"Il n’est pas question de créer un camp de migrants à Menton, ni ailleurs dans les Alpes-Maritimes!"
A la veille de quitter ce département pour de nouvelles fonctions, le préfet Bernard Gonzalez le répète, le martèle, face aux médias appelés en préfecture, ce lundi en fin de journée. Non, ni Sangatte, ni Calais en vue sur littoral azuréen.
La préfecture des Alpes-Maritimes le clame haut et fort, afin de couper court à la polémique montante sur un sujet politiquement inflammable. Polémique attisée par la crise migratoire à Lampedusa qui divise l’Europe une fois de plus. Décryptage.
Politiquement explosif
Selon l’agence des Nations Unies pour les migrations, entre le 11 et le 13 septembre, Lampedusa a vu débarquer 8.500 candidats à l’exil. C’est plus que la population totale de l’île italienne. Cet afflux sature ses capacités d’accueil et enflamme la scène politique, près d’un an après l’arrivée au pouvoir de Giorgia Meloni (Fratelli d’Italia). La dirigeante d’extrême droite met la solidarité européenne à l’épreuve.
Du pain béni pour Marine Le Pen, venue battre la campagne des Européennes dimanche aux côtés de Matteo Salvini (la Ligue). Ce lundi soir, c’est le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin qui s’est rendu en Italie, épicentre de ce bras de fer sur un sujet électoralement explosif. Et voilà que les secousses se font ressentir jusque sur la Côte d’Azur.
La quête et les rumeurs
Après Vintimille, Menton est une étape logique des routes migratoires. Dès lors, "on s’attend à un afflux dans deux jours. D’ici là, il faut que les élus et le préfet trouvent de la place", prévient Laurent Martin de Frémont, délégué du syndicat Unité SGP FO police 06. Le poste-frontière Saint-Louis peut accueillir une centaine de places. "Au-delà, on risque de devoir les retenir dans des conditions qui ne sont pas tolérables..."
Alors, l’Etat et les collectivités partent en quête d’un site adapté. Quête qui nourrit son lot de rumeurs et de critiques.
"Nous avons contacté une association de protection civile pour qu’elle vienne en appui et en aide à la police aux frontières, dans des locaux qui restent à définir", explique Bernard Gonzales. C’est dans ce contexte que, ce lundi midi, BFM Côte d’Azur évoque la réquisition d’un terrain à Menton, afin d’accueillir les arrivants de Lampedusa. "Un bug en matière de communication", dixit le préfet.
Quelques heures ou une nuit
"Il n’y aura pas d’implantation d’un camp de migrants à Menton!".
Ce jeudi après-midi, préfecture et mairie rectifient à l’unisson. Oui, le stade Rondelli a bien été envisagé. Mais le maire Yves Juhel s’oppose à toute installation sur ce site "qui n’a pas d’assainissement, est en zone inondable et soumis à de forts coups de mer". Et surtout, l’objectif n’est pas "de créer un camp!"
L’idée: y accueillir les migrants interpellés, pour quelques heures, voire pour une nuit, le temps de contrôler leur situation administrative. "Il faut le voir comme une annexe des locaux de la police aux frontières (PAF)", décrypte-t-on en mairie. Les migrants interpellés sans titre de séjour sont ensuite réadmis en Italie, tenue de coopérer... en théorie. Les migrants se déclarant mineurs, eux, sont pris en charge par l’aide sociale à l’enfance du département des Alpes-Maritimes.
"Solution transitoire"
En pratique, où s’installer? Et dans quoi? "ça peut être dans des préfabriqués. On peut aussi envisager des structures plus souples, comme des tentes, sur des terrains à proximité de ceux de la PAF", estime Bernard Gonzales. Objectif: "être plus opérationnel dans le cadre des opérations de réadmission."
Selon la mairie de Menton, "une parcelle municipale (...) pourrait être mise à disposition" près du poste-frontière Saint-Ludovic. Ce site pourrait recevoir "une centaine de clandestins adultes". La Ville insiste: il s’agit là d’une "solution transitoire". Et, qu’on se le dise, pas d’un "camp de migrants".
En chiffres
- 30 000 interpellations : c’est le bilan d’étape de la préfecture des A.-M. en 2023, dans la lutte contre l’immigration clandestine. 23 000 migrants sans titre de séjour ont fait l’objet d’une réadmission en Italie, 2 000 ont été placés dans un centre de rétention, et 5 000 présumés mineurs ont été pris en charge par le conseil départemental.
- 1 500 interpellations : c’est le bilan de la seule semaine du 8 au 14 septembre, selon la préfecture. Le nombre d’interpellations quotidiennes oscille entre 100 et 150, et atteint certains jours les 250, selon Philippe, délégué Unité-SGP de la PAF Menton.
- 200 policiers, gendarmes et douaniers surveillent la bande des 20 kilomètres autour de la frontière, selon le préfet. Ils sont désormais renforcés par 120 militaires de l’opération Sentinelle. Si besoin, la police aux frontières pourra recevoir des renforts, selon sa directrice départementale Emmanuelle Joubert.
- 4 heures : c’est le temps moyen d’une procédure de réadmission en Italie, selon le préfet. Elles peuvent prendre quelques instants. Ou durer jusqu’au petit matin, quand les interpellations ont lieu la nuit.
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