Pour l'architecte Rudy Ricciotti, "Monaco a une gestion intelligente de la densité"

L'architecte star Rudy Ricciotti, invité par la Fondation Prince Pierre à parler de son métier, livre ses états d'âme de créateur. Et sa vision de la Principauté et des projets qu'il crée pour le pays

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PROPOS RECUEILLIS PAR CEDRIC VERANY Publié le 02/05/2017 à 05:05, mis à jour le 02/05/2017 à 11:22
Auteur de nombreux bâtiments contemporains salués pour leur esthétisme dans le monde, l'architecte établi à Bandol brille dans son domaine. Photo Dominique Leriche

Il a la réputation de dire ce qu'il pense. Et ne pas mâcher ses mots distillés par son accent à l'arôme pagnolesque. Invité par la Fondation Prince Pierre pour parler de son métier au Pavillon Bosio, le loup Ricciotti a été doux comme un agneau pour se confier sur son processus de création d'architecte qui a fait de lui une des stars internationales dans son domaine. Parmi ses réalisations phares dans le monde : le Mucem à Marseille, le stade Jean-Bouin à Paris, la Philharmonie de Potsdam, la passerelle de la paix à Séoul et le musée Cocteau de Menton. En attendant des projets qu'il mûrit pour la Principauté…

Vous avez déclaré plusieurs fois que vous ne preniez pas de plaisir dans votre travail, on a du mal à vous croire?
Je suis un grand menteur (rires). Je dis que je ne prends pas de plaisir, car je suis un architecte anxieux. Je ne célèbre pas la création comme un acte d’extase philosophique. Pour moi la création est un combat critique, politique face à l’adversité des signes. C’est un territoire dans la difficulté. Le plaisir est dans cette jouissance à tenir la difficulté et à la faire parler. Lui dire «je vais arriver à te faire la peau toi la difficulté». J’exerce ce métier avec une sensibilité paranoïde et un instinct psychopathe. Il faut passer à l’acte, savoir faire et transformer. Et là commence le rêve.

Ce métier oscille entre la solitude de la création et l’étape de construction où vous êtes chef d’orchestre d’immenses chantiers. C’est assez schizophrène?
En effet, c’est un métier qui se fait dans l’effort, pas dans la facilité. Il faut trouver un équilibre entre l’usage, la forme, le contexte. Il faut faire parler les territoires. Les projets dont nous architectes, avons la responsabilité doivent métamorphoser le réel pour en révéler la dimension poétique, l’épaisseur physique. Il faut faire parler les choses. L’architecte n’est pas comme un peintre qui prend du plaisir avec un chapeau et un chevalet dans un champ de lavande. Même si, la peinture est un exercice difficile.

Le peintre a la possibilité de détruire facilement sa toile. Avez-vous parfois été insatisfait de certaines de vos réalisations au point de vouloir les détruire?
Je n’ai jamais le sentiment de m’être trompé. Mais dans un projet achevé, je n’y vois que des défauts. Je ne veux plus y mettre les pieds car je ne vois que ce qui ne va pas. Je finis par oublier ce qui est bien. Heureusement que j’ai la gentillesse du public ensuite, qui me dit : c’est formidable.
Votre carrière est jalonnée de créations de bâtiments culturels. Ce sont ces réalisations qui vous inspirent principalement?
On ne choisit pas sa carrière, on la fabrique malgré nous. Certains architectes construisent des prisons, ce sont des gens très sobres, humbles. Faire des salles de spectacles, des musées, c’est un privilège.

Vous dites qu’on ne choisit pas sa carrière. Avec votre renommée, on imagine que vous pouvez choisir les projets qui vous intéressent?
Non, je ne sélectionne pas mes clients. Je ne l’ai jamais fait et encore moins pour de l’argent. J’ai fait des villas pour des gens humbles. Mes projets ne sont pas grandiloquents avec des délires financiers. Je n’ai pas ce snobisme de choisir mes clients. Ce sont eux qui me choisissent.

La question environnement, exponentielle ces dernières années, a-t-elle influencé votre manière de travailler?
J’accorde une importance critique à ces sujets sans passer par la case du consumérisme et de la surenchère environnementale. J’essaye de faire des bâtiments qui travaillent avec des ressources de proximité. Notamment le béton qui est un matériau de proximité, avec une chaîne courte de fourniture et des maçons qui participent à la cohésion économique et sociale. Et ne pas faire du bling-bling avec des choses qui viennent d’Inde ou de Chine.

En signant le livre d’or du Pavillon Bosio, vous qualifiez Monaco de ville libre architecturalement. Que vous inspire-t-elle?
Monaco est une ville qui a une gestion intelligente de la densité sur une trame urbaine du XIXe siècle. Évidemment, les tours font de l’ombre l’une sur l’autre. Mais il y a un partage de l’espace et une fluidité transversale incroyable, notamment avec tous ces ascenseurs qui permettent de circuler rapidement à pied.

Précisément, vous êtes en train de réfléchir à un projet d’entrée de ville au Jardin exotique, quels contours aura-t-il?
C’est moi qui, en effet, ai déplacé toutes les serres du Jardin exotique.
Ce monument de serres, tout en verre et en pierres qui la nuit sera éclairé, je le trouve très beau et bien intégré. Le tout sera connecté, avec une ou deux passerelles qu’on imagine, notamment vers la villa Paloma.

Vous avez également dessiné le projet immobilier porté par le groupe Caroli, sous le fort Antoine. Souhaitez-vous le voir se réaliser?
Ce serait certainement le plus beau musée que j’aurais eu à réaliser, avec la responsabilité écrasante de le faire sur le front de mer. Il est exceptionnel, il ressemble à une raie manta en béton blanc posée le long des quais. Le musée sera financé par le programme immobilier voisin. L’immeuble ne me pose pas de problème. Il est plaqué contre le fort, il a été réduit d’un étage. Je crois qu’il faut donner aux architectes les moyens de créer. C’est ce que m’a permis Antonio Caroli. Je n’ai eu aucune contrainte financière pour imaginer ce projet. Pour moi c’est un seigneur, le client idéal.

Quid de son esthétique?
C’est un programme de très grand luxe, inscrit dans l’histoire immobilière de Monaco. Au prix où sont les appartements, la moindre des choses est que l’on fasse de beaux immeubles. C’est un peu ce qui manque dans les constructions passées en Principauté. A des prix luxe, l’immobilier ne l’était pas. Il n’y a pas eu de patrimonialisation. Je crois qu’à Monaco aujourd’hui il faut cesser de détruire les vieux palais et faire que les immeubles qui se construisent soient de prestige. Si à Monaco, on n’a pas les moyens de faire cela, où d’autre dans le monde?

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