Dresser le portrait de Philippe Clement revient à contempler une montagne de louanges. Depuis ses débuts sur un banc en 2011, sa trajectoire s’est voulue linéaire. Il a assuré le maintien de Beveren (2017) puis remporté trois titres de champion à Genk (2019) et à Bruges (2020, 2021).
Dans la Venise du Nord, sa maison, il a tout connu: coach des Espoirs, adjoint, intérimaire puis entraîneur principal. Et partout, le Flamand a conquis les cœurs.
"Il est fou de foot et travaille jour et nuit, présente Georges Leekens, dont Clement était l’adjoint à Bruges en 2012. Je le voulais déjà à mes côtés quand il coachait les Espoirs. Il est moderne et toujours intéressé par de nouvelles choses. C’est un perfectionniste qui m’a apporté sur la gestion de la data. Quand des coachs font du cinéma, ce n’est pas son cas. C’est un entraîneur de haut niveau, il n’est pas là pour s’amuser."
L’ex-milieu international (38 capes, 1 but) n’était pas un esthète sur le pré, mais il a construit sa carrière sur son intelligence et un physique hors pair. Une vision qu’il partage désormais avec ses hommes. "Joueur, c’était une force de la nature. Il courait sans limite et cela rejaillit sur le jeu de ses équipes, développe Christophe Franken, chef de la rubrique football au quotidien La Dernière Heure. Il propose un jeu hyperactif et généreux vers l’avant. C’est la mode allemande, avec de l’intensité et du pressing."
"Il est fou de foot et travaille jour et nuit" Georges Leekens, ex-entraîneur de Bruges, qui a nommé Clement parmi ses adjoints en 2012.
Exigeant sur le plan athlétique, il s’est démarqué par ses ambitions dans le jeu. "Il met des joueurs à des positions de départ mais ensuite cela bouge beaucoup. Dans ses équipes, on remarque que les buts viennent de partout. Ce n’est pas nécessairement l’attaquant qui marque le plus", reprend Franken.
Mais l’Anversois n’est pas qu’un bourreau de travail. Ses prises de parole réfléchies marquent aussi les esprits. "Ses consignes sont claires. Il est pédagogue. Même s’il a du caractère et sait ce qu’il veut. Quand il parle, c’est toujours de manière positive", loue Benoît Poulain, défenseur qui l’a vu débuter comme adjoint à Bruges. Dieumerci Ndongala abonde. "Il est porté sur l’humain. Il aime bien avoir de petites attentions pour ses joueurs, savoir comment ça se passe à la maison, comment on se sent mentalement."
L’attaquant de la République Démocratique du Congo évoque "le meilleur coach de sa carrière". Un homme avec lequel il a remporté la Jupiler League à Genk et qui l’a transcendé. "Il m’a donné l’envie de devenir entraîneur, raconte le trentenaire. Il met beaucoup de détermination dans ses causeries. Il est sûr de lui et il transmet cette confiance au groupe."
Un collectif qu’il chérit comme un trésor. "Il ne veut pas être la star. Pour lui, la vedette, c’est l’équipe. Il a l’esprit de famille", insiste Leekens, qui fut son sélectionneur lors du Mondial 98.
"Il a compris l’importance de la cohésion de groupe. Sa proximité avec ses joueurs l’a d’ailleurs empêché d’être n°1 plus tôt à Bruges", ajoute Poulain, au sujet d’un coach sensible au moindre détail.
Et soucieux de ne pas laisser un grain de sable s’insérer dans sa belle machine. "Il est impressionnant tactiquement, décrypte Ndongala. On avait plusieurs manières de sortir le ballon et ça se jouait au millimètre près dans le placement. A un moment, les joueurs se trouvent les yeux fermés. Quand il dit les choses, que tu les mets en place et que ça marche, tout le monde le suit."
"Il m’a donné l’envie de devenir entraîneur", Dieumerci Ndongala, son ancien attaquant avec lequel il a été champion à Genk.
Y compris les jeunes, qu’il a toujours su embarquer dans son sillage. Et ça tombe bien puisque l’ASM, qui l’a engagé pour trois saisons, attendra beaucoup de lui sur ce volet. Franken rassure: "A Bruges, Noa Lang (22 ans) est la star. Malgré un caractère difficile, on sentait qu’il adhérait aux méthodes de Clement. Il était à l’écoute. Entre eux, il y avait une relation père-fils. Gérer les jeunes est l’une de ses grandes qualités. Avec eux, il fait preuve d’audace. Il a compris qu’ils étaient essentiels pour la vie financière des clubs."
Seul bémol dans ce tableau idyllique, la capacité de Clement à inscrire ses principes dans la durée. Excepté Bruges, il n’est jamais resté en poste plus de deux saisons et demie dans un club. "Parce qu’il a connu à chaque fois une progression", pose Leekens. Savoir si son exigence peut coller à l’ASM demandera du temps, alors qu’il se murmure que le vestiaire s’était lassé des méthodes "militaires" de son prédécesseur Niko Kovac.
A Bruges, ces derniers mois, les suiveurs constataient "quelques éléments d’usure" (Franken). Les Blauw en Zwart, doubles champions en titre, comptaient 7 points de retard sur le leader et promu, l’Union Saint-Gilloise.
"Les joueurs avaient du mal à se remobiliser après les matchs de Ligue des champions", détaille Franken. Un faux débat pour Leekens. "S’il était resté, il aurait été champion. J’en suis sûr, et facilement", jure l’ex-sélectionneur des Diables Rouges, pour qui ces critiques émanent "de gens négatifs et jaloux".
"Il est cool, ce n’est pas un policier. Il n’hésite pas à donner des libertés aux joueurs", Dieumerci Ndongala, sur sa méthode
"Il sait se renouveler et il aime le football. Cela se ressent dans ses séances, se souvient Ndongala. Il est cool, ce n’est pas un policier. Il n’hésite pas à rigoler et donner des libertés aux joueurs. Ce n’est pas un homme de conflit, sauf si tu déroges à la discipline."
Franken est bluffé par sa science du timing. "Savoir partir d’un club au bon moment est aussi une preuve d’intelligence."
"Il fera une meilleure carrière d’entraîneur que de joueur, prédit Leekens. Il connaît ses qualités et ses défauts. Il me fait penser à Didier Deschamps. Il sent le football et tire le maximum des joueurs. Monaco, c’est un beau mariage et le bon moment."
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