Il y a 100 ans, le monde de l’aéronautique était réuni à Monaco

Au début de l’année 1922 sont publiées les mesures sur la navigation aérienne prises lors du congrès monégasque.

André Peyregne Publié le 09/01/2022 à 16:00, mis à jour le 09/01/2022 à 13:07
Rallye aérien de Monaco en 1914, qui a précédé le congrès aéronautique de 1922. Photo DR

Il y a un siècle, le transport aérien en était à ses débuts. Il fallait légiférer. Une Commission Internationale de Navigation Aérienne s’était réunie à Paris en octobre 1919 pour élaborer un code de conduite aérienne (lire encadré). Les décisions devaient entrer en vigueur en juillet 1922. Mais plusieurs devaient encore être discutées.

Aussi deux autres congrès avaient été organisés à Genève et Francfort. Un troisième eut lieu à Monaco, qui constitua un événement considérable en Principauté. Il se déroula du 19 au 22 décembre 1921. Les conclusions, dont certaines font sourire un siècle après, furent publiées dans la presse au début de l’année 1922.

Placé sous la présidence d’honneur d’Alexandre Millerand, président de la République française, mais en l’absence du prince Albert-1er , souffrant, il eut lieu dans la grande salle du Musée Océanographique.
Monaco avait déjà une réputation dans le monde de l’aéronautique, en ayant organisé en 1914 un grand Rallye aérien européen auquel avait pris part Roland Garros.

2.000 passagers en 6 mois sur Paris-Londres

Le 17 janvier 1922, le Journal de Monaco justifie ainsi l’intérêt du congrès: "Si l’on doit admettre que le nombre des avions ne sera pas dans dix ans inférieur au nombre actuel des automobiles, il n’est pas exagéré d’affirmer que le plus grand nombre de ces aéronefs servira aux relations internationales. La ligne Paris-Londres, exploitée journellement, qui comptait 750 voyageurs pour le premier semestre de 1920, en a compté 2.000 pendant les six premiers mois de 1921. D’autres lignes relient actuellement Paris à Bruxelles, Amsterdam, Strasbourg, Prague, Varsovie, Lausanne plus au Sud, Bayonne est reliée à Santander, Toulouse au Maroc – pour ne parler que des réseaux français. Une Convention internationale de l’air est donc plus que jamais nécessaire."

Parmi les sujets qui ont été abordés au cours du congrès de Monaco, quatre ont retenu l’attention de la presse : la circulation des avions au dessus des propriétés privées, l’immatriculation des avions, les droits d’atterrissage, le dédommagement des victimes en cas d’accident.

Circulation des avions au dessus des propriétés privées

Le propriétaire d’un terrain pourra-t-iI s’opposer au passage d’un avion à la verticale de sa propriété ? Faut-il modifier en France le Code civil qui remonte à Napoléon, ou dire, suivant le nouveau Code Suisse, que la propriété du sol est limitée en hauteur ? Peut-on s’en remettre au Comité Juridique International de l’Aviation préconisant que "nul ne peut s’opposer au passage d’un aéronef dans le cas où il ne présente pour lui aucun inconvénient notable"?

Les juristes se sont opposés aux techniciens, lesquels prétendaient "qu’il sera toujours impossible à un aéronef naviguant à une grande hauteur de discerner les limites d’une propriété ainsi que verticalité de la frontière entre un État qui tolérera la liberté de circulation d’un Etat qui la limitera".

La question resta en suspens, reportée au congrès suivant.

Immatriculation des avions

La question de l’immatriculation des avions fit consensus. La nationalité du propriétaire de l’aéronef déterminera celle de l’appareil. En cas d’acquisition d’un avion par plusieurs personnes, les deux tiers de la valeur de l’appareil devront appartenir à des copropriétaires de même nationalité.

Droit d’atterrissage

Le droit d’atterrissage fut réglementé de manière basique et définitive: "Hors le cas de force majeure, les aéronefs ne peuvent atterrir que sur les aérodromes publics ou ouverts au public".

Dommages causés par les avions

Les éventuels sinistres causés par les vols ou atterrissages intempestifs donnèrent lieu, eux, à des débats complexes et à d’étranges conclusions.

Le principe fondamental retenu fut celui du « droit à la réparation de tout dommage causé par un aéronef soit aux personnes, soit aux biens, qui se trouvent à la surface».

Un commentaire accompagna cette décision: "L’aéronaute constitue un danger pour les biens et les personnes à terre sans que ces personnes puissent rien faire pour s’en protéger. Aussi semble-t-il que le fait de manœuvrer au-dessus des personnes et de leurs biens, avec des machines qui peuvent leur devenir funestes (sic), devrait suffire pour mettre en faute l’aéronaute en cas d’accident".

L’aviateur pourra-t-il justifier d’un cas de force majeure en cas d’atterrissage forcé? Certains estimèrent que "l’aéronaute doit assumer tous les risques" mais prirent en comptent deux exceptions: l’accident provoqué par une faute ou une négligence commise par une personne se trouvant à terre et les dommages "commis par des tiers n’ayant pas pris part à la manœuvre mais se trouvant sur place. Exemple : les... curieux accourus sur le lieu de l’accident!"

En ce qui concerne la réparation des dommages, il fut proposé que "la victime exerce un droit de rétention sur l’appareil".

On le voit, en 1922 le législateur aérien avait encore à améliorer son sens des réalités !

Les États-Unis refusent de signer

À l’issue du congrès, le Journal de Monaco regretta le refus de signature des États-Unis: "Aucun de ceux qui ont assisté à la deuxième séance du 22 décembre n'oubliera le silence impressionnant au milieu duquel M. le Major Chaney fit connaître les raisons qui empêchaient les États-Unis d'Amérique de ratifier la Convention de Paris, à savoir le lien des états signataires avec la Société des Nations à laquelle le Sénat américain a refusé d'adhérer".

Le Journal de Monaco n’en conclut pas moins: "Avant de se séparer, les délégués ont tenu à rendre hommage à la bienveillante hospitalité du Prince, dont la généreuse clairvoyance, toujours attentive à ce qui intéresse la science humaine et la cause du rapprochement des peuples, a permis aux éminents juristes et techniciens de donner à Monaco, au lendemain de la grande tourmente mondiale, un noble exemple de ce que le travail en commun peut apporter au progrès international".

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