Camille Blanc voyait grand. Il aurait voulu repousser les frontières de la Principauté. Il était le fils de François Blanc, créateur de Monte-Carlo, du Casino et de la Société des Bains de Mer (SBM).
En 1881, après le décès de son père et de sa belle-mère Marie (seconde femme de son père), il accède lui-même à la présidence de la SBM.
Il se met alors à lorgner sur les territoires agricoles qui entourent la Principauté et qui dépendent de la Turbie. Dans ces territoires, il y a ce qu’on appelle le "quartier d’en haut" où se concentre l’essentiel de la population et le "quartier d’en bas", péjorativement appelé le "Carnier".
En 1894, Camille Blanc veut établir un lien matériel entre la Turbie et Monaco. Un train à crémaillère est créé, qui sera abandonné en 1932, à la suite d’un accident mortel.
Construction du Riviéra Palace
Camille Blanc s’intéresse au "quartier d’en bas" qui se trouve à proximité immédiate de la Principauté. Il veut en faire un quartier noble qu’il appellera "Monte-Carlo supérieur".
En 1896, il crée une Société immobilière qui porte précisément le nom de "Monaco supérieur". En 1898, la Société Belge des Grands Hôtels et Wagons lits entreprend la construction d’un hôtel somptueux, le Riviéra Palace.
L’essor de ce territoire va attirer de nombreux travailleurs, essentiellement italiens, qu'il faut loger. Monaco Supérieur est bientôt trois fois plus peuplé que le chef-lieu de La Turbie. Il rapporte les quatre cinquièmes des finances de la commune.
Camille Blanc maire de la Turbie
La stratégie de Camille Blanc se poursuit. Le 17 mai 1900, il se fait nommer maire de la Turbie. Il s’intéresse plus que jamais à Monaco Supérieur. L’immobilier explose. Les prix des terrains sont multipliés par dix mille tandis que la Turbie demeure un territoire agricole.
Alors qu’en 1896 le conseil municipal de la Turbie ne comportait aucun représentant du quartier "d’en bas", celui de 1900 en compte dix sur vingt-et-un. Monaco Supérieur se voit doté d’équipements publics: éclairage, égout, école, poste, marché.
Mais Camille Blanc n’a pas fini. Ami du président de la République française Emile Loubet, il va obtenir l'autorisation de détacher de la Turbie le territoire de Monaco Supérieur. C’est ainsi qu’en 1904 est créée la commune indépendante de Beausoleil.
Camille Blanc en est élu le premier maire. Son intention devient alors d’en faire une continuité de Monte-Carlo. Au conseil municipal, composé de vingt-deux membres, quinze sont des personnalités monégasques, cinq appartiennent à la SBM.
La guerre des casinos
C’est alors que, contre toute attente, va se créer une rivalité entre Beausoleil et la Principauté. Un groupe d’hommes d’affaires comprenant le docteur Lucas, le bijoutier Pollack et… le directeur des opérettes au théâtre de Monte-Carlo (un certain Couderc), vont créer un casino rival de celui de Monte-Carlo, le "Palais du Soleil".
Il se situe le long du boulevard frontière appelé boulevard du Midi. Ils obtiennent l’autorisation du gouvernement français d’organiser des jeux d’argent. Ils déploient les grands moyens, font venir le cuisinier de la Tour d’Argent à Paris, engagent des artistes comme Mistinguett, Mata Hari, la belle Otéro, Mounet-Sully, la Duse.
Mais quelqu’un ne l’entend pas de cette oreille: le maire Camille Blanc. Comment peut-on dans sa propre ville concurrencer le casino de Monte-Carlo dont il est le président?
Il va contre-attaquer et créer… un autre casino, le "Casino municipal de Beausoleil"! C’est la guerre des casinos!
Camille Blanc veut attirer dans son établissement la clientèle du casino de Monte-Carlo après la fermeture nocturne de celui-ci. Et dans cette guerre, devinez qui gagna? Camille Blanc bien sûr! Il mit en faillite le Palais du Soleil.
La "Révolution monégasque"
Il est le plus fort! Pour financer sa ville de Beausoleil, il a l’argent de la SBM.
Cela, pourtant, commence à agacer les gens des deux côtés de la frontière. Ceux de Beausoleil n’admettent pas d’être à la merci des finances monégasques et les Monégasques se demandent pourquoi ils ont à faire vivre Beausoleil.
Lors des élections municipales de 1908, des candidats dénoncent l’omnipotence des membres de la SBM. Le journal l’ "Écho de Beausoleil et de Monte-Carlo" les accuse de voir la mairie comme "leur propriété".
De leur côté, en 1910, les Monégasques commencent à réclamer la fin du monopole de la famille Blanc à la tête de la SBM.
La colère monte. Ce mécontentement va précéder ce qu’on appellera la "Révolution monégasque". Celle-ci aboutira en janvier 1911, sous Albert-Ier, à la disparition de la monarchie absolue à Monaco et la promulgation de la première Constitution monégasque.
Le… beau soleil de la région
Voici qu’arrive la Première Guerre mondiale. Comme toutes celles des communes françaises, les finances de Beausoleil sont exsangues.
Camille Blanc restera maire jusqu’en 1925 où il se retirera pour raison de santé. Il mourra en 1927.
Depuis, Beausoleil et Monaco poursuivent leur coexistence, partageant ce bien commun à tous les habitants de notre région – ce bien qu’on appelle… le beau soleil.
Les autres noms proposés pour Beausoleil
C’est le 10 avril 1904 qu’Emile Loubet, président de la République française, signa le décret de création de la commune de Beausoleil.
Des élections eurent lieu les 1er et 8 mai 1904 pour mettre en place les nouveaux conseillers municipaux dans les deux communes de la Turbie et de Beausoleil. Le conseil municipal de Beausoleil fut mis en place le 10 mai et élut à sa tête Camille Blanc.
Le choix du nom de la nouvelle commune avait été anticipé. C’est lors de la séance du conseil municipal du 12 novembre 1903 que les membres du conseil de la Turbie avaient choisi le nom de “Beausoleil’’.
Deux autres noms avaient été proposés: "Montfleury" et "Beauséjour".
Par délibération du 30 novembre 1905, Beausoleil se dote de ses armoiries (un olivier d’argent surmonté d’un soleil et… d’une étoile d’or). Il adopte aussi sa devise: "Lucet omnibus" ("Il luit pour tous").
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