Retour sur un siècle d'histoire entre la maison Chanel et la famille princière à Monaco

La maison de couture présentera ce jeudi sa collection croisière en Principauté. Un épisode attendu qui ravive des rapports historiques forts, avec la famille princière comme trait d’union.

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Cédric Verany Publié le 04/05/2022 à 14:04, mis à jour le 04/05/2022 à 14:04
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Photo archives Cyril Dodergny

Le ton est donné en 45 secondes, dans un montage saccadé d’images d’archives délicieusement rétro faisant défiler une mosaïque pop de l’iconographie glamour monégasque d’hier et d’aujourd’hui. Le tout porté par la bande sonore eighties du titre This Town des Go-Go’s, hit de 1981… Cette ville, c’est Monaco.

Et la maison Chanel l’a choisie pour décor de son défilé croisière 2022/2023 prévu au Monte-Carlo Beach, réservé à un parterre de clientes et de stars. Mais la bande-annonce de ce sommet de la mode - signée par Sofia et Roman Coppola - est visible par tous sur les réseaux sociaux de la maison de la couture, tout comme le film du défilé qui sera en ligne jeudi après-midi.

Après les carrières de Lumières des Baux-de-Provence l’an dernier, Chanel a mis le cap sur la Principauté pour ce défilé croisière qui pour une maison de couture permet de dévoiler une collection faite pour les beaux jours. C’est aussi le moyen de faire le buzz avec un défilé spectaculaire, dans un endroit qu’il est tout autant, entre les collections de printemps et d’automne.

Rien n’a filtré sur les modèles imaginés par Virginie Viard, la directrice artistique de la maison Chanel, mais dans le petit film de mise en bouche, le tweed Chanel semble côtoyer le damier d’un drapeau de Grand Prix. L’imagerie de la formule 1 dominant dans le clip, aux côtés de portraits iconiques de la princesse Grace, de la princesse Caroline, de Charlotte Casiraghi, de Coco Chanel et des clichés de Karl Lagerfeld ou d’Helmut Newton.

Une façon de mettre en lumière le lien si particulier entre Chanel et la Principauté, tissé par Coco Chanel au début du XXe siècle, développé par Karl Lagerfeld dans les années 80 et aujourd’hui incarné par Charlotte Casiraghi, ambassadrice et porte-parole de la maison.

Le coup de cœur de Coco

Gabrielle Chanel découvre la Côte d’Azur au début des années 1910. Une French Riviera qui polarise à l’époque toute la jet-set européenne. Séduite par l’art de vivre sur la Côte, la créatrice ouvre une boutique à Monte-Carlo, au sein de l’hôtel Hermitage. L’arrêté ministériel du 30 décembre 1913, l’autorise à exploiter "un commerce de modes, fournitures pour modes, voilettes, boas, manteaux, fourrures, tricots, colifichets, dentelles, lingerie, blouses, jupons, ombrelles, sacs, éventails, coussins".

Après la Première guerre mondiale, alors que s’amorcent les Années Folles, Mademoiselle Chanel devient une fidèle de la Principauté. Coco a ses habitudes à l’Hôtel de Paris avant de se faire bâtir une maison sur les hauteurs de Roquebrune-Cap-Martin. Baptisée La Pausa, la villa devient un lieu où se croise toute la Riviera mondaine. De Cocteau à Serge Lifar en passant par Salvador Dali qui travaille à La Pausa sa toile Violettes impériales.

En 1938, Gabrielle Chanel et le peintre Christian Bérard à Monte-Carlo Photo Archives SBM/Cyril Dodergny/Gaëtan Luci/Palais princier.

Dans cette ébullition du moment, Gabrielle Chanel fait en Principauté des rencontres qui vont marquer sa vie et sa carrière. Celle du grand-duc Dimitri de Russie, qui lui présente le parfumeur Ernest Beaux avec qui elle composera sa fragrance N° 5. Puis, en 1923, lors des fêtes de Noël, elle croise le chemin du duc de Westminster. Leur liaison durera six ans. Elle découvrira avec lui l’Écosse… Et le tweed qui devient une matière emblématique de ses créations.

Au cours de ses nombreux séjours, Gabrielle Chanel, prend aussi part à la vie culturelle monégasque. Fait d’armes le plus marquant : aux côtés de la troupe des Ballets russes, en 1924, elle dessine les costumes du mythique ballet de Diaghilev, Le Train Bleu aux côtés d’un casting inouï composé de Jean Cocteau qui signe le livret et Pablo Picasso qui peint le rideau de scène.

Le repaire
de Karl

Douze ans après la mort de Gabrielle Chanel en 1971, Karl Lagerfeld est choisi pour prendre les rênes de la maison de couture. Un épisode marquant dans l’histoire de la mode en général et de la maison de la rue Cambon en particulier.

À cette période, il choisit de s’établir à Monaco. Le couturier imagine d’abord son intérieur au Roccabella, avec un mobilier de style Memphis qui occupe tout l’appartement.

Puis il jette son dévolu sur la villa La Vigie qu’il rénove entièrement et occupe une décennie. Aujourd’hui encore, la villa blanche - dont la silhouette ouvre d’ailleurs la bande-annonce du défilé croisière cette année - fait irrésistiblement écho à Lagerfeld.

Même s’il collectionne les propriétés en France, Monaco sera pour le directeur artistique de la maison Chanel, son repaire intime pendant plusieurs décennies de par son attachement à son amie la princesse Caroline et à la famille Grimaldi. C’est aussi en Principauté que son compagnon, Jacques de Basher s’établit les dernières années de sa vie pour sortir de Paris.

En 2006, un défilé à l’opéra Garnier met à l’honneur les métiers d’art de la maison Chanel. Photo Archives SBM/Cyril Dodergny/Gaëtan Luci/Palais princier.

Comme Gabrielle Chanel en son temps, Karl Lagerfeld a pris part à la vie culturelle de la Principauté. Supervisant la direction artistique du Bal de la Rose ou collaborant avec la compagnie des Ballets de Monte-Carlo, pour créer les costumes d’Altro Canto en 2006.

Toujours en 2006, il fait de la scène de la Salle Garnier un podium pour montrer la collection Métiers d’art de la maison Chanel, inspirée une fois de plus par la danse et les Ballets russes.

En 2011, c’est aussi au cœur du Casino qu’il posera cette fois ses caméras pour tourner un court-métrage promotionnel de la marque. La même année, il dessinera la tenue portée par la princesse Charlène pour son mariage civil avec le prince Albert II.

L’engagement de Charlotte

Disparu en février 2019, Karl Lagerfeld a laissé un souvenir vif à Monaco. L’engouement pour la vente aux enchères d’une partie de ses collections, en décembre dernier au One Monte-Carlo en témoigne. En trois jours, 100% des lots ont été cédés totalisant 12 millions d’euros de revenus en Principauté.

Dans l’atelier de la rue Cambon à Paris, Virginie Viard lui a succédé à la direction artistique. Et c’est elle qui, pour écrire la suite de l’histoire, a tissé un nouveau lien entre la maison de couture et Monaco. En désignant la fille aînée de la princesse Caroline, Charlotte Casiraghi, comme ambassadrice et porte-parole de la maison depuis un an.

En 2018, moment complice entre Karl Lagerfeld et Charlotte Casiraghi au Bal de la Rose. Archives SBM/Cyril Dodergny/Gaëtan Luci/Palais princier.

Une suite logique? Charlotte Casiraghi côtoie Karl Lagerfeld depuis son enfance. Pour le dîner de ses noces avec Dimitri Rassam à l’été 2020, c’est forcément dans une robe Chanel créée par Virginie Viard, qu’elle apparaît, tenue inspirée par un modèle de la dernière collection Haute Couture signée par Lagerfeld.

Au-delà de la mode, Charlotte Casiraghi a impulsé les Rendez-vous littéraires de la rue Cambon, diffusés sur une plateforme digitale, où elle échange avec des invités sur sa passion pour l’écriture et la philosophie.

Elle a associé aussi son image pour la campagne de la collection prêt-à-porter printemps-été, l’an dernier, filmée dans les jardins du Monte-Carlo Beach et de La Vigie. Des lieux qui serviront à nouveau de décor au défilé croisière à venir.

Enfin, en janvier dernier, au cœur de la Fashion Week parisienne, Charlotte Casiraghi a ouvert le défilé haute couture Chanel à cheval. Fera-t-elle plus spectaculaire? Réponse jeudi…

En1933, Coco Chanel et le danseur Serge Lifar dînent au Sporting d’été. Photo Archives SBM/Cyril Dodergny/Gaëtan Luci/Palais princier.

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