Avec le départ de Kamil Glik vers Benevento en Italie, voilà une nouvelle page qui se tourne sur le Rocher. De tous les joueurs sacrés champions de France en 2017, seuls Djibril Sidibé, Jemerson, Loïc Badiashile et Adama Traoré sont encore sous contrat avec le club. Bientôt, il ne restera plus rien de cette époque, pas si lointaine, où l’ASM affolait les filets et où les adversaires craignaient autant Bernardo Silva, Kylian Mbappé et Falcao que Kamil Glik.
Quelques mois après le titre de champion de France de 2017, le coach strasbourgeois Thierry Laurey avait parfaitement résumé l’aura du Polonais: "Glik, on peut dire ce qu'on veut, ce n'est peut-être pas un super joueur, mais c'est un défenseur de folie. C'est un tueur à gage. Quand t'as des garçons comme ça, même leur laisser des miettes, c'est trop. C'est un mec qui donnerait sa vie."
Capitaine depuis le départ de Falcao l’été dernier, Glik retourne donc en Italie, là où il était devenu un taulier notamment au Torino. Mais c’est sur le Rocher que le défenseur central des Biało-czerwoni (73 sélections) s’est mué en un drôle de joueur, surtout après une première saison tonitruante ponctuée par un titre de champion et des buts à la pelle (6 en championnat, pas mal pour un central).
Indéboulonnable, le Polonais devient même le joueur le plus rapide à passer le cap des 100 matches dans l'histoire de l'ASM (647 jours, soit 122 de moins que Bernardo Silva, l'ancien détenteur de ce record).
Alors oui, peut-être que cette première saison va renvoyer une image déformée du réel niveau de Kamil Glik car les trois suivantes vont être, disons-le, moins impressionnantes. A sa décharge le défenseur, rarement blessé, joue énormément (trois saisons de rang à plus de 50 matches toutes compétitions confondues) et les départs massifs chaque été affaiblissent l’équipe.
Malgré tout, Glik n’a jamais abandonné le navire. Droit, écouté dans le vestiaire et souvent juste, le Polonais faisait l’unanimité dans le groupe. Pendant la crise de la Covid-19, il est en première ligne pour défendre les intérêts de ses coéquipiers face aux demandes d’Oleg Petrov.
Un soldat qui n’hésite pas à montrer les muscles quand c’est nécessaire. Regard perçant, épaules de bodybuilder, Glik est du genre imposant et peut intimider au premier contact. En interne, il est pourtant adoré de tous, des joueurs aux salariés.
Mais l’homme se transforme une fois sur le terrain où il se dégage parfois du stoppeur une puissance rare. Un défenseur capable de balancer un coup de casque quand il faut, de mettre un avant-centre réputé dans sa poche et, parfois, d'aller au combat à la limite de l'excès.
En 2017 lors de la double confrontation contre la Juventus Turin en demi-finale de Ligue des Champions, Glik se souvient qu'il a longtemps porté le brassard du club ennemi, le Toro. Alors quand il confond le genou de Gonzalo Higuain avec la pelouse, il assume son geste face à la presse italienne dans des propos rapportés à l'époque par la Gazzetta Dello Sport: "Je ne l'ai pas fait exprès. Je méritais peut-être le carton rouge, mais par le passé la Juventus n'en a pas reçu beaucoup. Il est arrivé, il arrive et il arrivera encore que les arbitres aident la Juve. Ce sont des choses qui arrivent sur le terrain, tout s'est déroulé rapidement. Je n'ai pas eu l'occasion de m'en expliquer avec lui, mais j'ai aussi pris des coups de lui pendant cinq ans en Italie. Je pense qu'il peut comprendre." Glik, c’est ça, un mec avec qui tu peux partir au combat.
Pour comprendre la dureté du garçon, il faut se replonger dans son passé. A 18 ans, il quitte la Pologne pour une petite équipe espagnole (UD Horadada) avant de filer au Real Madrid C.
A 20 ans il retrouve son pays puis c’est la découverte de l’Italie: Palerme, Bari, Torino avant le grand saut sur Monaco. C’est à Turin qu’il commence à se tailler une solide réputation en devenant le premier non-Italien à porter le brassard depuis 1960.
Là, il hérite de surnoms qui le caractérisent assez bien - "Le terrible Polonais" ou "Assassin’s Glik" - et participe chaque année à la commémoration du Superga, la colline où l'avion transportant l'équipe s'était écrasé le 4 mai 1949, faisant 39 morts.
Glik le Polonais se sent comme chez lui. Il est adopté. Un rappeur local, Willie Peyote, lui consacre même un morceau avec un refrain plutôt entraînant: "Glik, Glik, Glik, je rentre chez toi avec un cric, soyons hardcore comme Kamil Glik".
Mais au fond de Kamil Glik, il y a toujours cette absence, celle de son père, ancien employé des mines qui avait une fâcheuse tendance à taquiner la bouteille. Glik Senior décède en 2009, Kamil a 21 ans.
Pour le Guardian, peu de temps avant l'Euro 2016, il avait accepté de se livrer sur cette période trouble de sa vie. Glik parle d'une mère "très triste" qui "faisait tout pour l'aider, mais c'est une maladie lourde, pesante. S'il n'y a pas la volonté de la personne malade de se faire aider..."
Au détour d'une réponse, le joueur évoque une partie de pêche à la dynamite où son père ramène des bâtons de TNT en guise de canne à pêche. Il balance le tout dans un étang pour, ensuite, ramasser les poissons morts. Dans la foulée, Senior file au bar du coin pour dépenser en alcool le pécule de sa pêche. Dans ce long tunnel c’est son père qui, malgré tout, va lui transmettre l’amour du football.
À 32 ans, après quatre années de bons et loyaux services, Kamil Glik a donc quitté Monaco et le Rocher. Il n’avait pas la classe d’un Christanval, l’élégance d’un Marquez ou le placement d’un Artelesa mais il restera, pendant un moment, ce géant Polonais qui, au cœur d’une saison 2016-2017, a terrorisé tous les attaquants de France et d’Europe avec, en point d’orgue, cette volée salvatrice dans les arrêts de jeu contre le Bayer Leverkusen un soir de septembre 2016 (1-1). Pan!
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