Crime de lèse-majesté, un tourisme "sélectionné", flamber au Casino... Plongez dans les chroniques monégasques du XIXe siècle

Dans cette rubrique, nous évoquons la vie de Monaco au cours des saisons d’été au XIXe siècle, à travers la presse ou les récits de l’époque.

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André PEYREGNE Publié le 21/08/2022 à 18:35, mis à jour le 21/08/2022 à 18:38
Le casino de Monaco en 1870. DR

Quoi? Au milieu du XIXe siècle, le très sérieux journal Le Temps de Paris, ignore que Monaco est une principauté et croit que c’est une ville française? Face à une telle insulte à l’identité monégasque, le Journal de Monaco réplique par l’article que nous publions ici.

Le moins qu’on puisse dire est qu’à cette époque, Monaco manquait de notoriété! Mais les choses vont changer. Les visiteurs vont commencer à affluer dans la deuxième moitié du XIXe. Ils vont être attirés par des guides touristiques comme celui d’Elisée Reclus.

Pour accueillir les visiteurs, la Principauté va devoir réaliser des travaux. Elle va même décider de privilégier un "tourisme aristocratique". Tout cela fait partie de la vie estivale de la Principauté au XIXe que nous vous racontons dans cette page.

1863: crime de lèse-majesté

Le 9 août 1863, le Journal de Monaco voit rouge. Dans le quotidien Le Temps, qui est le grand journal parisien de l’époque (ancêtre du Monde), Monaco a été traité de "ville faisant partie des Alpes-Maritimes"!

Il y a pourtant bien longtemps que la Révolution est terminée et que Monaco est redevenue une Principauté. Une telle erreur est un crime de lèse-majesté.

Voici la réponse cinglante du Journal de Monaco: "Qu’il nous soit permis de faire remarquer au Temps, sans pédantisme, qu’il serait bon, lorsqu’on s’occupe des intérêts de son pays, d’en connaître l’histoire et la géographie. La ville de Monaco ne fait nullement partie du département des Alpes-Maritimes ni du territoire français. Elle est le patrimoine du prince Charles III, de l’antique famille des Grimaldi, où il règne en qualité de prince souverain avec le titre d’Altesse Sérénissime. C’est fort aimable au Temps de faire cadeau de Monaco à la France, mais il a oublié de s’assurer du consentement de Charles III."

1864: "La vie assez chère" selon Elisée Reclus

Elisée Reclus est l’un des grands géographes du XIXe. Ses livres touristiques faisaient référence à l’époque.

Voilà ce qu’il écrit sur Monaco: "Monaco possède plusieurs hôtels, parmi lesquels les principaux sont l’Hôtel des Bains et l’Hôtel de Russie, situé sur la place du Palais. À côté du Casino s’élève le vaste Hôtel de Paris, tenu avec un grand luxe. La façade septentrionale du Casino est précédée d’un péristyle à colonnes qui donne accès à une magnifique salle de bal de 30 mètres de longueur, haute et large en proportion."

"Dans le même rez-de-chaussée se trouvent les salles de concert, de conversation, de lecture et les salons de jeu. Le Casino est librement ouvert à tout venant, les tables de lecture sont chargées de journaux et de revues ; de temps en temps un orchestre d’instruments se fait entendre. Tout invite les étrangers à venir déposer gaiement leur argent sur le tapis vert."

"La vie est assez chère à Monaco, ainsi qu’on peut s’y attendre, la ville étant fréquentée surtout par des joueurs, et presque tous les articles nécessaires à la consommation locale devant être importés de Nice et de Menton."

1872: les travaux de l'été

L’été est la période des travaux qui préparent la saison d’hiver. Dans son édition du 20 août 1872, le Journal de Monaco en fait l’inventaire.

"En premier lieu, nous parlerons de l’installation d’un second gazomètre et la pose des conduites destinées à amener à Monaco les eaux du Tenao. Les premiers jours de septembre verront les eaux nouvelles affluer dans la ville; nos fontaines publiques seront enfin alimentées par une eau courante, avantage précieux sous tous les rapports."

"L’installation du second gazomètre nécessitera un temps plus long, mais on est en droit de penser qu’il pourra fonctionner au commencement de la saison d’hiver. Si nous sortons de la ville, on travaille au quartier des Moulins. De grandes réparations sont faites aux moulins à huile. Des roues nouvelles ont été installées, et plusieurs locaux, délaissés depuis quelque temps, seront appropriés à leur destination. L’administration a pris ses dispositions afin que les moulins soient prêts à fonctionner au moment de la récolte prochaine qui s’annonce sous les plus heureux auspices."

Le gazomètre, à la Condamine, à la fin du XIXe siècle. Photo DR.

29 août 1882: un tourisme "sélectionné"

Si Elisée Reclus parlait, en 1864 de salons de lecture ouverts à tous au Casino, la démocratisation de la culture effectue un sacré recul, dix-huit ans plus tard, à en croire cette étrange annonce parue dans le Journal de Monaco le 29 août 1882. Les salons de lecture ne seront réservés qu’aux "aristocratiques".

"Les salons actuels de lecture du Casino vont prochainement être transformés en un cercle aristocratique où l’on ne sera admis que sur justificatif, comme jadis au Cercle russe de Bade. Provisoirement et en attendant l’exécution des travaux de transformation de ces salons, le cabinet de lecture, auquel sera adjointe une bibliothèque, est transféré dans le local affecté jusqu’ici à l’exposition des produits de la Poterie artistique, près du Café de Paris. Cette exposition est aujourd’hui installée dans l’atelier de peinture de poterie."

"Le café, construit sous la salle de concert et dont l’entrée donne sur la terrasse de la musique, va être également aménagé en café-glacier réservé au public élégant."

Elisée Reclus, grand géographe du XIXe, trouvait que "la vie est assez chère à Monaco". DR.

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