Loyers trop chers, logements sociaux insuffisants… L'unité urbaine Menton-Monaco pointée du doigt par la Fondation Abbé Pierre

Dans son rapport régional sur le logement, la fondation Abbé Pierre épingle l’unité urbaine Menton-Monaco comme l’endroit où l’on accède le moins au logement social en France.

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Margaux Boscagli Publié le 08/10/2021 à 14:30, mis à jour le 08/10/2021 à 13:48
Malgré ses récentes constructions, la ville de Menton est toujours carencée en logements sociaux cette année. Jean-François Ottonello

Loyers trop chers, logements sociaux insuffisants… Le dernier rapport sur le mal-logement de la fondation Abbé Pierre, dévoilé jeudi dernier, tire la sonnette d’alarme quant à la situation en Provence-Alpes-Côte-d’Azur.

Dans les Alpes-Maritimes, l’unité urbaine Menton-Monaco (L’unité urbaine de Menton-Monaco (partie française) comprend 9 communes: Menton (siège), Beausoleil, Cap-d’Ail, Castellar, Èze, Gorbio, Roquebrune-Cap-Martin, Sainte-Agnès et La Turbie. Soit 68.781 habitants selon le dernier recensement de 2014., ndlr) apparaît comme l’unes des agglomérations où l’accès au logement social est le plus difficile en France. Florent Houdmon, directeur régional de la fondation Abbé Pierre, livre son éclairage.

Quelle est la problématique constatée dans le département, et sur le bassin mentonnais plus précisément?
Dans les Alpes-Maritimes, le taux de pauvreté est supérieur d’un point à la moyenne nationale. 15,8% de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, et c’est une situation qui a tendance à croître sur la dernière décennie. De plus, ces personnes rentrent très vite dans des cas de grande pauvreté. En termes de logement, c’est la région la plus chère de France.

C’est le cas évidemment sur l’unité urbaine Menton-Monaco, où les prix sont déraisonnables et dépassent parfois 10.000 euros par mètres carrés. Dans le parc privé, les prix des loyers sont extraordinairement élevés, parmi les plus élevés après Paris. À Nice, le prix moyen augmente deux fois plus vite que dans la capitale, et je ne serais pas surpris si on a un phénomène similaire à Menton.

Quelles en sont les conséquences?
Aujourd’hui, on se retrouve dans une situation où il est impossible de se loger sur le littoral des Alpes-Maritimes, et Menton-Monaco plus particulièrement. Un couple d’aides-soignants, par exemple, je ne vois pas comment il pourrait se loger ici.

En conséquence, on a des zones d’habitat indigne au milieu du luxe, du mal-logement. Des personnes qui vivent dans des résidences touristiques à l’année, alors que ce n’est pas prévu pour, et qui font face à des problèmes d’humidité ou autres.

Dans le rapport, vous évoquez un taux de tension sur la demande de logement social très significatif dans le bassin mentonnais. Qu’est-ce que ça signifie?
Ce taux de tension correspond au rapport entre les demandes de logements sociaux et les attributions, hors mutations internes. Sur Menton-Monaco, on enregistre en moyenne 12,5 demandes pour un logement attribué.

Ce n’est pas seulement la fondation Abbé Pierre qui le dit, c’est un chiffre issu d’un décret gouvernemental datant du 27 juin 2019.

Dans ce décret, l’unité Menton-Monaco occupe la première place des agglomérations de France métropolitaine de plus de 30 000 habitants présentant les plus importants ratios de tension sur la demande de logement social.

À titre de comparaison, Nice occupe la troisième place avec en moyenne 9,7 demandes pour un logement attribué. En bref, cela signifie que l’unité Menton-Monaco est l’endroit où il est le plus difficile d’avoir un logement social en France.

Peut-on dire que des efforts sont entrepris pour changer la donne? À Menton, notamment, où plusieurs logements ont été livrés récemment?
Les contraintes du bassin mentonnais sont connues, on sait que le foncier y est très cher et très rare, que le territoire est soumis à la loi littoral… Oui, il y a eu des efforts ces dernières années mais ce n’est pas suffisant.

Il ne s’agit pas que de construire d’ailleurs, on peut racheter du logement existant, s’occuper des résidences secondaires, mieux réguler les locations Airbnb…

Du privé à des fins sociales, des appartements dédiés... Habitat et humanisme, avec Menton, trouve des solutions. Photo illustration E.O..

Propriétaires solidaires, une solution d’avenir ?

La problématique du logement social sur le territoire de la Riviera française, un autre acteur y est confronté quotidiennement: l’association Habitat et Humanisme 06. Depuis plus de 35 ans, cette structure agit en faveur du logement et de l’insertion des personnes en difficulté, en produisant du logement très social par l’intermédiaire de ses sociétés foncières.Sur le territoire de la Carf, l’association dispose de cinq logements - trois à Roquebrune-Cap-Martin et deux à Menton - et ambitionne de développer fortement son parc.

Convention avec Menton pour réhabiliter de l’ancien

Pour ce faire, l’association peut acheter dans des programmes neufs ou acquérir des logements anciens à réhabiliter. "Mais pour cette option, les opportunités sont faibles sur le secteur, nous n’avons pu en acquérir que deux à Roquebrune et Menton depuis trois ans, expose Hugues Duroussy, vice-président de l’antenne des Alpes-Maritimes. Si on ajoute à cela le coût des travaux… C’est difficile de développer ce dispositif sur le Mentonnais, pourtant c’est une voie. On sait que les terrains constructibles se font rares ici et que les contraintes topographiques sont nombreuses."

Depuis quatre ans, Habitat et Humanisme a notamment signé une convention avec la Ville de Menton. Cette dernière apporte ainsi un soutien financier dans l’acquisition de logements anciens à réhabiliter.

Autre solution développée par l’association : la mobilisation de propriétés privées à des fins sociales. "C’est un dispositif qu’on appelle « Propriétaires Solidaires », par le biais duquel un propriétaire nous loue son bien à un prix en dessous du marché, qu’on va ensuite sous-louer à un ménage à faibles ressources dont on assure la sélection et le suivi social », explique Dominique Guillot, chargé de captation de logements. « En échange, le propriétaire peut bénéficier d’avantages fiscaux sous certaines conditions, et Habitat et Humanisme, en tant que locataire, porte l’intégralité des risques locatifs et des frais de gestion liés à la sous-location", complète-t-il. "C’est une solution d’avenir car on est sur du logement existant, il n’est pas question de construction ou de rénovation", estime Hugues Duroussy. Encore faut-il faire connaître le dispositif au plus grand nombre, et attirer des propriétaires souvent tentés de ne faire que de la location touristique sur la Côte d’Azur.

En matière de logements sociaux, la ville de Menton prône une "approche qualitative plus que quantitative". "Il faut en faire pour les Mentonnais qui en ont besoin. Nous voulons des familles, des actifs, une ville vivante… Il y a 1.200 demandes de logement social en attente. Mais sur ces 1.200 seules un peu moins de 800 sont issues de Mentonnais. Les autres proviennent de personnes qui habitent ailleurs. Je ne trouve pas cela normal, je pense que les Mentonnais doivent être prioritaires dans leur ville", commentait le maire, Jean-Claude Guibal, dans nos colonnes en mai dernier. L’élu tient aussi à "préserver l’identité de la ville" et sa "qualité de vie".

1.200 demandes à Menton

En matière de logements sociaux, la ville de Menton prône une "approche qualitative plus que quantitative". "Il faut en faire pour les Mentonnais qui en ont besoin. Nous voulons des familles, des actifs, une ville vivante… Il y a 1.200 demandes de logement social en attente. Mais sur ces 1.200 seules un peu moins de 800 sont issues de Mentonnais. Les autres proviennent de personnes qui habitent ailleurs. Je ne trouve pas cela normal, je pense que les Mentonnais doivent être prioritaires dans leur ville", commentait le maire, Jean-Claude Guibal, dans nos colonnes en mai dernier.

L’élu tient aussi à "préserver l’identité de la ville" et sa "qualité de vie".

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