Son arrivée, Leonardo Jardim, les raisons de son départ... Luis Campos se confie sur son passage à l'AS Monaco

Homme clé du projet sportif du Losc, Luis Campos a bâti avant de partir l’équipe de l’ASM championne de France 2017 entre 2013 et 2016.Le Portugais directeur technique à l’époque a accepté de revenir sur son passage au club.

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Fabien Pigalle Publié le 15/06/2020 à 12:30, mis à jour le 15/06/2020 à 11:09
En stage de présaison en Italie, le 14 juillet 2015, Luis Campos, Vadim Vasilyev et Leonardo Jardim échangent sur l’effectif. Photo J-F.O.

Racontez-nous votre arrivée à Monaco?
C’était en 2012, j’étais au Real Madrid et j’ai été convié à un rendez-vous avec Vadim Vasilyev pour me présenter le projet. J’ai réfléchi une ou deux semaines et j’ai pris la décision de le rejoindre l’année suivante en 2013. J’ai quand même quitté le meilleur club du monde (rires). Ma vie a totalement changé, mais j’avais l’espoir dans ma tête de travailler pour un projet comme celui-là. Regarder les meilleurs joueurs du monde et les connaître ne suffit pas.Il fallait aussi mettre en place une structure pour les faire progresser. C’est une grande histoire et je ne me suis pas trompé car c’était un projet qui collait parfaitement à ma personnalité. Je voulais faire des choses différentes dans le foot.

Quelle était la stratégie de départ?
Pour avoir une grande équipe il faut des bons joueurs et un bon entraîneur. C’est la base. Mais ce premier recrutement avec Falcao, Moutinho, James etc. C’était aussi une manière de démontrer au foot français qu’il fallait compter sur Monaco désormais.

A la fin de la première saison en L1, le club, dauphin du PSG, décide de se séparer de Ranieri. Pourquoi?
Claudio Ranieri n’est pas seulement un grand entraîneur, c’est un grand monsieur. Mais il se trouve qu’avec le fair-play financier, le projet devait changer. L’UEFA nous a prévenus qu’on ne pouvait pas continuer comme ça et qu’on devait avoir une politique économique pour faire entrer de l’argent au club. Un entraîneur de 50, 60 ou 70 ans est habitué à ce que les meilleurs joueurs restent longtemps au club. J’aime beaucoup ça aussi. Or, ça ne pouvait plus être le cas à l’avenir à Monaco. On ne peut plus être endetté. Aujourd’hui il faut être performant sur le plan sportif mais aussi stable et équilibré sur le plan économique.

Ranieri ne voulait pas accepter ça?
On a beaucoup discuté avec Ranieri et on lui a expliqué qu’on ne pouvait pas lui donner tous les ans les grands noms du football mondial. Je pense qu’à ce moment il aspirait à autre chose.Car c’est un risque de repartir chaque année avec des joueurs qui n’ont encore rien prouvé. Attention, je ne dis pas que Ranieri n’aurait pas été capable. Mais il a une autre idée dans sa tête.

Du coup vous surprenez tout le monde en faisant appel à Leonardo Jardim...
Il arrive à Monaco avec une énorme envie, la faim, et une méthodologie de travail différente qui colle au projet. On lui a expliqué que nous avions besoin d‘avoir des résultats mais aussi une bonne santé économique. Je savais ce qu’il avait été capable de faire au Portugal avec des équipes plus petites. Pour moi il avait le bon profil pour entrer dans le projet. Il nous permettait de lancer Monaco dans la direction souhaitée.

Comment travailliez-vous avec Leonardo Jardim?
Vous savez, ce qui compte le plus, c’est d’être clair! Que la ligne tracée soit claire. Je travaille de la même façon avec Christophe Galtier aujourd’hui. Il n’y a pas eu de discussion sur la politique sportive puisqu’elle a été définie. Donc chacun s’occupe de sa partie. Je connaissais les compétences de Leonardo Jardim, comme celles de Galtier au Losc. Voilà pourquoi il est important de définir les règles et définir les fonctions de chacun. Il faut que chacun soit responsable. Sinon il peut faire courir un risque au projet. Ce qui fait la différence c’est la capacité de travailler ensemble mais en étant individuellement très compétent à son poste.

Avec le recul vous rendez-vous compte de la grande réussite de ces années-là?
Je suis très fier d’avoir été dans ce club à cette période. C’est un très bon exemple. On a prouvé que dans le football on pouvait avoir de bons résultats économiques et sportifs. Tout le monde regarde les grandes ventes qu’on a réalisées mais en même temps, nous avons toujours été sur le podium! On a bien joué.

Vous sentez-vous champion de France 2017 avec Monaco (il a quitté le club en 2016)?
(Rires) Bonne question! J’ai fait le puzzle de l’équipe qui a réalisé cette brillante saison. Elle a été très bien accompagnée et dirigée par Leonardo Jardim et Vadim Vasilyev. Mon travail s’est achevé quand j’ai ajouté les dernières pièces: on a recruté Glik, Sidibé, Mendy. On a refait toute la défense. La signature de Mbappé etc.

Comment vous expliquer...
J’ai construit le garde-manger, et j’ai laissé les autres cuisiner (rires). Mais je ne veux pas de médaille. C’est un travail collectif. Mais quand je suis parti de Monaco, disons que le chef avait les meilleurs produits pour très bien cuisiner et ils l’ont très bien fait.

Après le titre, l’équipe s’est trouvée en perte de vitesse...
Pour faire une bonne équipe il faut un mélange, avoir de bons joueurs et un bon entraîneur. Mais ça va au-delà d’une simple addition. Il faut trouver des connexions, des complémentarités entre les joueurs. Si on poursuit dans notre idée de cuisine, il y a des aliments qui ne se marient pas bien alors que séparément ce sont deux excellents produits. L’entraîneur doit sublimer tout ça. Mais dans le scouting le plus important c’est cette vision d’ensemble. Jauger de la progression d’un joueur c’est une chose, de sa qualité aussi, mais évaluer le potentiel de connexion, de complicité et complémentarité avec les autres joueurs c’est extrêmement important. Quand on faisait nos courses, toujours pour rester dans l’image de la cuisine, il fallait penser à tout ça. Est-ce qu’il va se plaire en Principauté? Est-ce que ça va coller avec l’entraîneur? Est-ce qu’il colle avec l’histoire du club et l’identité de l’équipe? Etc. C’est beaucoup de travail mais c’est ce qui fait la différence. Quand on a recruté Sidibé on cherchait quelqu’un qui puisse jouer avec Bernardo Silva quand celui-ci rentrait à l’intérieur en 4-4-2 pour qu’il ait tout le couloir sans oublier Glik aussi axe droit etc.

Pourquoi êtes-vous parti alors que vous auriez pu fêter le titre de champion de France?
Dans la vie je cherche deux choses: être heureux et bien faire mon travail.Je ne cherche pas les médailles. La preuve. Il est arrivé un moment à Monaco où ma méthode de travail n’était plus suivie. Quand je suis arrivé à Monaco j’ai cherché à convaincre tout le monde que cette méthode pouvait nous aider à être performant économiquement et sportivement. Ce que je fais à Lille. Pour y arriver, il y a des lignes de conduite qu’il faut respecter.C’est ma méthode, on ne peut pas zigzaguer. Souvent les personnes ne me comprennent pas et disent que je suis très exigeant, difficile. Oui, c’est vrai.Parce que je me considère comme le gardien de cette ligne d’orientation pour être performant.

Une méthode fragile?
Non elle n’est pas fragile. Elle est précise. Quand tu fais un puzzle il faut que tu trouves les pièces correctes. C’est tout.Tout le monde aime la Tour Eiffel, j’adore.J’adore aussi Manhattan. Mais si tu mets la tour Eiffel au milieu de Manhattan, ça ne marchera pas. Il n’y aura pas d’harmonie. Ce sont deux belles choses, mais elles n’ont rien à voir. Elles ne font pas partie du même puzzle.

Les dirigeants ont-ils perdu un peu la tête, aveuglés par la réussite?
Je respecte les décisions. Les gens qui ont le pouvoir peuvent toujours décider de continuer dans une direction ou de changer.Je suis très exigeant. Je suis très dur, c’est vrai.Je n’hésite pas à dire que pour moi, le chemin est là, ici, et pas ailleurs. Mais parfois les gens sont attirés par les choses qui brillent.Ils pensent alors que le chemin est plus large que ce qu’on pense.

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