Quand la comédienne Sarah Bernhardt, décédée il y a tout juste 100 ans, séjournait à Monaco

La grande comédienne, très présente en Principauté, a inauguré la salle de l’Opéra et réalisé une sculpture sur la façade du bâtiment.

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André PEYREGNE Publié le 26/03/2023 à 12:01, mis à jour le 26/03/2023 à 12:04

Sarah Bernhardt est morte le 26 mars 1923. Elle a beaucoup compté pour Monaco. C’est elle, en particulier, qui a inauguré la salle de l’Opéra.

Cet événement considérable a eu lieu le 25 janvier 1879. Ce soir-là, un public mondain est venu jusque de Paris, en présence du prince Charles III. L’architecte de la salle, Charles Garnier, qui a également construit l’Opéra de Paris, est dans une loge avec sa famille. Il a réalisé la prouesse d’effectuer en six mois les travaux de l’opéra de Monte-Carlo, faisant travailler les ouvriers jour et nuit grâce à ce progrès technique considérable qu’est l’électricité.

Le rideau s’ouvre. Un décor maritime s’offre à la vue du public, au milieu duquel, sur un rocher, s’avance une belle naïade brandissant des palmes dans ces deux mains: c’est elle, Sarah Bernhardt. Elle a 35 ans.

Elle va réciter une longue tirade en vers écrite par le poète toulonnais de l’Académie Française, Jean Aicard. Cette tirade s’achève par ces mots, dits à l’intention des constructeurs de la salle : "Et vous, peintres, sculpteurs, musiciens, poètes/ Et toi, le bâtisseur du palais merveilleux/ Artistes, j’ai cueilli ces palmes pour vos têtes !/ Soyez loués, vous tous qui réveillez les dieux !"

Une sculpture intitulée "Le chant"

Sarah Bernhardt est la reine de la soirée. L’Histoire de l’opéra de Monte-Carlo en gardera le souvenir. À l’intérieur comme à l’extérieur. Car sur la façade sud du bâtiment (côté terrasses) se trouve, au niveau d’un décrochement sur la droite, une grande sculpture qu’elle a réalisée elle-même à la demande de Charles Garnier, intitulée "Le chant".

On y voit une cantatrice ailée, s’accompagnant sur une lyre, chantant pour un éphèbe assis à ses pieds (la sculpture est actuellement cachée par des travaux de ravalement). On le sait assez peu, Sarah Bernhardt avait aussi des talents de sculpteur.

La soirée est finie. L’Opéra de Monte-Carlo est prêt à devenir cette salle d’art lyrique connue dans le monde entier qu’elle est toujours aujourd’hui. La « Divine », comme on l’appelle, regagne la suite qui l’attend au Grand Hôtel, encombrée d’une dizaine de malles et de cages à oiseaux contenant des colibris et un perroquet…

"Damala aux camélias"

Sarah Bernhardt reviendra en Principauté en avril 1882, dans des circonstances moins glorieuses.

Elle a épousé sur un coup de tête un drôle de personnage, Jacques Damala, plus jeune qu’elle de douze ans, qui la fait tourner en bourrique. La presse la surnomme la "Damala au camélia".

Pendant qu’elle joue sur scène, lui joue au casino. Et elle éponge ses dettes. En avril 1882, tandis qu’elle travaille à Paris, il est parti avec une maîtresse à Monte-Carlo. Il a perdu 80 000 francs et l’a appelée à l’aide.

Elle se précipite à Monaco et le trouve, drogué, étendu sur le lit d’une chambre du Grand Hôtel. Demandant l’aide de son ami le cuisinier Auguste Escoffier, qui travaille dans cet établissement, elle l’évacue par une porte de service et le ramène à Paris. Cette fois-ci, c’est en est trop, elle se séparera de lui !

"Jamais femme ne parut plus belle"

Sarah Bernhardt retrouvera du réconfort auprès de deux amis, à Paris le poète Jean Richepin, et à Nice, le dramaturge Victorien Sardou. C’est ce dernier qui lui fournit la pièce de Fédora qu’elle jouera à Monaco. Après la représentation, elle est reçue au palais par le prince Albert 1er.

Nouveau retour en 1898. Cette fois-ci, elle enchaîne, dans des genres différents, la Dame aux camélias mais aussi la Tosca, Froufrou et Phèdre.

Lisons le Journal de Monaco à propos de Phèdre : "Jamais femme ne parut plus belle aux yeux d’une foule assemblée ni d’une beauté à la fois plus plastique et plus spirituelle. Jamais artiste ne traduisit, par une mimique plus inventée et plus harmonieusement hardie ni par une diction plus noblement et plus simplement expressive et d’un charme ensemble plus poignant et plus enveloppant, un plus douloureux martyre de passion. Elle nous a donné une de ces impressions d’art au-delà lesquelles il n’y a rien."

Amputée d’une jambe

C’est en 1900 qu’elle attaque ce rôle qui va faire sa gloire internationale : l’Aiglon d’Edmond Rostand. Curieusement, on ne trouve pas trace qu’elle l’ait interprété à Monaco au cours de ses venues suivantes.

Arrive la guerre. À cette tragédie mondiale s’ajoute un drame personnel : une gangrène qui l’oblige, en 1915, à 70 ans à être amputée d’une jambe. Elle est dotée d’une prothèse en bois. "Ça lui permet de frapper les trois coups, ironise avec cruauté son presque homonyme Tristan Bernard".

On la retrouve en mars 1920 à Monaco pour une ultime conférence. Elle a traversé le hall de l’Hôtel de Paris en chaise à porteur, comme le raconte Raoul Mille dans son livre Sarah Bernhardt et Monaco (Éditions du Rocher).

Mais, lorsque le rideau de l’Opéra s’ouvre une nouvelle fois sur elle, elle apparaît déjà assise derrière une table débordante de fleurs. Elle parle d’Edmond Rostand - l’auteur de l’Aiglon - disparu en 1918. Elle récite une dernière fois les vers qui ont fait sa gloire "Je dois, malgré tant d’ombre et tant de lendemains,/ Avoir au bout des doigts un peu d’étoile encore…"

Ce sera sa dernière apparition à Monaco.

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