Que raconte ce nouveau spectacle?
Ce qui s’est passé ces cinq dernières années dans ma vie. J’ai rôdé le show à Lyon, il était prêt à partir sur les routes… Je suis dans un registre plus personnel que d’habitude. J’évoque ma famille, mes relations amoureuses, l’éducation de mes enfants. Je parle aussi beaucoup de ce rêve américain que j’ai eu. J’explique pourquoi j’ai voulu aller là-bas, de me barrer alors que j’étais gâté par le public en France. Je me suis retrouvé aux États-Unis, dans des comedy club où le gars écorche mon nom et je suis payé 100 dollars la soirée. Pourquoi j’ai fait ça? J’avais la sensation de voir quelqu’un qui ne sait pas qui je suis, tomber amoureux de moi. Tu te dis alors: peut-être que la personne m’aime pour moi vraiment? C’est ce que j’ai ressenti avec les Américains, ils ne savaient pas qui j’étais. Je viens de France, j’ai un nom un peu bizarre mais je fais une vanne et boum, ça rigole!
Vous vouliez, en traversant l’Atlantique, retrouver du désir dans le regard du public?
Complètement! Peut-être qu’en France je rentrais dans un ronronnement, malgré moi. Je voulais me renouveler, oublier ce que j’avais réalisé, me perdre finalement, pour reprendre mon chemin. J’ai attendu cinq ans avant de remonter seul en scène en français. Ce spectacle, que ça plaise ou pas, c’est moi et j’en suis très content. Je reviens à ce que j’aime faire: la gestuelle, les personnages, les accents, les situations comiques.
Tout ce qui avait séduit le public français en somme?
C’est exactement ça. Dans sa conception, j’ai été très dur avec moi-même. À chaque fois que je sentais que ça collait trop avec ce que j’avais fait, il fallait que je bouge ailleurs. Ça a pris du temps, j’ai travaillé beaucoup avec ma sœur, dont je suis très proche. Il fallait que ce soit moi, avec mon ADN. Et en même temps, que je raconte des choses nouvelles. Mais je ne vais pas m’inventer une vie, j’ai toujours parlé de moi sur scène. Alors j’ai été en profondeur, dans des sujets que je n’ai jamais abordés. Je parle de mon père pour la première fois. C’est un père méditerranéen qui est un taiseux. Je m’imagine tout ce que pense et dit mon père et je compare avec l’éducation de mon fils aujourd’hui où on parle trop, on veut trop communiquer. En fin de compte, je ne sais pas qui des deux communique le plus. Il n’y a pas de règle. Je ne sais pas si l’amour que m’a donné mon père sans parler n’est pas plus fort que celui que je donne à mes enfants, en n’arrêtant pas de rassurer.
Malgré tout ce rêve américain a été bénéfique?
Oui, mais ça n’a pas été qu’un rêve. Ça a été de la désillusion sur certaines choses aussi. J’ai appris beaucoup, j’ai eu la chance de faire la première partie de Jerry Seinfeld, mon mentor. À côté de ça, j’ai vécu des choses moins glamours, la compétition des comedy club... Cette expérience c’est un peu grandeur et décadence, ou plutôt grandeur et petitesse.
Je suis un Méditerranéen qui vit en Europe, j’ai manqué de chaleur aux États-Unis. La notion d’amitié n’est pas la même là-bas. Ce n’est pas la même culture, tout est trop différent.
Ce retour sur scène se fait dans une situation particulière, ou vous retrouvez le public dans des petites salles. Sur ce point, vous diriez que la Covid tombe bien?
Je ne dirais jamais que la Covid tombe bien ne serait-ce que par respect pour tous ceux qui l’ont eue et à qui ça a coûté la vie. J’ai eu le virus, je suis passé par un épisode très douloureux, je l’ai touché de près, j’ai été hospitalisé. Je ne peux pas dire que ça a été une bénédiction, je m’en serais bien passé. Mais c’est vrai, le confinement nous pousse, nous les artistes, à nous réinventer, c’est intéressant. Je ne fais pas partie de ceux qui se plaignent. Les autorités font ce qu’elles peuvent, on ne doit pas être dans un débat masque ou pas masque? Masque point barre. Je l’ai eu ce virus, je sais de quoi je parle. Mais j’ai envie de jouer, de communiquer de la joie, on en a besoin! Et j’ai besoin de revoir le public, j’ai besoin de ma dose!
Pas d’appréhension à faire rire un public masqué alors?
J’en ai fait l’expérience, il ne faut se focaliser dessus. Au niveau sonore, ça ne change pas les rires. Ce qui est déstabilisant au départ c’est de ne pas voir les sourires. Un comble, alors que j’ai fait une carrière ou j’ai vu des dents et des gencives toute ma vie (rires). Quand on sait que le port du masque est la condition nécessaire pour faire un spectacle, on l’accepte et on se dit qu’on a de la chance. Au cours de ma carrière j’ai joué devant des salles de 3.000, 4.000 personnes serrées les unes contre les autres. À chaque fois que ça se reproduira dans le futur, je vais essayer d’être un peu plus reconnaissant. Les artistes ne verront plus jamais le public de la même manière. Aujourd’hui c’est une chance de pouvoir jouer, alors on va bichonner le spectateur! Le spectacle vivant prend tout son sens : on est là pour donner de la vie.
Vous redonnez de la vie aussi au répertoire de Claude Nougaro, dans un album hommage qui sortira en janvier. Un domaine où on ne vous attendait pas?
C’est vrai, Je me suis fait plaisir, et je rends hommage à un grand monsieur de la chanson française. Ce projet vient de ma passion du jazz. Je suis obsédé par cette musique. Je voulais être pianiste de jazz mais je suis devenu un pianiste frustré, pour ne pas dire raté. Et j’ai toujours chanté en faisant le con, par pudeur, sans vouloir passer le pas. Des maisons de disque m’ont proposé des titres mais je me disais, ça va être ridicule ! En m’appuyant sur des textes existants et en rendant hommage à ce poète qu’était Nougaro, c’était plus facile. Le confinement au printemps a accéléré le projet. J’étais seul à la maison, je devenais fou, j’ai commencé à travailler. Et le label Blue Note a produit l’album, ça c’est fou. C’est comme si je jouais au foot en bas de la maison et que le Real de Madrid vient et me dit "on te signe"!
Savoir+
Gad Elmaleh au Grimaldi Forum à Monaco les 3,4,5 décembre à 19h et le 6 décembre à 18h.
Tarif unique : 30 euros.
Rés. 00.377.99.99.30.00 et www.grimaldiforum.com
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