Louise-Hippolyte Grimaldi, la seule femme à avoir régné en Principauté de Monaco

Près de trois siècles après son règne, Louise-Hippolyte Grimaldi est honorée à Monaco, son nom étant désormais apposé sur la promenade du Larvotto. Retour sur la vie de cette princesse.

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André Peyregne Publié le 03/10/2021 à 17:00, mis à jour le 03/10/2021 à 13:47
Louise-Hippolyte Grimaldi. Photo DR

À son arrivée sur le trône de la Principauté de Monaco, le 20 janvier 1731, cette jolie femme de 34 ans aux traits fins et à l’allure sage se demandait comment elle allait administrer son pays.

Elle le fit de manière intuitive, en étant elle-même. En prenant des décisions qui lui ressemblaient - comme la défense de porter librement le fusil dans la Principauté ou l’interdiction de publier ou chanter des textes ou des chansons diffamatoires.

C’est ainsi que Louise-Hippolyte Grimaldi fut aimée et surnommée par son peuple la "bonne princesse Louise". À ce jour, elle est la seule femme à avoir régné sur Monaco.

Près de trois siècles plus tard, on vient de l’honorer. Le 26 septembre dernier, son nom a été donné à la promenade du Larvotto.

Qui est donc cette Louise-Hippolyte Grimaldi?

Née le 10 septembre 1697, elle était la fille du prince Antoine 1er. Celui-ci n’ayant pas de fils pour lui succéder, il décida en accord avec le roi de France Louis XIV d’appliquer le testament établi en... 1454 par le seigneur Jean Ier Grimaldi, à l’époque où Monaco n’était pas encore une principauté mais une seigneurie. Le testament en question prévoyait qu’une femme pouvait assumer la souveraineté à condition que son époux soit un Grimaldi.

Il fallut donc trouver un mari à Louise-Hippolyte. A Monaco ou à Paris, l’entourage de la jeune femme s’y employa. Une première proposition fut faite avec le chevalier Grimaldi d’Antibes. La proposition ne fut pas retenue. D’autres suivirent.

Les prétendants se bousculèrent. Louise-Hippolyte, qui n’avait pas encore 18 ans, finit par épouser le 20 octobre 1715 Jacques Goyon de Matignon, 25 ans, comte de Torigni, duc de Valentinois, qui accepta de prendre le nom de Grimaldi. La famille de Jacques Goyon était propriétaire de l’Hôtel Matignon à Paris, résidence actuelle du Premier ministre français.

Louise-Hippolyte fut très amoureuse de son mari. Mince et élancé, tout le monde remarquait son regard intelligent. "Je vous assure, cher Grison, lui écrivait son épouse, que je n’ôte point de tous les jours mes yeux de votre portrait." Mais "Grison", lui, négligea son épouse. Il multiplia les infidélités. Entre 1717 et 1728, le couple eut néanmoins neuf enfants.

Elle succède à son père à 34 ans

Au début, la famille vécut surtout à Paris, à l’hôtel de Matignon, et en Normandie, au château de Torigni. Malgré les infidélités de son mari, Louise-Hippolyte lui garda son amour.

C’est donc le 20 janvier 1731 qu’elle accède au pouvoir, en cette journée d’hiver où mourut à Monaco son père le prince Antoine 1er.

À 69 ans, ce prince amoureux des arts était devenu presque impotent. Ainsi que le relate Alain Decaux, il avait fait aménager au bas de l’escalier du Palais, un fauteuil qui le hissait dans les étages au moyen de ressorts et de contrepoids.

En vertu de l’accord signé avec Louis XIV, Louise-Hippolyte doit lui succéder et prendre les rênes de la Principauté. Elle a 34 ans.

Lorsqu’elle arrive à Monaco, elle est seule. Son mari est resté à Paris. Les 26 et 27 avril, elle reçoit au Palais le serment de ses sujets pour Monaco et Roquebrune.

Le 30 avril, ce sont les Mentonnais qui lui font allégeance. Louise-Hippolyte se trouve bien seule à Monaco. Malgré l’indifférence de son mari à son égard, elle demeure amoureuse de lui: "Je vous jure que toute ma vie je ne cesserai de vous aimer aussi tendrement que je l’ai fait depuis quinze ans", lui écrit-elle.

Et elle ajoute, en forme de supplique: "Vous devez un peu d’amitié à la personne du monde qui vous aime le plus parfaitement et avec la tendresse la plus sincère qu’il n’y aura jamais".

Dans toutes ses actions princières, Louise-Hippolyte associe le nom de son époux. Elle demande à ce que les pièces de monnaies soient frappées à l’effigie du couple. Mais son sceau de souveraine mentionne son seul prénom, Louise.

Lorsque le mari se décide enfin à venir à Monaco, les anciens conseillers d’Antoine Ier lui font comprendre qu’ils tolèrent mal qu’il porte le nom et les armes des Grimaldi. Au bout de trois mois, il quittera la Principauté et repartira pour Paris.

À sa mort, une hostilité populaire

Seule face à son peuple, Louise-Hippolyte prend des arrêtés sur la vie sociale, la voirie, le commerce. Mais son action est arrêtée par la maladie au bout de onze mois. Le 29 décembre 1731, à 34 ans, Louise-Hippolyte meurt. Elle avait contracté la variole.

Les Monégasques pleurent leur princesse. Ils l’enterrent en l’église Saint Nicolas, alors cathédrale de Monaco (sur le lieu-même de l’actuelle cathédrale).

Son mari est alors obligé de venir assumer le pouvoir qu’elle a laissé vacant. Il s’installe à la tête de la Principauté sous le nom de Jacques Ier. Mais l’hostilité populaire demeure. Il ne la supportera pas.

Dès le 20 mai 1732, il nommera gouverneur de la Principauté le chevalier Antoine Grimaldi - le fils illégitime qu’Antoine 1er a eu avec une danseuse. Celui-ci s’avérera un gouverneur efficace.

Un an plus tard, le 7 novembre 1733, Jacques Ier fera davantage: il abdiquera officiellement en faveur du fils aîné qu’il a eu avec Louise-Hippolyte, Honoré III, alors âgé de... 13 ans.

En raison de sa jeunesse d’accès au trône, le règne d’Honoré III, qui dura 59 ans, demeure à ce jour le plus long de l’histoire de Monaco.

Et c’est ainsi qu’à la fin du XVIIIe siècle la Principauté de Monaco eut successivement à sa tête une femme et un enfant...

La famille de Louise-Hippolyte Grimaldi

Louise-Hippolyte Grimaldi et Jacques Goyon de Matignon eurent 9 enfants:

- Antoine-Charles, décédé à 1 an;

- Charlotte-Thérèse, dite "Mademoiselle de Monaco", qui devint religieuse au Couvent de la Visitation à Paris (1719-1790); 

- Honoré III, qui devint prince de Monaco à l’âge de 13 ans, à la suite de l’abdication de son père (1720-1795);

- Charles, comte de Carladès, mort de la variole comme sa mère (1722-1749);

- Jacques, mort-né;

- Louise-Françoise, morte à l’âge de 5 ans;

- Charles-Maurice, comte de Valentinois (1727-1798);

- Marie-Françoise, Mademoiselle d’Estouteville (1728-1743).

C’est à propos de Charles-Maurice Grimaldi qui, blessé à la jambe à la célèbre bataille de Fontenoy en 1745, que Voltaire a écrit ce vers "Monaco perd son sang et l’amour en soupire".

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