De Bray-Dunes à Menton, le défi relevé par Ermanno
Parti mi-mai de la commune la plus septentrionale de France, Ermanno di Miceli est arrivé mardi dans la cité des citrons. Après avoir couru un marathon et demi par jour au profit de deux associations.
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Alice RousselotPublié le 14/06/2023 à 22:03, mis à jour le 14/06/2023 à 18:57
Parti mi-mai de Bray-Dunes, Ermanno di Miceli a retrouvé son épouse et ses quatre enfants à Menton, mardi, au terme d’un défi aussi fou que solidaire.Jean François Ottonello / Nice Matin
Pour qui aime les jeux de mots cachés, le nom du site Internet consacré au défi d’Ermanno di Miceli en disait déjà long. Agrippa.me pouvant être compris "agrippe-moi". Ou, pour les amateurs de Spielberg, attrape-moi si tu peux. Il faut dire que l’athlète, parti mi-mai de Bray-Dunes dans l’idée de rallier Menton en un mois, à la force des jambes, est allé vite. Très vite. Au point d’arriver en avance au rendez-vous de l’échéance. On l’aura ainsi vu dépasser la plage du marché à 12h40, mardi. Bien avant que le campanin ne sonne deux coups, mais à temps pour parcourir les derniers mètres jusqu’aux Sablettes avec son épouse et ses quatre enfants réunis. Étonnamment frais comme un gardon après avoir avalé 1.450 kilomètres – soit un marathon et demi par jour – au rythme fou de 11 à 12km/h, en moyenne.
Ce projet "sportif, solitaire et solidaire", le recruteur en technologies de l’information explique l’avoir imaginé en septembre 2020. Juste après avoir terminé la lecture d’un livre inspirant sur bien des points: L’Ultra marathon m’a sauvé, de Rich Roll.
"C’est un ancien très bon nageur qui, à la quarantaine, a repris le sport après une période d’alcoolisme. Il a tout de suite voulu aller vers de l’endurance extrême, et a enchaîné cinq Ironman. Quand j’ai fermé ce livre, j’ai eu envie de faire un défi fou – même si je ne savais pas encore lequel." Seule certitude à l’époque: celle de vouloir soutenir deux associations chères à son cœur – entre autres parce qu’il connaît leurs fondateurs. Imagine for Margo, qui lutte contre le cancer des enfants. Et Une Bouteille à la mer, qui éveille les consciences par l’image et le sport sur les conséquences environnementales liées à la production des déchets.
Sur les traces de la Via Agrippa
Ermanno di Miceli a couru l’équivalent d’un marathon et demi tous les jours pendant un mois.Photo Jean François Ottonello.
Franco-italien installé au Luxembourg depuis quinze ans, Ermanno souligne que relier le Benelux à l’Italie en passant par la France avait un sens. Surtout quand il existe la mémoire d’une ancienne voie romaine – la via Agrippa – empruntant ce tracé. "Elle reliait Boulogne-sur-Mer à Rome. Sa particularité, c’est qu’elle avait peu de dénivelés pour que les carrioles puissent y passer. Il n’y a plus beaucoup de traces de cette voie, sinon la table Peutinger référençant les villes. Nous avons dû jouer avec, vu qu’une portion est aujourd’hui couverte par l’A8. Mais les Romains avaient bien fait les choses, on retrouve à peu près la même distance entre chaque étape", explique Ermanno. Qui a, sur cette base, dessiné son propre parcours grâce aux calculs d’itinéraire numériques, et à des outils de guidage fournis avec sa montre. Parcourant environ 60 kilomètres chaque jour.
La préparation? Elle s’est faite en deux fois. "D’abord un peu tout seul. Mais je n’ai pas eu l’assentiment de gens à qui j’avais demandé de m’accompagner. J’ai fait des erreurs, et ça a abouti à une fracture de fatigue. J’ai donc pris le temps de réparer. Et fin août de l’an dernier, j’ai repris à zéro avec mon entraîneur. On est partis sur 37 semaines de préparation", résume Ermanno. Précisant avoir établi une routine avec son coach, Paul Sardain: réveil à 6h, petit-déjeuner, ravitaillement tous les 8/10 kilomètres, pause midi, sieste, nage le soir si possible… "Je crois que ça m’a aidé à tenir le coup. C’est minuté, mais ça donne des repères. Ça permet de regarder devant sans non plus sortir du défi." L’athlète n’aura eu à dormir qu’une nuit dans un van, grâce aux hôtels et gîtes qui, contactés par son épouse Tina, lui ont offert un doux sommeil.
Tout n’a pas été simple et fluide pour autant. Et Ermanno indique avoir ressenti un problème au tendon d’Achille dès le troisième jour. "Depuis une dizaine d’années, je cours sur l’avant du pied. J’ai dû réapprendre à le faire sur les talons. J’ai gardé des bandes de taping jusqu’à dimanche. Sur le parcours, j’ai par ailleurs réussi à booker des rendez-vous avec des kinés. Le premier m’a permis de récupérer, le deuxième de confirmer les premiers traitements, et le troisième, à Salon de Provence, m’a guéri."
"Trouver mes limites"
Maintenant que son aventure est terminée, l’athlète entend continuer à lever des fonds pour les deux associations qu’il soutient.Photo Jean François Ottonello.
Que retient-il de sa traversée de la France? Beaucoup d’échanges et de partages. De beaux clochers qu’il a pris en photos tout le long de l’aventure. Mais aussi un détail étonnant: "J’ai parcouru presque 1.500 kilomètres sans avoir vu le temps passer. Je serais incapable de retracer chaque étape. J’avais déjà pas mal vadrouillé dans le pays, mais en voiture ce n’est pas la même façon de voyager. À chaque fin d’étape, il y avait là une joie de flâner, de découvrir des monuments… Je retiens aussi que même si la via Agrippa est supposément plate, la France est vallonnée." Sur le plan personnel également, Ermanno a beaucoup appris. Lui à qui certains avaient prédit l’échec et le ridicule a démenti les malsains pronostics. La base, en coaching personnel, étant de ne pas écouter les gens. Y compris les proches quand ils ne comprennent pas l’intérêt de tels défis. Intimes par nature. "À un moment, je me suis fatigué de ne pas me donner au maximum dans les compétitions. Pendant les épreuves, on a l’impression qu’on n’y arrivera jamais. Mais quand on arrive, il reste le sentiment qu’on en avait encore sous la chaussure. Alors j’ai voulu aller au bout de moi-même pour trouver mes limites", résume Ermanno. Ravi de pouvoir paraphraser son ami Nico, animateur du Let’s trail podcast: "Si vous pensez que c’est impossible, faites-le pour prouver que vous avez tort."
Du sable de Bray-Dunes à la frontière italienne
Rétrospectivement, le sportif estime que le passage le plus difficile était – sans conteste – le Morvan. Car les paysages ont beau y être superbes, le tracé s’apparente à une succession de montées et descentes épuisantes. Ses étapes préférées, à l’inverse? La Côte d’Azur à partir du Castellet, assure-t-il. Prenant dans la main un petit bac à glace rempli de sable de Bray-Dunes, destiné à être déposé à la frontière italienne toute proche pour sceller la fin de son défi.
À court terme, Ermanno entend continuer à lever des fonds pour les deux associations soutenues, avec l’objectif de récolter 10.000 euros sur la collecte globale. Et "rendre du temps" à sa famille, ses amis, son patron. En bref, "reprendre une activité normale", comme diraient les Guignols. À plus long terme, rien n’est moins sûr. "Avant le départ, je me disais une fois, pas deux. Mais comme j’arrive en forme, pas blessé, j’ai envie de mettre la barre plus haut. Alors on verra…"
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