L'écrivaine Colette, une habituée appréciée de la Principauté
Il y a cent cinquante ans naissait la célèbre écrivaine. Habituée de la Principauté, où elle passa tous ses hivers après la Guerre, Colette a connu trois princes : Albert Ier, Louis II et Rainier III.
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André PEYREGNEPublié le 29/01/2023 à 09:00, mis à jour le 29/01/2023 à 10:25
Colette dans la pièce à scandale La chair. DR
"Monaco, ce pays dont les frontières sont des fleurs." À qui doit-on cette jolie définition de la Principauté ? À la femme de lettres Colette, née il y a cent cinquante ans, le 28 janvier 1873.
Colette a beaucoup fréquenté Monaco. Elle a connu trois princes : Albert Ier, Louis II et Rainier III.
Le témoignage le plus ancien de sa présence en Principauté se trouve dans les Mémoires du grand pianiste Arthur Rubinstein. C’était le 14 février 1905 pour la création de l’opéra Chérubin de Massenet. Ce soir-là le Tout-Paris est invité. Colette, qui a déjà écrit ses Claudine et qui est également connue comme comédienne, a pris sous son aile le jeune prodige du piano récemment arrivé de Pologne en France. Il a été envoyé sur la Côte d’Azur par le grand compositeur Ravel pour s’y faire connaître. Il n’a que 18 ans. Bien qu’il ne soit pas majeur, Colette l’a fait entrer, à la sortie de l’opéra, dans les salles de jeu du Casino. C’est ce qu’il a retenu de plus excitant de la soirée !
Un spectacle dénudé
En 1908, retour de Colette à Monaco. Cette fois-ci, c’est elle qui est sur scène. Elle se produit au Palais des Beaux-Arts - salle de spectacle qui se trouvait à l’époque sur la place du Casino en amont de l’Hôtel de Paris. Colette est en compagnie de Missy, son amie (très) intime qui, à l’État civil, est la Marquise de Morny. "Morny soit qui mal y pense !", dit-elle à son sujet pour railler ceux qui critiquent leur relation. Elle joue dans une pièce intitulée La Chair dans laquelle elle apparaît très dénudée. Le spectacle, qui a scandalisé Paris, est visiblement toléré à Monaco.
Retour en Principauté en 1925. Colette s’est rhabillée. Elle a écrit le livret de l’opéra l’Enfant et les Sortilèges de Ravel, qui est créé en la Salle Garnier. Colette est éblouie du résultat :"Comment dire mon émotion au premier bondissement des tambourins qui accompagne le cortège des pastoureaux, l’éclat lunaire du jardin, le vol des libellules et des chauves-souris… Un nœud de larmes me serrait la gorge : les bêtes, avec un chuchotement pressé, syllabé, à peine, se penchaient sur l’Enfant, réconciliées… Je n’avais pas prévu qu’une vague orchestrale, constellée de rossignols et de lucioles, soulèverait si haut mon œuvre modeste." (Cité par Jean des Cars dans Colette et Monaco).
En cette même année 1925, Colette rencontre à Cap-d’Ail, chez son amie Marguerite Moreno, un courtier en diamants nommé Maurice Goudeket, seize ans plus jeune qu’elle. Il deviendra son troisième mari.
L'Hôtel de Paris
Le temps passe.
La guerre.
Une fois terminé l’atroce conflit mondial, Colette, percluse d’arthrite, veut retrouver le climat du Midi.
En 1946, elle est invitée par ses amis de Polignac dans leur domaine de Grasse. Elle y rencontrera Pierre de Polignac, devenu prince de Monaco par son mariage avec Charlotte, la fille de Louis II.
Lors de l’avènement de Rainier III, le 11 avril 1950, elle adresse au nouveau prince un chaleureux message (lire ci-contre).
À partir de ce moment, elle viendra tous les hivers en Principauté, logeant à l’Hôtel de Paris en compagnie de Maurice Goudeket et de sa servante Pauline. On lui fait un accueil de reine. Elle loge dans une chambre au rez-de-chaussée ouverte sur un jardin. Tout le monde est aux petits soins pour elle. Elle a des difficultés à se déplacer. Maurice Goudeket pousse son fauteuil roulant, s’approche de son oreille pour lui répéter ce que son début de surdité l’empêche d’entendre.
Au secours des pigeons
Dans une lettre du 21 mai 1950, conservée aux Archives du Palais et citée dans les Annales de Monaco n°16, en 1992, par Martine Rousseau-Châtelin, elle remercie le prince Rainier pour son accueil : "Cette fenêtre ouverte, cette mer oubliée, la saveur matinale de l'air, ce mois de mai que je n'avais jamais vu, c'est vous qui me les donnez…"
Colette observe tout depuis sa fenêtre. Même quelque chose qui la chagrine et pour laquelle elle s’exprime vivement dans une note insolite envoyée au prince. Cela concerne des pièges qui ont été installés sur le toit du Casino pour se débarrasser des pigeons. Son sang d’amie des bêtes n’a fait qu’un tour : "Ceci est un S.O.S. que j’ose adresser à S.A.S. Ils ont installé su le toit du casino des cages-pièges appâtés où tombe ce qui reste des pigeons. Ils les capturent et les mangent. Monseigneur, à l’aide ! Merci. Colette."
On ne sait les conséquences qu’a eues cette missive…
Présidente du Conseil littéraire
Un sujet de satisfaction pour la femme de lettres : le prince Pierre, père du prince Rainier, nomme Colette présidente d'honneur du Conseil Littéraire de la Principauté. Julien Green, lauréat du Prix littéraire de 1951, se souviendra d’avoir été reçu par elle : « Ses grands yeux sont les plus beaux de femmes que je connaisse, des yeux beaux comme ceux d’un animal rempli d’âme jusqu’au bord et de tristesse. »
En 1953, Colette a 80 ans. Toute la presse française célèbre l’événement. Cocteau relate l’entrée de Colette dans la salle à manger de l’Hôtel de Paris : tous les clients se lèvent pour la saluer.
Elle mourra le 3 août 1954 à Paris.
"Mon Dieu, que la vieillesse est un meuble inconfortable !", avait-elle dit, lors de son dernier séjour à Monaco…
L’écrivaine et le prince Rainier III.DR.
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