Henri VI était surnommé "le cruel". Cet empereur du Saint-Empire romain germanique, qui régnait au XIIe siècle et était également roi de Sicile, n’aimait pas la contradiction.
Il fit brûler vif, à Palerme, un groupe de notables qui s’étaient opposés à lui lors de son arrivée au pouvoir. Henri VI était également un stratège.
Sa zone d’influence s’étendant à notre région, il décide en 1191 d’attribuer à la République de Gênes le rocher et le port de Monaco qui, jusque-là, appartenaient à La Turbie.
Il crée ainsi une haine entre Turbiasques et Monégasques qui allait durer plus de cinq cents ans.
Il faut attendre le XVIIe siècle pour que le roi de France Louis XIV intervienne pour y mettre fin. Cela s’est passé il y a exactement 350 ans, en juin 1670.
La ruse des Grimaldi
C’est en 1215, une fois qu’Henri VI eut décidé la nouvelle répartition territoriale, que la famille génoise des Gibelins construit une forteresse sur le rocher de Monaco.
Dès lors les Monégasques n’ont de cesse de s’étendre et grignoter sur les territoires appartenant à La Turbie.
Lorsqu’en 1297 les Grimaldi s’emparent par ruse de Monaco - leur chef s’était déguisé en moine pour pénétrer à l’intérieur de la forteresse -, ils poursuivent leur expansion territoriale.
À la fin du XIVe siècle, les données changent: le comté de Nice et La Turbie passent sous l’autorité de la Savoie.
Les relations entre Turbiasques et Monégasques ne font qu’empirer.
Le prince de Monaco Hercule Ier interpelle le roi d’Espagne Philippe III, qui a autorité sur la Savoie, pour les apaiser. Rien n’y fait. En 1604, Hercule Ier est assassiné.
Son successeur, Honoré II, décide de placer Monaco sous protection de la France.
Les relations entre Monaco et La Turbie - restée savoyarde, donc sous protection espagnole - n’en sont qu’aggravées.
En 1631, les Monégasques accusent les Turbiasques d’avoir volontairement fait pénétrer l’épidémie de peste à Monaco.
Cela entraînera cinq mois d’isolement de la Principauté et l’évacuation du prince Honoré II.
Lorsqu’il arrive au pouvoir, le prince Louis Ier trouve une situation si explosive qu’il décide avec le duc Charles-Emmanuel II de Savoie de nommer deux "arbitres", le cardinal de Gênes Lorenzo Imperiali et le cardinal de Modène Rinaldo d'Este.
Sans résultat. Les conflits continuent.
Le Roi Soleil intervient
Le prince Louis Ier a alors l’idée de faire intervenir le roi Louis XIV en personne.
Louis XIV aimait bien le prince Louis Ier de Monaco qui portait le même prénom que lui. Il était son parrain et en plus - faut-il en tenir compte ? - il a pris un temps sa femme Catherine-Charlotte pour maîtresse.
Dans un écrit du 10 juin 1670, Louis XIV suggère de partager le territoire en deux, la partie montagnarde revenant à la Turbie et la partie maritime à Monaco.
Bien sûr, cela ne satisfaisait pas les Turbiasques, mais c’était la solution de la raison.
Le roi favorisait Monaco. Il avait fallu quatre siècles pour en arriver là.
Pourtant, la solution ne s’appliquera pas immédiatement. Car la France entre en guerre contre la Savoie. En 1691, l’armée de Louis XIV assiège Nice.
Les Monégasques se font un plaisir de lui prêter main-forte pour qu’elle s’empare aussi de La Turbie.
En 1705, lors de la Guerre de Succession d’Espagne, la France revient attaquer Nice. C’est d’ailleurs à cette occasion qu’est détruit le château de Nice.
Louis XIV décide purement et simplement d’intégrer La Turbie à la Principauté de Monaco.
Mais cela ne se fait pas. Les choses évoluent lors du traité d’Utrecht mettant fin en 1713 à la Guerre de Succession d’Espagne. La France renonce à la Savoie et n’a plus d’autorité sur La Turbie.
La Turbie perd son accès à la mer
En novembre 1760, un accord intervient entre le prince Honoré III et le roi Charles-Emmanuel III de Piémont-Sardaigne pour revenir aux préconisations "raisonnables" de Louis XIV de 1670.
Il établissait à peu près les frontières occidentales que l’on connaît aujourd’hui. La Turbie perd alors définitivement son accès à la mer vers l’est.
Elle en serait totalement privée vers l’ouest lorsqu’en 1908, Cap-d’Ail se séparerait de La Turbie.
Louis XIV, ce grand stratège, avait prévu cela, en 1670. Il y a trois cent cinquante ans.
la paix retrouvée
Après l’accord frontalier entre la Principauté de Monaco et le Royaume de Piémont-Sardaigne survenu en 1760, les relations entre La Turbie et Monaco se sont apaisées.
Le prince Florestan 1er s’est rendu à La Turbie en 1853, avant, en 1860, le prince Charles III.
C’est l’année où le comté de Nice est rattaché à la France et où Monaco est désormais entouré par le territoire français.
En 1914, le prince Albert Ier est accueilli par le maire turbiasque Philippe Casimir.
Il apporte son aide à la restauration du Trophée d'Auguste et offre l'horloge de l'ancienne mairie. Une avenue du village est baptisée cours Albert Ier.
En 1960, le prince Rainier III est nommé citoyen d’honneur. En 2000 le "Rondo Rainier III" est inauguré en présence du prince Albert II et la piscine municipale baptisée en 2017 "Piscine Princesse Charlène".
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