscation pour faciliter l’attribution de voitures à des services de police ou de gendarmerie.

La France était en retard en matière de confiscation.

l’Italie a servi de modèle. Dans le cadre de la lutte antimafias, elle a mis en place une législation très offensive notamment après les assassinats des juges Falcone et Borselino.

Plus vous confisquez en France, plus les flux financiers vont vers l’étranger, notamment via les cryptomonnaies.

Ce sont des difficultés auxquelles nous nous heurtons avec des états comme l’Algérie, les Émirats arabes unis… pour ne citer qu’eux, qui sont peu ou pas coopératifs. Il y a Dubaï qui accepte les cryptomonnaies qui sont de formidables outils de blanchiment!

C’est pourquoi nous avons d’ailleurs un département à l’Agrasc spécialisé dans les cryptomonnaies. Nous avons tout de même des outils puissants à notre disposition comme la confiscation intégrale du patrimoine en matière de criminalité organisée. Nous sommes leader européen en la matière. Nous avons aussi les saisies en valeur. Un exemple: le produit de l’infraction est chiffré à 80.000 euros. On ne peut saisir sur les comptes alors, après évaluation du patrimoine, nous saisirons l’équivalent de 80.000 euros.

Dans le cas où les saisies sont annulées, comment faites-vous?

On restitue, en vérifiant au préalable d’apurer les dettes fiscales et sociales s’il y en a.

Un immeuble confisqué à un marchand de sommeil sera réhabilité en logements sociaux dans le Nord. Des exemples dans le Sud?

La villa d’un trafiquant de drogue à Marseille a été affectée à une association d’aide aux victimes, une autre a été donnée à une association d’accueil des femmes battues. Je trouve que c’est un beau message que cette réaffectation sociale des biens confisqués.

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